Le loup: niveau de protection abaissé
Le loup : niveau de protection abaissé
L’UE veut tourner le dos à des décennies de protection du loup accordée par la Convention de Berne du Conseil de l’Europe (traité de 1979 relatif à la conservation de la faune sauvage) et la Directive « habitats », qui a permis son retour dans presque tous les pays de l’UE. Les plus grandes populations se trouvant dans la péninsule ibérique, en Italie, Allemagne, Europe de l’Est.
Le 3 décembre 2024 était votée par une majorité des 49 États membres de la Convention de Berne une proposition en faveur d’un déclassement du statut de protection du loup, le rétrogradant d’espèce « strictement protégée » à « protégée ».Cinq pays s’y sont opposé: Royaume- Uni, Monaco, Monténégro, Albanie, Bosnie- Herzégovine, deux se sont abstenus, Tunisie et Turquie.
Cette modification entrera automatiquement en vigueur trois mois après son adoption, sauf si au moins un tiers des parties à la Convention (17) s’y oppose. Dans le cas contraire elle entrera en vigueur uniquement dans les pays qui ont voté en sa faveur.
Au niveau de l’UE ce déclassement du loup ne sera applicable qu’après la modification de la Directive « Habitats-faune-flore » de1992 dont relève le loup en tant qu’espèce communautaire, qui fait l’objet d’une protection stricte, assortie cependant de possibilité de tirs, via des dérogations à l’interdiction de destruction, dans des conditions très précises et justifiées, notamment en cas de dommages importants aux troupeaux, en l’absence d’autres solutions, et si la population de loup est jugée en « bon état de conservation ».
La France a joué un rôle majeur dans cette proposition de déclassement de la protection du loup.. . elle a inscrit cet objectif dans le «Plan National d’Actions 2024-2029 sur le loup et les activités d’élevage » du 23 février 2024 et dans la foulée a défini une nouvelle règlementation qui a encore simplifié et accéléré les procédures de délivrance des autorisations de tirs dérogatoires, contre l’avis des scientifiques et des ONG environnementales. Cf notre article :
https://ecologie58.blog4ever.com/article-sans-titre-23
Depuis 2004, la France utilise les tirs dérogatoires à la protection stricte du loup prévus par la Directive « Habitats » en fixant chaque année un quota d’abattage qui depuis 2020 s’élève à 19% (un des taux le plus élevé d’Europe) de la population de loups estimée (par l’Office National de la Biodiversité) quelles que soient ses fluctuations : forte diminution en 2023 par rapport à 2022 (-9%-1003 individus), stabilité en 2024 estimation 1013 spécimens et elle vient d’autoriser pour 2025 l’abattage jusqu’à 192 d’entre eux qui s’ajoutent aux pertes par braconnage inconnues (que le déclassement risque d’accroître…).
Ce plafond de tirs létaux dérogatoires est en fait géré comme un quota à atteindre … et il l’est quasiment chaque année. Le but non avoué de cette politique en France est de réguler la population de loups en freinant au maximum sa croissance au niveau national et sa recolonisation de nouveaux territoires (voire à la stopper..). La preuve est que « le plan loup » introduit la notion de « non protégeabilité (d’une zone, d’un troupeau) qui conduit à la délivrance d’autorisation de tirs létaux , en l’absence de la mise en place de mesures de protection ou d’expérimentation de l’effarouchement. Et alors que l’état de conservation du loup est précaire dans notre pays : il repose sur le dynamisme du noyau reproducteur de population situé dans l’arc alpin (Alpes, Pré-alpes, zone méditerranéenne), la dispersion de l’espèce à laquelle on assiste étant majoritairement le fait des jeunes, sans constituer de nouveaux noyaux reproducteurs.
Si demain la directive « habitats » est modifiée, le loup classé en espèce « simplement protégée » deviendra une espèce qu’on régule, on pourra le chasser comme d’autres espèces et selon des règles décidées au niveau de chaque pays. . Si les tirs devront continuer à être encadrés, ce déclassement ouvre la porte à une simplification des autorisations administratives, dans les pays où le loup est moins présent ou au contraire dans ceux où les tensions avec les éleveurs sont fortes avec le risque d’une hausse des quotas annuels de tir, dans les pays où ils sont déjà appliqués (comme en France). ou celui de tirs de prélèvement préventifs, en dehors de toute attaque aux troupeaux s’ils sont jugés trop nombreux dans une région.
Ce déclassement, en autorisant d’avantage de tirs serait à nouveau une menace pour le loup en Europe. Scientifiques et associations de protection de la nature rappellent que son état de conservation reste fragile au regard des disparités entre les pays. Selon la liste rouge des espèces menacées de l’IUCN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) 6 des 9 populations de loups présentes dans l’Union européenne sont classées vulnérables ou quasi-menacées (l’espèce est classée vulnérable en France). Il a dénoncé l’abaissement de la protection du loup qui « n’apparaît pas fondée sur l’état actuel des connaissances scientifiques disponibles ».
L’objectif de ce déclassement serait, dans un contexte d’augmentation de la population de loups en Europe,de pouvoir en tuer plus pour abaisser une prédation que l’UE juge « importante ». A relativiser, avec une population estimée à 23000 loups en Europe, la prédation sur les ovins représentent 0,06%, elle n’est donc pas la principale cause de diminution de l’activité d’élevage et d’abandon des terres !.
Plusieurs études montrent que ce ne sont pas les tirs qui font baisser les dommages aux troupeaux. Il n’y a pas de corrélation entre le nombre de loups et les attaques. Tous les loups ne s’attaquent pas aux animaux domestiques. Un seul dans un secteur peut faire énormément de ravages, et une meute constituée aucun.
On n’a pas de recherches qui prouvent que les tirs font baisser sur le long terme la prédation sur les troupeaux.
Par ailleurs des tirs au hasard sur une espèce aussi sociale que le loup peuvent être totalement contreproductifs : selon l’individu tiré (animal dominant) on peut déstabiliser les meutes (augmentation de la fréquence des dispersions et donc des attaques), provoquer l’arrivée d’autres loups qui viendront remplacer ceux qui ont été tués ou le report de la prédation sur d’autres unités pastorales, voire une reproduction plus rapide…
Les partisans d’une plus faible protection du loup éleveurs, chasseurs ont remporté une victoire. Pour certains ce n’est même qu’un premier pas. L’idéal serait l’élimination pour retrouver un monde sans loup.
Dans le camp des défenseurs du prédateur (scientifiques, ONG…) assouplir les règles de tirs ne règlera pas le problème de la prédation face à une dynamique de recolonisation des territoires européens. Garantir la défense du pastoralisme tout en protégeant le loup passe par la cohabitation. Voie difficile. tant les situations sont variées (différence entre les sites (les plus difficiles étant notamment dans les nouvelles zones de colonisation, les secteurs à attaques multiples)), mode de conduite des troupeaux, comportement des loups en meute ou solitaire, interaction loup/patou, mais possible si on y met les moyens.
Face à des événements de prédation qui sont pour les éleveurs non seulement source de stress et de désarroi mais peuvent aussi mettre en péril certains systèmes pastoraux traditionnels, tous les efforts devraient porter, dans les territoires où la présence du loup est nouvelle ( c’est là que les attaques augmentent faute de protection), sur l’accompagnement des éleveurs et bergers dans l’acceptation du retour du loup, après comme en France une longue absence ( bénéfices écologiques de sa présence) et la détermination avec eux de solutions de protection adaptées aux contextes locaux en mesure de diminuer la vulnérabilité des troupeaux (chiens, clôtures, parcs de nuit, présence humaine, effarouchement…) suivies d’une évaluation de leur efficacité. Le tir ne venant que dans des situations exceptionnelles.
La décision de l’UE de s’attaquer à la protection du loup, pris comme bouc émissaire des difficultés que rencontre le secteur de l’élevage, tourne le dos à cette démarche et vise en fait la diminution de sa population alors que déjà des milliers sont tués légalement ou illégalement sous le statut actuel de protection stricte !
Quant aux états ils devront choisir : possibilité de destruction de loups en protection des troupeaux comme c’est le cas aujourd’hui quand des mesures de protection ont été mises en place ou laisser tirer des loups au hasard (les chasser) sans se préoccuper de savoir s’ils ont réellement un rapport avec la prédation….Mais dans ce cas quelle sera la situation des éleveurs ? Y aura-t-il encore une raison pour que les Etats subventionnent les mesures de protection et compensent les pertes subies comme ils le font aujourd’hui ?.
Les loups sont là, ils resteront ou reviendront… (ils ne connaissent pas les frontières…). Le déclassement du loup pour augmenter les possibilités de sa destruction ne changera rien à la nécessité de protéger les troupeaux et de chercher les termes d’une cohabitation.
Alors que la question du statut du loup doit se baser sur des rapports scientifiques conformément à la législation européenne sur la conservation de la nature, Bruxelles n’a fait que céder aux puissants lobbies de la chasse et de l’agriculture. La question du loup est aussi entrée dans le champ politique avec l’arrivée dans les Etats européens et les institutions européennes de partis populistes qui courtisent les électeurs ruraux…
C’est la première fois qu’un animal perd son statut de « strictement protégé ».
Qu’est ce qui empêchera, demain que d’autres espèces (ours, lynx..) subissent le même sort ? Cette décision purement politique décrédibilise les engagements de l’UE envers la protection de la biodiversité, notamment de la vie sauvage qui y tient une place majeure.
J.Thévenot
https://www.ferus.fr/loup/le-loup-conservation-et-protection
www.cap-loup.fr
En Nièvre
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