LVNAC-Le castor européen en Nièvre
Le castor européen en Nièvre
A l'heure où dans notre beau pays, l'avenir de l'ours est plus que compromis, où le loup espèce protégée, qui ne compte que deux cents individus, est allègrement braconné ou tiré sur simple autorisation des préfets ( et non plus des ministres,arrêté ministériel du 27 mai 2009) notre Castor (Castor fiber) qui lui aussi a manqué disparaître, a sauvé sa peau...grâce à des opérations de réintroductions sur plusieurs fleuves français (Loire, Marne, Tarn, Aulne, Rhône....). Le plus gros rongeur de notre faune européenne, inféodé aux zones humides, colonise année après année ces milieux parfaits pour lui que sont la Loire et ses affluents. Il est présent en Nièvre depuis 1988. Enfin une belle histoire!
Nous parlons bien ici du castor d'Europe à ne pas confondre avec le castor canadien, bien connu pour ses talents de bâtisseur de barrages parfois colossaux sur les cours d'eau...Il est volontairement inexistant chez nous. En 1975 dans l'Yonne, 3 de ces castors se sont échappés du parc animalier de Boutissaint et ont formé une population sur le lac du Bourdon (au sud de St Fargeau). En 1984 leur nombre était estimé à 15/20 individus. Ils seront capturés par l'ONF en raison de la proximité de la Loire et des projets de réintroduction du castor européen.
Notre castor européen lui aussi peut faire des barrages pour maintenir une certaine hauteur d'eau (60cm minimum), mais sur les petits cours d'eau seulement. Barrages qui peuvent causer quelques problèmes d'inondation...
Répandu dans toute l'Europe*, l'homme, de tout temps sera son plus grand prédateur et le conduira au bord de l'extinction.
Elle commencera dès le moyen âge en raison de la destruction de son habitat liée à l'assèchement des zones humides pratiqué par les seigneurs et les moines pour leur mise en culture, la modification des cours d'eau pour la construction des moulins, celle des chemins de halage qui entraîna la destruction de la ripisylve ( forêt riveraine des cours d'eau).
-Elle se poursuivra les siècles suivants avec à partir du XVIIIe siècle, une chasse et un piégeage intensifs de l'espèce pour sa fourrure très recherchée. Portée sur les cols des manteaux, les poils étaient également tissés pour la fabrication de tissus et de chapeaux en feutre.
Rappelons que les demandes de fourrure en Europe furent à la base d'un commerce gigantesque avec l'Amérique du nord , qui fut à l'origine de la guerre entre la France et l'Angleterre (1756-1763) pour la possession du Canada! C'est dire que dès cette époque notre castor avait déjà bien régressé sur notre continent.
- Le castor sera chassé aussi pour sa viande...certains n'ont rien trouvé de mieux , en raison de sa vie aquatique de le classer dans les poissons .. ce qui permettait d'en autoriser la consommation les jours maigres (le vendredi;...) et pendant le carême!
- Enfin le fameux castoreum la sécrétion musquée issue d'une glande sous-caudale (qui sert à marquer le territoire et à imperméabiliser le pelage), était utilisée en pharmacie et en parfumerie.
Au début du XXe siècle il ne restait en France qu'une centaine d'individus sur le Bas Rhône et ses affluents. En 1880, au moment des premiers aménagements du Rhône était octroyée une prime de 15F par animal détruit. Il était accusé de détruire les digues.
C'est grâce à l'action de naturalistes (dont Valery-Mayer et Galien Mingaud) qu'en 1905 sont prises les premières mesures de protection dans les département du Gard, du Vaucluse et des Bouches du Rhône. Mais il faudra attendre 1968 pour que sa protection soit étendue à l'ensemble du territoire national. Elle l'est aujourd'hui dans la communauté européenne, dans le cadre de NATURA 2000 et la désignation de zone spéciales de conservation pour l' espèce (directive Habitats, faune, flore). L'espèce figure également à l'annexe III de la convention de Berne*
La réintroduction du castor en Loire,
date de 1974 avec le lâchage de treize individus entre Blois et Beaugency. Ils se sont répartis sur une cinquantaine de kilomètres. Dix années après ils avaient colonisé la totalité de la Loire dans le Loiret. En 1989 on dénombrait une quinzaine de sites jusqu'au pont de Neuvy-Belleville en passant par Orléans, Briare...En 1988 ils sont signalés aux environs de Pouilly.
Aujourd'hui le castor est bien installé dans notre département sur la Loire et sur ses affluents tant en rive droite (Vrille, Mazou, Ixeure, Aron, Cressonne, les deux Nièvre) qu'en rive gauche (Colâtre,Abron, Ozon),dont ils remontent le cours vers les têtes de bassin. Celles-ci feront l'objet des prochaines prospections « notamment sur la Nièvre, l'Aron, l'Alène et l'Abron »( cf brochure « le castor et la loutre sur le bassin de la Loire/réseau mammifères du bassin de Loire).
Aller à la rencontre du castor
N'espérez pas lors de votre promenade en journée en bord de Loire vous retrouver nez à nez avec Castor fiber. Il est extrêmement discret et ne pointe le museau hors de son terrier qu'après le coucher du soleil. Donc seule solution passer la nuit à la belle étoile et l'attendre très discrètement...après avoir repérer les indices de sa présence récente. Donc si vous voyez en plein jour une bestiole traversant la Loire ou autre espace aquatique (étang, lac..) pensez au ragondin, la confusion est courante. Le ragondin (plus petit que le castor) nage en surface, tête et haut du dos émergent. La nage du castor est très coulée, son corps immergé, ne laisse apparaître que la nuque et la moitié supérieure de la tête.
Les indices de sa présence (permanente ou temporaire):
→ les terriers: Le castor vit dans un terrier creusé dans la berge du cours d'eau, dont l'entrée est située sous le niveau de l'eau. Ce qui nécessite donc une berge abrupte et continuellement baignée par les eaux, cas des falaises d'érosion de la Loire. Un amas de branches doit attirer votre attention elle peut masquer l''entrée d'un terrier ( en cas de baisse du niveau de l'eau). De même si celui-ci est détérioré par une crue le castor va le réparer avec un toit de branchages. En cas de berge trop plate le castor peut aménager un terrier-hutte à moitié dans l'eau et sur la terre ferme fait de branchages.
→ Les accès à la berge: sont visibles sous forme de sentiers. On appelle « toboggans » ceux qui sont profondément creusés.
→ Le chantiers :présence d'arbres abattus aux écorces rongées, ce sont les indices les mieux connus et les plus repérables. La présence du castor implique une nourriture abondante, facile d'accès et proche de la berge le castor ne s'aventurant pas au-delà de 20-30 mètres sur terre. Strictement végétarien, ( 2kg de matière végétale ou 700 grammes d'écorce par jour) il consomme des herbacées, racines, feuilles, rameau à bois tendre (son menu d'automne et d'hiver), sa préférence allant aux saules et peupliers noirs ou cultivés qui sont plantés trop près des berges et non protégés par des manchons de grillage. Grâce à ces incisives il cisaille troncs et branches. La coupe est très caractéristique, en biseau ou en forme de pointe de crayon. S'il peut s'attaquer à des arbres de 20 cm de diamètre (et à 80cm de haut en se dressant sur ses pattes arrières), le plus souvent il vise ceux de 3 à 8 cm de diamètre et à 30 cm de hauteur.
On trouve fréquemment sur le chantier des restes de repas:copeaux, morceaux d'écorce
→ garde -manger : le castor fait des provisions pour l'hiver en amassant des branches dans l'eau.
→ Les empreintes, très visibles dans les dépôts de limon des plages avec des traces de transport de branches, de queue plate (celle du ragondin est effilée)et des des pattes. Les antérieures 5,6 cm de long et 5 de large (souvent on ne voit que quatre doigts sur cinq), les postérieures (palmées) deux fois plus importantes.
→ Les dépôts de castoréum, placés sur un monticule de terre à moins de 50 cm de l'eau
Le castor d'Europe fait aujourd'hui partie intégrante de notre faune ligérienne. On l'aura compris son installation sur un site (c'est à deux ans que les jeunes, 2 ou 3 par an, chassés par les adultes recherchent un nouveau territoire) requière la présence permanente de l'eau, la possibilité de creuser un terrier (l'enrochement ou le bétonnage des berges sont donc rédhibitoires), une nourriture abondante ce qui implique le maintien des boisements des rives en saule et peupliers notamment. Enfin mentionnons les barrages hydrauliques obstacle infranchissable, limitant son installation.
Le castor a une grande utilité écologique, il façonne des milieux en taillant régulièrement la végétation, en creusant des terriers et des galeries dans les berges. Les arbres abattus, sources de bois mort abritent une multitude d'organismes (insectes, oiseaux, chauve-souris). Leurs barrages créent des zones humides. Toutes ces activités participent au maintien de la biodiversité.
*on a de nombreuses preuves de son ancienne extension: ossements trouvés dans les lits des fleuves, littérature jusqu'au XVIIIe siècle où de nombreux auteurs parlent du castor comme d'un animal familier et enfin la toponymie. Le nom ancien du castor « bièvre » se retrouve dans ceux d'un très grand nombre de localités où de rivières, attestant sa présence: Beuvron, Beuvry, Bièvre , Beverley (Angleterre), Biberkich (Allemagne)....
*pour aller plus loin , je vous invite vivement à aller consulter sur le site www.oncfs.gouv/pdfar1203 l'excellente brochure consacrée « au castor et à la loutre sur le bassin de la Loire » (données 2010), elle est téléchargeable.
J. Thevenot
et son travail de bûcheron
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