Nature et Environnement en Nièvre

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Gouvernement Barnier: Quelle place pour l'écologie

gouvernement Barnier: quelle place pour l'écologie?

 

 

L’architecture du nouveau gouvernement et la déclaration de politique générale du premier ministre du ler octobre devant les députés, envoient des signaux plutôt inquiétants quant à la place de la transition écologique dans les mois à venir.

Agnès Pannier Remacher succède à C. Béchu à la tête du ministère « de la transition écologique, de l’énergie, du climat, de la prévention des risques ( qui fait son apparition) ». Son ministère récupère donc l’énergie rattachée à Bercy sous le gouvernement Attal , avec sous sa tutelle une ministre déléguée , (Olga Givernet)) en charge de ce secteur.

A priori, l’intitulé de ce ministère paraît annoncer un grand ministère au regard du « ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires »de C. Béchu. Mais le diable se cache dans les détails de la liste des 39 membres du gouvernement Barnier…

Deux secteurs premiers émetteurs de CO2 ne sont plus sous l’autorité de la ministre de la transition écologique : le logement et les transports qui redeviennent des ministères de plein exercice. Le logement est rattaché au ministère « du logement et de la rénovation urbaine » (Valérie Létard), les transports à celui du ministère « du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation » sous la houlette de Catherine Vautrin avec un ministre délégué à ce secteur (François Durovray). Ce ministère récupère également « la mer et la pêche ».

Le ministère de l’écologie perd donc le lien avec les collectivités, alors que la territorialisation de la planification écologique est un enjeu essentiel . Ce saucissonnage de l’écologie conduit à ce que la ministre n’aura la main sur quasiment aucune des politiques sectorielles nécessaires à la transition écologique . Le périmètre de son ministère laisse entendre que la priorité pourrait être donnée à la question énergétique, ce qui est une mauvaise nouvelle pour toutes les autres questions liées à l’environnement.

 

Ajoutons que dans sa déclaration de politique générale M. Barnier a annoncé une remise en cause de la lutte contre l’artificialisation des sols (étalement urbain constructions, infrastructures routières, parkings …) à l’origine de la destruction d’habitats naturels et de continuités écologiques permettant à la faune sauvage de circuler : « nous devons faire évoluer la règlementation ZAN (zéro artificialisation nette avec l’objectif de réduire de moitié les surfaces artificialisées d’ici 2030 ) de matière pragmatique et différenciée pour répondre aux besoins essentiels de l’industrie et du logement »…. Il a informé par ailleurs qu’une instruction  sera adressée aux préfets pour les autoriser à déroger davantage au cadre national. A cette heure on ignore qui sera chargé de ce sujet.

 

Quant à la transition énergétique elle s’appuiera :

- « sur la relance du nucléaire et le déploiements des énergies renouvelables » avec une précision apportée par le ler ministre sur les éoliennes «dont  tous les impacts devront être mesurés »…autrement dit une remise en cause de leur déploiement (comme le veulent la droite LR et le RN) ;

- Ainsi que sur la valorisation de la biomasse énergétique pour décarbonner la chaleur et le gaz, le développement des biocarburants pour l’aviation.

Autre déclaration de M. Barnier en matière de logement une énième révision de la règlementation du diagnostic de performance énergétique et de son calendrier qui va freiner les politiques de rénovation énergétique des bâtiments.

 

La biodiversité elle, est portée disparue, quelques mois après le lancement le 27 novembre 2023 ( gouvernement E. Borne) de la « stratégie nationale biodiversité 2030 » ! Elle ne figure nulle part dans l’organigramme du gouvernement !. Déjà sous le gouvernement Attal elle n’avait pas de ministère dédié, du moins y avait t–il auprès du ministère de C. Béchu un secrétaire d’Etat en charge de la mer et de la biodiversité. Le Premier ministre dans son discours ne l’a mentionnée sans plus qu’une seule fois sans apporter aucune précision sur l'action de son gouvernement en matière de lutte contre son effondrement.

Il faut attendre le décret relatif aux attributions de la ministre de l’écologie pour savoir si c’est elle qui sera chargée de traiter ce sujet…notamment à la COP 16 sur la biodiversité (Colombie du 21 octobre au 1er novembre).

Rappelons aussi que le règlement européen sur la restauration de la nature, l’un des piliers du Pacte Vert (protéger les écosystèmes, réparer les dégradations déjà subies- au moins 20% des terres et mer de l’UE d’ici 2030 et tous les écosystèmes dégradés d’ici 2050-) est entré en vigueur le 18 août dans toute l’UE. Les Etats ont 2 ans pour soumettre à la Commission leur projet de plans nationaux de restauration.

 

A été annoncée une grande conférence sur l’eau alors que « le plan eau » date de 2023. Cf notre article https://ecologie58.blog4ever.com/planeau-et-agriculture et qu’il faudrait déjà appliquer les solutions concertées dégagées aux Assises de l’eau  (juillet 2019)!

 

Quant à la forêt ( qui est au cœur de la transition écologique, notamment pour l’atteinte de la neutralité carbone en 2050, menacée par le changement climatique) elle relève du ministère « de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ». Agriculture qui devrait bénéficier d’une pause sur les normes « les agriculteurs en ont ras le bol des contraintes, des règles et des contrôles » a déclaré le premier ministre, sans oublier le couplet sur-transposition des normes européennes… et l’assurance que le gouvernement défendrait les intérêts des agriculteurs à Bruxelles à travers les travaux de simplification (la FNSEA devait être satisfaite…).

Une « reprise sans délai » de la loi d’orientation agricole a été annoncée, loi qui remettait en fait partiellement en cause la transition de l’agriculture…Enfin le plan écophyto a été mentionné, sans plus, « il sera fait avec les agriculteurs. » Rappel M. Barnier a été l’instigateur du premier plan Écophyto, en 2008, lorsqu’il était ministre de l’agriculture.

 

Enfin, autre signe inquiétant, M. Barnier a débranché le Secrétariat Général à la Planification Ecologique (SGPE) de son cabinet pour le remplacer par « un conseiller environnement ». Créé en 2022 le SGPE est une structure interministérielle en charge du pilotage de la transition écologique : coordination de l’élaboration des stratégies nationales (climat, énergie, biodiversité, économie circulaire), veille à la mise en œuvre de ces stratégies par l'ensemble des ministères concernés et à leur déclinaison en plans d'action , à l’évaluation de leur mise en œuvre, à la cohérence de l'ensemble des politiques publiques avec les stratégies nationales.

Le rattachement du SGPE au 1er ministre (chargé depuis 2022 de la planification écologique et énergétique) le faisait bénéficier d’un portage politique fort pour que l’écologie soit au cœur de toutes les actions publiques. Son président (Antoine Peillon qui a été remplacé)) était aussi conseiller environnement du premier ministre. Privé de sa capacité d’influence, le SGPE risque de devenir une administration fournissant une excellente expertise mais sans poids sur les décisions.

 

Ce bref tableau est à compléter par le contexte politique, nécessité de M. Barnier de gouverner avec une droite pour laquelle l’écologie est un véritable repoussoir… et le contexte de la dette financière. Si le premier ministre a mis sur le même plan dette écologique et dette financière reste la question de leur hiérarchisation….manifestement la dette financière passe avant la dette écologique. Il s’est plu à citer Pierre Mendès France « ne pas sacrifier le futur au présent ». Les économies budgétaires de court terme (1,9 milliard d’euros) qui frappent des mesures clés de la transition écologique, annoncées le 10 octobre dans le projet de loi de finances 2025 sacrifient l’avenir et renforceront la dette budgétaire de demain …:

  • MaPrimeRénov ( financement de la rénovation énergétique des logements) perd un milliard d’euros, après avoir déjà connu en 2024 une diminution équivalente. Raison invoquée, la sous-utilisation du dispositif

  • Le fonds vert, financement de la transition écologique des collectivités territoriales ( qui sont des rouages essentiels de la transition écologique) qui avait déjà perdu 400 millions d’euros en 2024, est amputé de 1,5 milliards d’euros.

  • Les primes à l’achat de véhicules électriques passent de 1,5 milliards à 1milliard d’euros.

  • La biodiversité est privée d’un quart de son budget (140 millions d’euros).

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  • L’ADEME (soutien des collectivités et des entreprises dans la chaleur, économie circulaire) voit son budget réduit de 35%.

     

Pour l'ONF (office national des forêts) le projet de budget prévoit la suppression de 95 postes en équivalent temps plein.

 

L'augmentation du budget alloué à l'écologie (2,8 milliards d'euros) est un trompe -l'oeil. Le service public de l'énergie oblige l'Etat à soutenir les énergies renouvelables quand les prix de l'électricité baissent ce qui est le cas en ce moment. Cette augmentation est à mettre en parallèle avec l'enveloppe de 7 milliards sous E.Borne en juillet 2023....

Fin du bouclier tarifaire sur l'électricité et augmentation de la taxe intérieure de consommation finale (qui finance le service public de l'énergie). La ministre de l'écologie a annoncé qu'elle serait « très vigilante » afin que le prix de l'électricité ne pèse pas sur les industries, le pouvoir d'achat, l'écologie....

 

En contrepoint la fiscalité sur certains secteurs polluants serait augmentée : renforcement du malus-auto, de la TVA sur les chaudières gaz, augmentation de la taxe sur les billets avion...

 

Enfin le Premier ministre a annoncé vouloir que "les travaux de planification" dans le domaine de l'énergie et du climat "reprennent immédiatement", en partant des textes lancés par le précédent gouvernement comme "la stratégie française énergie-climat, le troisième plan national d'adaptation au changement climatique, la nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie.

 

Le parlement devra se prononcer sur ce projet de loi de finances (discussion, amendements, vote). Les deux chambres n'ont qu'une seule lecture et 10 jours de navette parlementaire. A moins que le premier ministre décide de recourir à l'article 49.3 … qui lui permet de faire adopter un texte sans vote …mais l'expose à une motion de censure. La loi de finances doit être promulguée par le président de la République et publiée au plus tard le 31 décembre dans le Journal officiel.

 

                                                                                                      J. Thévenot

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16/10/2024
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