COP26-Sauver l'Accord de Paris?
COP 26 : sauver l’Accord de Paris ?
La COP 26 (26ème conférence des parties signataires de la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques) s’est ouverte dimanche 1er novembre à Glasgow jusqu’au 12. Elle fait suite à la COP25 qui a été un échec (cf notre article : https://ecologie58.blog4ever.com/cop-25-encore-un-sommet-pour-rien-1de
A la COP 21 de 2015 où a été adopté « l’Accord de Paris ». La communauté internationale s’est engagée à réviser tous les 5 ans son ambition climatique via les « NDC » (les contributions nationales déterminées). L’heure de la révision a donc sonné ( avec un an de retard en raison de la pandémie de COVID 19). Cette première révision va être pour la Communauté internationale (à commencer par les pays les plus riches et les plus émetteurs…) le premier test de crédibilité sur sa réelle volonté de fixer le cadre et les objectifs indispensables pour faire face aux défis climatiques. Le premier objectif doit être dès maintenant une réduction drastique des émissions mondiales de GES: -45% d’ici à 2030 préconisé par le GIEC pour limiter le réchauffement à +1,5°C, . Et il doit s’agir de réductions réelles d’émissions les systèmes de compensation carbone fondés sur les terres et les forêts doivent être exclus en raison des impacts humains et environnementaux qu’ils peuvent entraîner. La COP devra acter la fin de l’ère des énergies fossiles : ce qui implique la fin des financements publics en leur faveur, et l’arrêt de tout nouveau projet d’exploitation de gaz, pétrole, charbon. Les pays du Nord devront respecter leur engagement financier auprès des pays moins développés de 100 milliards de dollars/an (adaptation aux impacts de la crise climatique, développement de systèmes énergiques propres) promis en 2009 à partir de 2020 repoussé à 2023, soit trois ans de retard et à condition que ce soit vraiment des "dons" et non des "prêts". .. Autre sujet, resté au point mort, le sujet des pertes et dommages, les financements additionnels pour les pays vulnérables prévus en cas de catastrophe naturelle (les petits Etats insulaires). On ne s’étonnera pas de la grande méfiance des pays du Sud à l’’égard du Nord quant aux enjeux de solidarité de cette COP…
La réduction de 50% des émissions mondiales de GES en 8 années conduit inévitablement à questionner notre modèle économique « énergies fossiles » construit il y a deux siècles et qui repose sur une course folle à l’augmentation la croissance, maître étalon à l’échelle mondiale de la bonne santé économique. Il n’est pas question de remettre en cause ce dogme de la croissance. Le mot décroissance est pour nos gouvernants un épouvantail qui ne peut apporter que perte d’emplois plus de pauvreté et impossibilité de financer notre modèle social, (les arguments répétitifs de notre ministre de l’économie…qui prône par ailleurs la réindustrialisation du pays). On passera sur les caricatures de notre Président (à propos de la 5G) du genre « retour à la bougie » et modèle « amish »….
Le modèle qui nous est proposé pour sortir de l’impasse impératif économique d’un côté et écologie de l’autre c’est continuer à courir après la croissance tout en réduisant notre empreinte écologique en décarbonnant la société grâce au basculement des énergies fossiles vers les énergies renouvelables
Voilà la croissance verte qui permettrait ce découplage et serait un de moyen de sortir de l’urgence climatique !
A supposer que ce soit possible…(à ce jour en l’absence de toute preuve empirique la croissance verte est une simple théorie) la lenteur à laquelle cela se ferait est incompatible avec l’objectif de 1,5°C.
De plus la réduction des émissions de GES ne peut reposer que sur une réduction de la demande globale en énergie ce que n’envisagent jamais les programmes mondiaux pour la croissance verte (Banque mondiale, OCDE, ONU…).
Faut-il rappeler que l’industrie minière qui fournit les métaux utiles à nos éoliennes, panneaux solaires, batterie de voitures électriques qui se veut verte côté pile est particulièrement polluante côté face. Le certificat de bonne réputation des technologies « vertes » repose sur la délocalisation ( en Chine notamment) des conséquences environnementales et sociales d’une industrie minière dont nous ne voulons plus .. trop sale…peut-être plus pour très longtemps :la Commission européenne entend s’affranchir de sa dépendance envers la Chine, premier exportateur mondial de terres rares, et encourager l’émergence d’une chaîne européenne de fabrication de batteries, il y a un projet en Espagne.
La croissance verte est un leurre. La transition énergétique implique une réduction de notre consommation globale d’énergie via une transformation de nos modes de vie et de fonctionnement de nos sociétés : la sobriété ( le rejet de la démesure) devient un enjeu incontournable. Avec la crise énergétique ce concept prend de l’ampleur. Il est défendu par l’association Negawatt qui vient de sortir son 5ème rapport sur des scénarios pour réduire la dépendance de la France aux énergies fossiles et au nucléaire ; elle étudie nos besoins globaux en énergie non seulement l’électricité et rappelle l’importance de la sobriété pour atteindre les objectifs climatiques.
Le rapport RTE (Réseau électrique de transport d’électricité) propose en plus de son étude prospective sur les mix électriques possibles pour atteindre la neutralité carbone en 2050 une trajectoire « sobriété » .
RTE souligne qu’agir sur la consommation grâce à l’efficacité énergétique, "voire la sobriété" est "indispensable pour atteindre les objectifs climatiques". Le scénario, exposé très brièvement, doit prochainement faire l'objet d'une présentation plus détaillée….
L’Agence Internationale de l’Energie (AIE) dans son rapport publié en mai a mis elle aussi pour la première fois en avant la sobriété en présentant une baisse de 8% sur la demande d’énergie par rapport à aujourd’hui pour atteindre l’objectif de zéro émission nette de CO2 d’ici 2050.
Notre société fondée sur la croissance , le gaspillage et la consommation qui est son moteur connaît le retour de certaines pénuries, un phénomène rare. Pénurie conjoncturelle pour les uns ( reprise économique, saturation des transports, augmentation du prix des matières premières…). Pénurie structurelle pour d’autres, résultat d’un modèle industriel mondialisé trentenaire qui oblige à réfléchir à un avenir différent fait de sobriété.
Sommes-nous prêts à la fin de la société d’abondance et au choix de la sobriété heureuse et solidaire comme nous y invite la COP puisque nous devons revoir nos trajectoires en matière d’émissions de GES ou va-t-on la subir ? Et la sobriété ne concerne pas seulement l’énergie tous les problèmes s’interpénètrent biodiversité, matières, ressources (eau, sols…), pollutions, déforestation… ils participent d’une seule et même crise. Il faut sortir du thermo-fossile et vite. Il faut le faire avec la société et l’économie telle qu’elle est. Les efforts individuels sont importants mais pas suffisants doivent s’ajouter les transformations dans les politiques publiques, l’aménagement du territoire et les choix d’entreprises.
Il est beaucoup question de transition écologique, c’est de mutation dont il faut parler et ce sera douloureux….on nous berce avec la croissance verte, le développement durable qui nous conduiraient sans tension ni renoncement à articuler croissance avec respect de l’environnement et progrès social grâce à la technologie. Des politiques qui rassurent sans résoudre les problèmes écologiques et sociaux ; la croissance infinie est un mythe ; quant à notre développement il n’est déjà plus durable ! Et qui donnent bonne conscience au consommateur dont on entretient par ailleurs le désir d’accumuler biens futiles et gadgets sans cesse renouvelés (publicité).
On a beaucoup entendu l’expression « le monde d’après » (la COVID 19). Pour tout observateur si peu attentif soit-il ce « monde d’après » risque d’être comme le « monde d’avant » voire pire. Des milliards sont injectés dans les plans de relance. L’objectif de nos gouvernants est de revenir au niveau d’avant la crise et même au-delà grâce à l’investissement mais surtout à la consommation …
Ce n’est pas la COP quels que soient ses résultats, qui nous fera sortir de la fuite en avant dans laquelle nous sommes englués, inhérente au capitalisme et à ses logiques productivistes. Raide sera la pente du chemin qui conduira à une consommation responsable.
La lutte pour un monde plus sobre sera longue mais elle est enclenchée. A travers la confrontation à l’exemple de Notre Dame des Landes avec occupation du site durant près de dix ans, la dégradation de panneaux publicitaires (collectif les déboulonneurs), le boycot d’événements commerciaux (Black Friday)….
Ou à travers des expérimentations telles le mouvement Colibri qui centralise de nombreuses initiatives prônant « les Oasis ».
Enfin on peut imaginer que ces initiatives se multipliant deviennent suffisamment importantes pour faire basculer la société, qui serait passée à d’autres représentations de ce qu’est une vie de qualité, en faveur d’un modèle plus sobre. Les politiques publiques d’une vraie « transition » pourraient alors se mettre en place.
Il reste que l’idéologie productiviste est encore largement majoritaire dans les esprits de notre société marquée par l’imaginaire de la consommation, elle repousse sans doute à très loin les changements de nos pratiques....
J . Thévenot
Pour suivre la COP 26
https://reseauactionclimat.org/journal-de-bord-en-direct-de-la-cop26/
https://negawatt.org/IMG/pdf/synthese-scenario-negawatt-2022.pdf
http://www.ladecroissance.net/ le mensuel des objecteurs de croissance
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