Nature et Environnement en Nièvre

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STOP LGV-POCL-intervention à la réunion de Bourges

Texte de l'intervention du Collectif à la réunion publique  thématique « la LGV-POCL et les enjeux environnementaux » qui s'est tenue à Bourges le 14 décembre.

 

 

Les motifs d'opposition du Collectif à la LGV POCL ne sont pas qu'environnementaux, mais je resterai dans un panorama des motifs liés à cette thématique, sans toutefois établir un catalogue de toutes les atteintes révélées.  

 

Tout d'abord, la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Le dossier RFF dit qu'il faudra environ 20 ans pour compenser les GES émis par le chantier, la fabrication du matériel, les déplacements induits. Cela avec un report modal de la route et de l'avion apparemment majorés. Le détail du calcul n'est pas produit. En gros, on commencera à réduire les émissions de GES à partir de 2040. Or, la réduction des GES est une urgence immédiate, cela a encore rappelé à Durban. C'est donc maintenant qu'il faut s'y atteler. Dans 40 ans, le climat aura tellement changé et le pétrole tellement augmenté, que les prévisions 2011 de report modal seront complètement obsolètes. En revanche, les GES liés à la construction auront été émis.

En France, 34% des GES proviennent des transports et à 90% du transport routier, dont la majorité est due au transit de marchandises et aux déplacements en voiture sur petites distances, ce qui n'est pas la cible du TGV. Si on voulait vraiment agir sur les émissions, c'est par les causes principales qu'il faudrait commencer et non pas chercher des justifications déplacées à la LGV.

 

Pollution chimique :

Les 500 km de voies vont subir un épandage d'herbicides qui viendront accentuer l'agression sur les écosystèmes et la pollution des cours d'eau. Cela va à l'encontre des dispositions des SDAGES.

 

Pollution sonore :

Le bruit est un des problèmes majeurs des LGV, qui s'accentue avec la vitesse. RFF ne s'occupe que du bruit de roulement et néglige les basses fréquences d'origine aéro-dynamique, qui s'étend à plus de deux kilomètres de la voie. Les protections proposées sont nettement insuffisantes pour palier aux nuisances subies par les riverains. Les exemples ne manquent pas sur la ligne sud est.

 

Energie :

Je n'aurai pas le temps de développer le sujet sur la demande exponentielle d'énergie liée à la vitesse qui ne sera possible qu'avec le nucléaire qui hypothèque l'avenir et la sécurité.

 

Le sectionnement du territoire :

Une LGV entraine un impact considérable, par son emprise d'au moins 25 mètres et cloturée de part et d'autre, créant une véritable barrière pour la circulation de la faune. Les quelques passages qui seront aménagés pour relier les deux sections d'une commune restent quantité négligeable. La fragmentation du territoire produite par une LGV n'est pas comparable à celle des voies ferrées classiques, ni même à une autoroute.

 

Pour bien comprendre les impacts, je citerai Robert Barbault directeur au muséum d'histoire naturelle. Tissu vivant de la planète, la biodiversité est bien davantage qu'une collection d'espèces. Le moteur de l'impressionnante diversification du vivant réside dans le jeu complexe des interactions qui tout au long d'une histoire de 3,8 milliards d'années n'a cessé de relier organismes, populations d'espèces et milieux naturels.

 

La nature est un réseau de réseaux d'interactions entre les espèces vivantes, animales, végétales, de chaînes alimentaires, et d'écosystèmes au cœur de chaque territoire. Une maille saute et c'est tout l'édifice qui se déchire de proche en proche et qui est menacé. L'homme n'est pas en marge, il est complètement intégré et dépendant de ce système de réseau. Les études environnementales de RFF focalisent sur les sites emblématiques (Sologne, forêt de Tronçais, les sites classés, Unesco, les parcs nationaux, régionaux, … ), mais si ces sites vivent, c'est qu'il existe à côté des espaces non fragmentés, cultivés ou non, mais aussi du tiers paysage, que l'on appelle la nature ordinaire. Celle-ci est le sous bassement de l'édifice. La fragmentation s'oppose aux besoins vitaux de déplacement dans le paysage de la faune et de la flore. Elle concoure à la destruction des habitats naturels qui affecte d'abord leurs périmètres, puis augmente le risque de disparition des espèces.

Dans le contexte de POCL, le sectionnement sera considérable, il s'opère sur plus de 500 km. On imagine aisément toutes les trames vertes et bleues, ces corridors écologiques terrestres et aquatiques, façonnées par la nature au cours des siècles détruits à jamais, non seulement par la LGV elle-même, mais aussi par le chantier de construction.

 

Les terrassements colossaux imposés par la vitesse qui nécessitent des lignes droites et des grands rayons de courbe vont détruire habitats,  espèces et milieux tels que des zones humides, des forêts, des bocages, d'une grande richesse patrimoniale et qui jouent un rôle capital sur la ressource en eau Ils vont supprimer des terres agricoles, dénaturer des paysages lors du franchissement des grandes vallées. Les ouvrages hydrauliques sur les cours d'eau causeront des désordres irrémédiables sur les zones inondables et d'expansion des crues, l'espace de mobilité et de bon fonctionnement. Alors que la Directive Cadre sur l'eau nous impose une non dégradation et non régression des milieux aquatiques.

 

Cette emprise importante détruira les écosystèmes mais aussi leur résilience, c'est-à-dire leur capacité à restaurer leur organisation et leur fonctionnement après un désordre. Au-delà de préserver tel ou tel espèce et espace, c'est cette résilience que nous devons cultiver afin de laisser à la nature sa capacité d'évolution.

 

On me dira que les études viendront en temps voulu, mais il sera trop tard puisque l'on aura décidé de faire la LGV. Nous connaissons la chanson, tout sera pris en compte, nous avons acquis une expérience dans le génie écologique, ... Non, ce n'est pas acceptable. Par ce type de projet, l'espèce humaine est assise sur une branche du vivant qu'elle scie, mais pour combien de temps encore ?

 

La consommation d'espaces

Le mode de développement actuel repose sur la consommation et le gaspillage d'espace, jusque quand et jusqu'où va-t-on poursuivre dans cette voie ? Ne peut on pas s'arrêter un instant sur ce désastre et s'interroger sur cette idéologie ? La France fait partie des 10 pays les plus concernés dans le monde par l'extinction massive de la biodiversité, de 1982 à 2003, les surfaces artificialisées ont progressé de 43 %. Un département disparait tous les dix ans sous les aménagements. Le maintien des terres agricoles est pourtant vital pour l'avenir.

Pour l'agence européenne de l'environnement, la fragmentation est l'une des premières causes de régression de la biodiversité en Europe. Les infrastructures et l'étalement urbain sont les premiers motifs de cette fragmentation. Nous devons stopper notre guerre à la nature faite à coup de projets de LGV comme POCL.

 

La compensation :

On me dira qu'il est envisagé de compenser les dommages occasionnés à la nature, pour reconstituer la biodiversité perdue. On me parlera de génie écologique. De notre expérience en ce domaine, nous pouvons affirmer que l'on ne compense jamais. Les écosystèmes que la nature a mis des centaines d'années à construire, à équilibrer, n'ont jamais été reproduits, sauf à de rares exceptions. Pour arriver à reconstruire, il faudrait les suivre pendant des dizaines d'années, ce qui entrainerait un coût considérable. Par conséquent, les mesures compensatoires sont une vue de l'esprit, non réalisables. C'est d'autant plus évident que RFF n'a pas prévu de reconstituer les écosystèmes détruits tout au long des 500 km. Et quand bien même il le ferait, ce serait sur des terres agricoles, ce qui accentuerait encore plus la peine infligée aux paysans.

 

Absence d'analyse environnementale

Dans ce dossier, il est impossible de connaître les impacts environnementaux. La décision de faire précède les études d'impact. RFF nous propose une analyse des risques à partir d'une méthode des  carrés de 20 mètres, situés dans une bande de 100 mètres autour de l'axe du fuseau,  pondérés d'un coefficient lié à la valeur emblématique des sites traversés. Le résultat est le reflet de la valeur des poids donnés aux sites. Une analyse environnementale doit partir d'une connaissance du terrain et non pas résulter d'un moulinage d'ordinateur. De plus, les pollutions générées lors des travaux ne sont pas mentionnées. En l'absence d'analyse environnementale sérieuse, il est impossible de discuter de l'importance des impacts. On réduit le débat public, sur ce sujet, à une discussion du café du commerce.

 

La biodiversité la grande perdante

2010 fut l'année mondiale de la biodiversité, un an après les belles résolutions se sont envolées au nom d'un chimérique développement. Un des objectifs de la stratégie nationale pour la biodiversité indique en gros caractères qu'il faut préserver le vivant et sa capacité à évoluer. Lors de la conférence de Nagoya, la France s'est pourtant engager à enrayer l'érosion de la biodiversité d'ici 2020. Malheureusement, la réalisation de LGV ne fera qu'accentuer la poursuite du processus.

 

Le rapport sur la TEEB (Economie des Ecosystèmes et de la Biodiversité) présenté en 2010 illustre les coûts engendrés par la perte de biodiversité. Par exemple, les insectes pollinisateurs rendent un service agricole estimé à 153 milliards d'euros par an, soit 9,5% de la valeur de la production agricole mondiale. Il montre la valeur des écosystèmes et de la biodiversité.  Valeur qui n'est jamais prise en compte dans les projets. Ce rapport indique aussi que cette dégradation pèse sur la croissance des pays. Ce rapport donne des méthodes pour évaluer la perte de biodiversité, afin d'estimer l'inestimable. Il y a fort à parier que l'introduction de la valorisation de la perte de valeur des services éco-systémiques dans les évaluations financières de POCL, feraient plonger la valeur actualisée nette et le taux de rentabilité.

Par conséquent, il faudrait enfin introduire la valorisation de la destruction de la biodiversité selon la méthode EEB dans les calculs de rentabilité de la LGV, à condition de la réaliser par des experts indépendants de RFF et reconnu de tous.

 

Je souhaiterais qu'au cours du débat de ce soir, débute une réflexion générale sur les atteintes environnementales et plus globalement sur le mode de développement qui concoure à continuer à faire des LGV. Je souhaiterai que la discussion ne tourne pas autour des tracés, ce qui n'aurait aucun sens, puisque l'on ne connait pas les impacts locaux. Cela conduirait à saucissonner les territoires pour montrer qu'il est possible de passer partout sans dommage. Que l'on s'en tienne à l'essentiel, c'est-à-dire l'opportunité, par la mise en balance des dégâts environnementaux globaux avec la réalisation de la LGV.

 

Il me semble avoir entendu parler de réconciliation entre économie et écologie. Je pense que c'est possible, mais certainement pas avec des LGV, ces machines à produire du voyageur-kilomètre au profit de l'élite circulatoire. Elles sont le reflet d'une économie qui dégrade, qui détruit sans cesse, qui endette et qui nous mène à la faillite. Face aux bouleversements planétaires qui nous attendent, nous devons changer de logiciel de pensée et de vision pour assurer notre prospérité. Vu l'état de la planète, les générations futures auront bien plus besoin d'une nature en bon état que de grande vitesse. Cessons d'être égoïstes.

 

 



18/12/2011
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