Sale temps pour les freux nivernais
Sale temps pour les freux nivernais
Le préfet de la Nièvre lance, jusqu’au 30 avril, une consultation publique sur des projets d’autorisation de destruction de freux ((Corvus frugilegus) dans plusieurs communes de la Nièvre (Nevers, Sermoise, Alluy, Chatillon en Bazois, Dirol, Cervon). Raison invoquée, les risques pour la sécurité routière en raison de chutes de branches, les freux ayant eu la mauvaise idée d’installer leurs nids en bordure d’axes routiers. La demande de ces opérations émane du Conseil départemental.
Tous les documents son accessibles sur le site :
● Pour ceux qui ont accès au site ils y trouveront la marche à suivre
● Par courrier vos observations sont à adresser à DDT Service eau-forêt-biodiversité,2 rue des Pâtis 58000 Nevers –Objet : arrêtés portant autorisation de destruction de corbeaux freux sur divers axes routiers.
Seront publiées sur le site de la préfecture la décision , ainsi que les observations du public « toilettées des éventuels écarts de langage » nous avertit l’administration… mais qui donc pourrait être aussi mal intentionné ?
Cela étant cette opération est source de questionnement
Son efficacité déjà ….puisqu’elle est renouvelée chaque année. La recherche d’une solution moins violente et plus durable n’est manifestement pas à l’ordre du jour.
Dans le rapport de présentation la DDT prend soin de préciser qu’elle a demandé au Conseil départemental de rechercher des solutions alternatives à cette « destruction » (le terme exact serait « mise à mort » puisqu’il s’agit d’êtres vivants, celui de destruction renvoie à la notion d’objet..).
Il est dit que le Conseil départemental a mené des consultations pour avis auprès d’organismes compétents : l’office national de la chasse et de la faune sauvage, et bien sûr la fédération départementale des chasseurs et la fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles, qui ne doivent pas être tous contre une prolongation de la chasse…. Le tir est confié à des lieutenants de louveterie mais ils peuvent se faire assister par cinq chasseurs. Rappel, classés en nuisibles (sur la liste nationale depuis 1988) les freux peuvent être déjà tirés pendant la période de chasse sans oublier le privilège de pouvoir être piégé l’année durant et en tous lieux ! (selon une réglementation mais est-elle respectée ? ?)
Le Conseil départemental a également consulté le parc animalier Le Pal ( ?) et des autoursiers. Il semble qu’il ait oublié les associations de protection de la nature et notamment la LPO58.
Sa conclusion c’est qu’aucune mesure alternative ne peut être retenue : l’effarouchement visuel ou sonore serait inefficace, l’élagage des arbres représenterait un coût annuel insupportable, l’utilisation des rapaces « laisse les autoursiers assez réticents en raison de la circulation de véhicules sur les sites concernés » mais surtout (c’est moi qui souligne) « l’intervention de rapaces serait onéreuse en raison de sa durée et de l’importance du linéaire ».
L’utilisation de laser est « écartée » au regard des risques pour la sécurité des usagers des routes.
Bref il ressort que la seule solution, peu coûteuse, est de tuer ces oiseaux par voie de tir. Cela ne devrait pas soulever trop de réactions…. Après tout ne restent-ils pas encore des mal aimés ces grands oiseaux ( envergure 81 à 94 cm, longueur 43 à 47 cm) jugés maléfiques parce que noirs ( éclairées par le soleil ses plumes sont irisées), au croassement nasillard qu’on a du mal à qualifier de chant, qui vivent en communauté et font un barouf du diable le soir quand ils rejoignent leur dortoir… (les citadins supportent mieux le bruit des voitures beaucoup plus important…) sans oublier les fientes… (au passage rappelons que les freux ne soulèvent pas de problème de santé ce sont les pigeons qui peuvent transmettre un certain nombre de maladies épidémiologiques), ni les chasseurs qui les accusent de tuer les jeunes lièvres et les oisillons (les corneilles noires ce sont elles les prédateurs redoutables !), ni les agriculteurs, les freux ne dédaignent pas les semis de maïs, blé, avoine…ces dégâts peu importants au final ne sont-ils pas compensés par le nombre d’insectes nuisibles capturés par ces oiseaux auxquels ils ajoutent des petits rongeurs ????
Rien de tout cela n’est reproché à nos freux nivernais dans l’arrêté préfectoral. Le problème c’est qu’ils font leurs nids à la cime d’arbres élevés, bâtis les une contre les autres, solides et de dimensions confortables faits de branches et de terre et tapissée de brindilles et de paille (il servent plusieurs années…) qui pourraient entraîner des bris de branches.
►Le rapport de présentation ne mentionne aucun cas de chute de branches, ni incident , ni accident sur les routes visées par l’arrêté.
► Il cite un avis du Conseil d’Etat du 26 février 2003 (sans donner les références) selon lequel la responsabilité du Conseil départemental pourrait être engagée sur la base « du défaut d’entretien normal d’un ouvrage public pour les divers dommages et risques résultant de ces animaux ». N’ayant pas accès à cet avis du Conseil d’Etat il ne m’est pas possible de juger de l’interprétation qui en est faite…Ce n’est qu’un avis, il aurait été plus intéressant de mentionner de la jurisprudence. Je déduis de cette prose que la présence des freux sur ces arbres serait considérée comme un défaut d’entretien normal de la voie publique susceptible d’engager la responsabilité du Conseil départemental si des usagers subissaient des dommages du fait de la chute de branches….Ce qui conduirait à dire que « l’entretien normal » de ces arbres serait de tuer des oiseaux qui les habitent ce raisonnement n’est pas acceptable. L’entretien normal d’un arbre en bordure d’une voie publique n’est –il pas l’élagage ? mais il est considéré comme trop coûteux par le Conseil départemental.
►Il ne donne aucun chiffre sur les destructions des campagnes précédentes (comptes-rendus des lieutenants de louveterie) pour en mesurer l’efficacité, ni sur le nombre de freux présents en Nièvre et détruits chaque année, par les chasseurs en période de chasse et autres autorisations individuelles. On n’a aucun renseignement ni sur l’évolution des populations de freux qui justifierait de poursuivre ce type d’opération ni sur l’importance des colonies visées par le projet d’arrêté. Comment dans ces conditions l’administration peut-elle apprécier la situation pour prendre une décision de destruction.
►Les projets d’arrêtesl ne fixent aucune limite à la destruction c’est donc tuez les tous.
Le corbeau freux peut être détruit à tir entre la date de clôture générale de la chasse et le 31 mars au plus tard. La période de destruction peut être prolongée jusqu’au 10 juin lorsque l’un au moins des intérêts mentionnés à l’article R.427-6 du code de l’environnement est menacé entre le 31 mars et le 10 juin (dont la sécurité publique…) et jusqu’au 31 juillet pour prévenir des dommages importants aux activités agricoles, sur autorisation individuelle délivrée par le préfet
Les oiseaux ne peuvent être détruits qu’à poste fixe de tir, matérialisé de main d’homme. Le corbeau freux peut également être tiré dans l’enceinte de la corbeautière, mais le tir dans les nids reste interdit en application de la directive « oiseaux ». Une belle hypocrisie !
Le projet d’arrêté fixe la période de destruction du 30 avril au 30 mai. La nidification commence en février, la ponte fin mars ( une couvée par an, 3 à 5 œufs), l’incubation dure de 17 à 20 jours, les jeunes s’envolent au bout de 35 jours environ après l’éclosion (l’émancipation n’intervient qu’au bout de 60 jours environ. Il est interdit de tuer les petits dans les nids mais en prolongeant la destruction des adultes au-delà du 31 mars l’arrêté autorise à tuer des parents qui les nourrissent ils vont donc mourir à petit feu.
►La destruction physique de ces oiseaux ne peut être envisagée qu’après avoir mis en œuvre ou étudier des solutions alternatives. Ce qui n’a pas été fait dans le cas présent, les avis demandés (qui ne figurent pas dans le dossier présenté sur le site de la préfecture) ne peuvent en tenir lieu.
Chaque année le Conseil départemental fait sa demande d’autorisation de destruction des freux et chaque année le préfet lui délivre son autorisation de massacrer sans état d’âme ces oiseaux sauvages et d’infliger des souffrances à ses petits jusqu’à ce que mort s’en suive.
Ces projets d’arrêtés émanent de la DDT « Service eau, forêt et biodiversité ». Les freux (étonnants oiseaux… www.univers-nature.com) appartiennent à cette biodiversité. On attend de ce service qu’il propose autre chose qu’une unique solution « tuer » après avoir accepter que le Conseil départemental pour des raisons purement financières balaie d’un revers de main des alternatives qu’il se contente d’énumérer sans jamais les avoir expérimenter sur aucun site et alors qu’elles sont mises en place ailleurs, notamment en milieu urbain où les nuisances ont une autre importance.
Si vous partagez ces quelques réflexions, vous pouvez écrire au préfet toujours poliment…. pour lui signifier votre désaccord sur ses projets d’arrêtés. Le point essentiel vous l’aurez compris étant qu’on ne doit pas porter atteinte à ces oiseaux pendant la période de nidification et d’élevage des petits.
J’ai contacté la LPO 58 qui m’a transmis les informations suivantes : La dernière enquête sur les freux date de 2000 (Nature Nièvre n°9). A l’époque on a dénombré 120 à 136 colonies (fourchette qui provient du comptage des très grosses colonies, pour certains elles forment un bloc, pour d’autres plusiuers colonies). 9977 nids avaient été recensés.
La période propice au comptage, mars-avril avant le débourrement des feuilles. Pour cette année vous êtes invités à compter les nids de freux sur les sites que vous connaissez et de mettre les données sur le site www.faune-nievre.org.
Une enquête pourrait être lancée l’an prochain au niveau du département avec l’aide de tous.
J’ajoute ne pas confondre freux et corneille noire. La corneille sautille, le freux marche…Bon plus sérieux… le bec du freux adulte présente à sa base une peau blanchâtre ; il est plus droit que celui (noir) de la corneille qui forme un crochet à son extrêmité. Le freux porte une culotte de plumes sur les cuisses. Le vol du freux est plus gracieux que celui de la corneille dont la queue est carrée.
J. Thévenot
le corbeau freux
corneille noire
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