POURQUOI ERSCIA A SARDY (6) - L'EAU, L'AIR, LES GRENOUILLES, LES GENS ...
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POURQUOI ERSCIA A SARDY (6)
L’EAU, L’AIR, LES GRENOUILLES, LES GENS …
Si LOIRE VIVANTE NIÈVRE ALLIER CHER et DECAVIPEC, associations de défense de l’environnement, se sont investies dans le dossier de Sardy-lès-Épiry depuis l’automne 2011, c’est évidemment en raison des graves atteintes portées à l’environnement et à la nature (air, espèces protégées, zone humide, eau …). Elles les ont, dans un premier temps, dénoncées dans des mémoires déposés à l’enquête publique, sans illusion aucune sur leurs chances d’être prises en compte. Nous n’avons pas été déçues par la qualité de l’esprit critique des quatre membres de la commission d’enquête, vraisemblablement aux ordres, comme toutes les structures qui ont eu à traiter de ces dossiers qui ont obtenu, sans problème aucun, toutes les autorisations nécessaires au lancement de ce projet industriel grandiose (du genre, semble-t-il «spéculatif» …) salvateur de l’avenir de la Nièvre, de la Bourgogne, de la France …
Et pour en finir à tous ceux qui ont glosé en se moquant de la protection des batraciens en l’opposant à la création d’emplois, traduit dans le slogan (à la rime très pauvre …) des élus, "les grenouilles d'accord mais l'humain d'abord", nous rappellerons que c’est en défendant la nature que l’on défend l’homme. Il n'y a pas d'autre voie. Il en fait partie et il en vit. Cette nature qui le nourrit, le guérit et lui rend gratuitement mille services est l'assurance vie de l'humanité. La nature elle, n’a pas besoin de l’homme pour vivre !
La protection de la nature n’empêche en aucun cas d’entreprendre contrairement aux discours éculés de certains élus. En revanche, elle demande que réflexion, intelligence, prise en compte de l’intérêt général, président à tout projet susceptible d’avoir des conséquences économiques, sociales et environnementales importantes. Manifestement les promoteurs du projet industriel de Sardy-lès-Èpiry ne se sont pas encombrés de ces considérations là.
A propos de l’air
Si l’incinérateur d’ERSCIA (car il s’agit bien d’un incinérateur …) prévoit de se doter d’une cheminée de plus de 50 mètres de hauteur, ce n’est pas pour faire joli dans le paysage !
Par cette cheminée, sortiront des quintaux de métaux plus ou moins lourds sous forme gazeuse. L’autorisation est donnée pour plus de 300 kg par an ! Sans compter les différents acides (chlorhydrique - 6 tonnes, fluorique - 1 tonne), les rejets soufrés (SO2 - 60 tonnes), les rejets nitreux (Ammoniac - 3 tonnes), etc … Tout cela est dû au fait que l’exploitant pourra vraisemblablement brûler à peu près n’importe quoi dans la chaudière de cet incinérateur (jusqu’à 75% de déchets non assimilables à de la biomasse, selon l’arrêté préfectoral).
Incinérateur de Fourchambault
Comme toujours, on nous dit que tout cela sera strictement maîtrisé grâce aux normes à respecter et à des inspections rigoureuses. Notre expérience, acquise notamment avec l’incinérateur de Fourchambault et sur bien d’autres installations, nous fait dire que tout cela est «pipeau». Une fois l’installation en place, il peut se passer n’importe quoi, rien ne contredira son fonctionnement et, surtout pas, l’Administration. D’ailleurs, cela commence bien puisque l’arrêté comporte une autorisation de rejets de dioxines 1.000 fois supérieure aux normes. Par ailleurs, normes ou pas, on ignore totalement l’effet combiné de toutes ces substances polluantes sur la santé.
A propos de la ressource eau et des milieux aquatiques naturels
Tout a été fait dans ces dossiers pour minimiser la problématique de l’eau. Il y a l’Yonne, considérée comme un robinet que l’on pourrait ouvrir sans contrainte. De l’autre, il y a le ruisseau de Sardy tout juste bon à servir d’exutoire pour les rejets de toute nature d’ERSCIA, et des eaux pluviales du lotissement industriel. Que le Sardy soit classé comme frayère pour une demie douzaine d’espèces rares et protégées n’a même pas effleuré l’Administration (pourtant parfaitement au courant) et encore moins nos aménageurs.
Le ruisseau de Sardy Le ruisseau du Tronçay en sortie du bois
Entre les deux, il y a les zones humides du bois du Tronçay estimées à une surface ridiculement basse … pour échapper aux contraintes réglementaires. 2.200 m2 contre une évaluation de l’ordre de 60.000 m2 (six hectares !) par un huissier en juillet 2012. Sans compter plusieurs mares disséminées.
Zones humides du bois de Tronçay
Un autre aspect n’a pas du tout été évoqué dans les études d’impact. C’est le rôle important joué par ce bois de 116 hectares par rapport à la circulation de l’eau et l’alimentation en eau potable de la région.
Première observation, le ruissellement de surface. Il se remarque par l’existence des zones humides et la présence de plusieurs sources qui forment ce que nous avons baptisé le «ruisseau du Tronçay», qui traverse les prés en contrebas de la route de Picampoix et finit par se jeter dans l’Yonne deux kilomètres plus loin. Ces eaux de ruissellement se retrouvent également dans les fossés bordant cette même route qui rejoignent le ruisseau du Tronçay d’un côté ou le ruisseau de Sardy de l’autre.
Deuxième observation, nous avons constaté un phénomène relativement rare dans nos contrées : le bois du Tronçay est parsemé de dolines, c’est à dire d’effondrements plus ou moins circulaires caractéristiques d’une circulation d’eau souterraine importante à quelques mètres en sous sol. En suivant la pente et en observant d’autres dolines dans les prés situés entre le bois et l’Yonne, on devine le cheminement de cette eau souterraine jusqu’à l’Yonne.
Grande doline
Autre doline
Troisième remarque, les études hydrogéologiques font état d’une nappe phréatique entre dix et trente mètres de profondeur, elle-même d’environ trente mètres d’épaisseur qui fait partie du système hydrogéologique alimentant toute la région en eau potable de Châtillon-en-Bazois à … Corbigny. Ce qui veut dire qu’une partie de l’eau tombant dans le bois de Tronçay est filtrée dans et par ce bois avant de rejoindre cette nappe.
En résumé, ce bois jouerait un rôle majeur dans la circulation de l’eau en surface, en sous-sol et en profondeur. Bien entendu, les pauvres études préliminaires, déjà bien indigentes sur ce qui se voit facilement, ont totalement occulté ces questions.
Chacun peut comprendre que si l’on imperméabilise 90 des 116 hectares de ce bois, les conséquences seraient importantes pour toute la région. Le ruissellement de surface augmenterait au détriment des filtrations naturelles. De grosses quantités d’eau arriveraient dans l’Yonne au point d’imaginer des risques d’inondation pour les prés, les cultures et l’élevage, voire les habitations proches sur plusieurs kilomètres jusqu’à … Corbigny. Par ailleurs, les pollutions générées par les activités envisagées, elles, seraient directement perceptibles.
A propos du bois du Tronçay
L’absence de réflexion sur ce projet a conduit ses promoteurs à envisager froidement la destruction du bois de feuillus du Tronçay (sur 96 hectares) pour le transformer en site industriel. Outre son importance pour la ressource eau, ce bois accueille des espèces que la loi protége (oiseaux, chauves-souris, batraciens, reptiles …) en interdisant leur destruction ainsi que celle de leurs habitats sauf à obtenir des dérogations à ces interdictions.
Ces dérogations ne peuvent être accordées que si trois conditions sont remplies :.
- Le demandeur doit démontrer qu’il ne peut pas s’installer ailleurs. Ce qui n’a pas été fait.
- Il doit, également, proposer des mesures compensatoires à la hauteur des défrichements envisagés et des dommages causés. Cela touche aussi bien aux surfaces boisées qu’à la destruction d’espèces protégées et de leurs habitats qu’aux zones humides. Dans ces trois domaines, on est loin du compte. Les montages et rafistolages successifs proposés ne sont pas convaincants et n’ont d’ailleurs pas convaincu le CNPN (Conseil National de la Protection de la Nature) dont l’avis est obligatoire avant la prise de décision du préfet.
- Le projet doit relever de l’intérêt public majeur. Contrairement à ce que soutiennent ERSCIA, Nièvre Aménagement et la préfète, la création d’emplois ne suffit évidemment pas à remplir cette condition car, dans ce cas, toute création d’entreprise serait d’intérêt public majeur ! Ce serait annuler cette condition qui est là pour rendre exceptionnelle la destruction d’espèces protégées. Cette notion d’intérêt public majeur implique que le projet réponde à un besoin de service public. Ce qui, à l’évidence, n’est pas le cas d’une entreprise comme ERSCIA.
Par trois fois, le CNPN a donné un avis défavorable sur le dossier de demande de dérogation présenté par Nièvre Aménagement en raison d’inventaires et de mesures compensatoires insuffisants et en raison de la destruction de la zone humide. Par trois fois, les juges du Tribunal Administratif ont estimé que ces conditions n’étaient pas remplies et ont suspendu les arrêtés préfectoraux successifs accordant une dérogation de destruction des espèces protégées et de leurs habitats. La seconde ordonnance du juge administratif (octobre 2012) a été contestée en appel auprès du Conseil d’État qui a jugé irrecevable cette requête déposée par Nièvre Aménagement. La troisième ordonnance de suspension a, elle aussi, fait l’objet d’un appel auprès du même Conseil d’État mais cette fois-ci par ERSCIA, Nièvre Aménagement et le ministère de l’écologie. Sa décision est attendue pour début juin.
A propos des habitants du futur site industriel
Le "Collectif de Marcilly" le 29 avril 2012
Les élus si prompts à défendre «les hommes d’abord» ont manifestement oublié ceux qui seraient directement soumis aux nuisances du projet industriel de Sardy.
Entre la pollution atmosphérique, la circulation démentielle des poids lourds, le bruit, la vie dans ce petit coin de Nièvre risque de devenir un enfer pour les habitants. Si l’on lit bien les pancartes des pro-ERSCIA qui veulent placer les intérêts humains avant ceux des grenouilles, quelles réponses apportent-ils à cet aspect de la question ? Cela illustre parfaitement l’action de nos associations pour qui la «défense des grenouilles» va de pair avec celle des hommes.
Cette action s’appuie sur la médiocrité des dossiers, la faiblesse patente des études environnementales, la sous-estimation des zones humides, l’absence totale des problématiques liées à l’eau. Les autorisations à polluer par l’incinérateur d’ERSCIA comportent des prescriptions ou des manques totalement insupportables.
Salamandres dans le bois du Tronçay au mois d'août 2012
Mais de plus nous sommes convaincus que ce projet de pôle industriel bois porté par ERSCIA qui n’hésite pas à délirer sur la création d’emplois (1.050 aux dernières nouvelles du site de Pascal Jacob, www.sardy.info), est un mauvais projet pour la Nièvre, pour le Morvan (sa forêt et son environnement). Il ne s’inscrit en rien dans une démarche de développement durable et remplit toutes les conditions pour aboutir à une catastrophe économique et écologique.
Notre action continue et que vivent les grenouilles, les salamandres, les oiseaux, les poissons, les insectes, les chauves souris, …
François LABALLERY
Loire Vivante Nièvre Allier Cher
(Photos : F. Laballery – LVNAC/DECAVIPEC)
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