Pesticides, toujours plus
Pesticides, toujours plus….
En 1962 la biologiste américaine Rachel Carson publiait « silent spring » titre français « Le printemps silencieux » où courageusement elle dénonçait le danger de l'emploi inconsidéré des pesticides pour la santé de l'homme et l'environnement. Elle visait surtout les PCB et le DDT qu'elle accusait d'être cancérigènes et à l'origine de la mort de milliers d'oiseaux chanteurs d'où le titre de son ouvrage.
Ce livre traduit en 18 langues aura un retentissement mondial, il conduira au début de mouvements écologistes et à des travaux scientifiques qui établiront un lien entre DDT et des anomalies rencontrées dans le cycle de reproduction de certaines espèces.
Dans les années soixante dix le DDT sera interdit dans la plupart des pays développés (il sera utilisé en agriculture jusqu'en 1984 en Angleterre).
Depuis la dénonciation de Rachel Carson de l'industrie des pesticides il y a eu une prise de conscience collective de leurs effets nocifs. L'allégation de Rachel Carson en 1962 selon laquelle la santé publique et l'environnement sont inséparables ne fait plus débat aujourd'hui.
Dénoncer des lois, des projets, des produits dangereux pour la planète est le travail quotidien de nombre d'associations dont certaines reconnaissent que Rachel Carson a été leur point de départ ( Greenpeace, les Amis de la terre…).). Des scientifiques, des journalistes nous alertent régulièrement, dénoncent l'évaluation insuffisante des risques réels que font courir les pesticides et leurs mélanges, le système d'homologation qui conduit à mettre sur le marché des produits dangereux. Le lien pour certains d'entre eux avec des maladies, Parkinson, Alzheimer est connu. La maladie de Parkinson est reconnues comme maladie professionnelle des agriculteurs par un décret de mai 2012 . Un céréalier, Paul François a obtenu la condamnation de Monsanto jugé responsable de son intoxication par un produit retiré du marché en France qu'en 2007 alors que sa dangerosité était connue depuis plus de vingt ans !.
Mais les pesticides ne touchent pas que les populations exposées professionnellement (agriculteurs, manipulateurs…), ils touchent la population générale essentiellement via l'alimentation. Un tiers des fruits et légumes contrôlés par la Direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes ont révélé des résidus de plusieurs pesticides. En 2008 une étude commandée par le MDRGF a trouvé dans la majorité des raisins vendus en grande surface, huit substances différentes par grappe en moyenne…Ces pesticides se retrouvent évidemment dans l'eau, on constate une contamination dans 80% des stations de mesure des eaux superficielles et 57% des eaux souterraines , et dans l'air Ils sont à l'origine de la chute récente et brutale de nombreuses espèces (faune et flore) qui sont aujourd'hui dans la liste rouge des espèces à protéger, sans parler des abeilles.
La France se shoote aux pesticides (herbicides, insecticides, fongicides) depuis le développement de l'agriculture intensive au lendemain de la libération destinée à nourrir le pays puis à l'exportation pour soit disant nourrir le monde…en fait pour remplir des portefeuilles et soutenir une balance commerciale chancelante.
Il existe 520 substances actives homologuées entrant dans la composition de près de 3000 spécialités commerciales utilisées en agriculture. De la folie !
Les grandes cultures (45% de la surface agricole utile) représente 70% de l'usage des pesticides en France
La France tient la troisième place mondiale sur le marché des pesticides, détient la médaille d'or au niveau européen avec 63000 tonnes / an répandues dans la nature, dont 90% par l'agriculture (les 10 % restants sont utilisés par les industries, les collectivités territoriales, les usages domestiques, les vétérinaires….)
En 2011 les ventes d'insecticides ont progressé de 11% et celles des herbicides de 17% L'Union des Industries pour la Protection des Plantes (UIPP c'est le joli nom que se sont donné les fabricants de pesticides…) rend les conditions climatiques responsables de cette progression. Automne et printemps chauds et secs auraient entraîné la multiplication des ravageurs et le développement des mauvaises herbes. On attend l'explication pour 2012, sans doute une augmentation exceptionnelle des ventes de fongicides en raison de la pluviosité ….En tout cas l'industrie des pesticides est florissante, de 61900 tonnes en 2010 à 62700 en 2011 son chiffre d'affaire a progressé de 5% et atteint le 1,9 milliards d'euros.
N'oublions pas non plus les pesticides illégaux qui circulent en Europe (venus de Chine ?) qui représentent entre 15 à 30% du chiffre d'affaire du secteur, et nombre d'entre eux évidemment ne sont pas conformes aux normes en vigueur !.
Les industriels de l'industrie des phytosanitaires se veulent rassurants, le mouvement de fond irait vers une réduction de l'utilisation en France de matières actives puisque dans les années 90 elle se situait entre 100 000 et 120 000 tonnes/an.
Un chiffre en trompe l'œil : le tonnage a diminué car les molécules sont de plus en plus concentrées. En outre les agriculteurs utilisent plusieurs substances en petites quantités plutôt qu'une seule qui les conduirait à dépasser les quantités autorisées. D'où les résidus de plusieurs pesticides dans les fruits et légumes, un cocktail qui augmente les risques comme l'a montré une étude de l'université Aston en Angleterre. La connaissance des effets combinés de ces produits véritable bombe à retardement en matière de santé publique reste encore très lacunaire.
L'année 2012 s'est terminée sur une bonne nouvelle ; on était passé de 3,9% de fruits et légumes dépassant les limites maximales en résidus en 2009 à 1,5% en 2010. Générations Futures révèlera que cette amélioration est bidon. elle résulte d'un changement de méthode de calcul de la Direction de la Commission européenne chargée de surveiller ces résidus dans les aliments qui divise par deux la dose de pesticide détectée. Ce tour de passe- passe bruxellois a été reconnu par la DGCCRF (D° générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes). Les fruits et légumes contenant plus de deux résidus de pesticides sont en augmentation.
Le Sénat vient de sortir un rapport sur la sous- évaluation des dangers et risques sanitaires des pesticides pour les professionnels, qui fera l'objet en janvier 2013 d'un débat en séance plénière. Il présente une centaine de propositions. Les pesticides étaient à l'ordre du jour de la conférence environnementale. Le ministre annonce des mesures. La prudence nous invite à attendre qu'elles soient effectives avant d'en parler.
Pour mémoire quelques uns des problèmes pendants depuis des années auxquels devrait rapidement s'atteler le ministre :
► Le plan ECOPHYTO suite aux engagements du Grenelle, doit réduire de 50% l'usage des pesticides d'ici à 2018. Rappelons que cet objectif a été validé par le monde agricole qui dit aujourd'hui qu'il n'est pas atteignable. C'est en effet une réussite, entre 2008 et 2011 la consommation a augmenté de 2,6%. Autant dire que la mise en œuvre de ce plan est entièrement à revoir, son objectif nécessitant des changements majeurs des systèmes agricoles qui ne pourront se faire sans l'adhésion des agriculteurs.
Cette augmentation de l'usage des pesticides ces trois dernières années montre chez ces professionnels une démarche opposée à l'objectif du plan Ecophyto, alors qu'une étude de l'INRA de 2009 a démontré qu'une réduction de 30% de l'usage des pesticides était possible, sans modifier les systèmes de culture et sans perte de revenu.
► L'épandage aérien., interdit par une directive européenne et par l'article 103 de la loi Grenelle (sauf dérogations…). Les préfets continuent à donner des dérogations annuelles (800 en 2011- bananes, vigne, riz, maïs…).en s'appuyant sur une circulaire de la D° générale de l'alimentation de mars 2012 qui autorise l'épandage de 7 pesticides, dont 6 classés « dangereux pour l'environnement » et un classé « nocif ». A cela s'ajoute la possibilité et pour le ministre et pour le préfet en cas d'urgence pour prévenir la propagation d'organismes nuisibles d'autoriser l'épandage aérien dans des conditions encore plus souples.
Le gouvernement s'est engagé dans la feuille de route de la conférence environnementale à « revenir » au principe de l'interdiction des épandages aériens. On peut faire confiance aux lobbies agro-industriels pour dissuader le ministre d'interdire purement et simplement ces épandages.
► L'interdiction de mise sur le marché de toute molécule cancérigène, perturbatrice du système endocrinien, amélioration du système d'homologation de la France.
► L'interdiction de tous les pesticides à base de néonicotionoïdes (type Gaucho) dangereux pour les abeilles, appliquer le principe de précaution en attendant une réévaluation des risques recommandée par l'ANSES.. Le gouvernement a interdit le 24 juillet 2012 l'utilisation et la mise sur le marché du Cruiser OSR utilisé sur les semences enrobées de colza. Une petite avancée car le cruiser est autorisé également sur le maïs, le pois, la betterave..
Je vous invite à signer avant le 31 janvier la pétition adressée à l'Europe sur le site www.generations-futures.fr . Vous trouverez par ailleurs sur ce site une information complète sur ces tous poisons.
► La mise en place d'une taxe sur les pesticides (la redevance est actuellement de 2 euros par kg de pesticide à l'hectare), avec redistribution des recettes aux agriculteurs et aux subventions pour les modes d'exploitation vertueux au premier rang desquels l'agriculture biologique.
► Promouvoir des mesures efficaces visant à une réduction de l'usage des pesticides chez les particuliers, au niveau des collectivités territoriales ;
Le scandale français des pesticides* pose une question majeure de santé publique au regard d'une pollution qui touche nos aliments, nos eaux, l'air, le sol et d'atteinte à la biodiversité à commencer par les butineuses qui sont indispensables à la survie de l'agriculture.
L'Etat français dont la frilosité face au système du tout pesticide en agriculture n'est plus à démontrer se fait le complice des industries chimiques les Monsanto, Bayer et consorts qui jour après jour nous empoisonnent impunément.
Il est urgent d'inverser la vapeur. L'objectif du plan ECOHYTO de diminuer de moitié l'utilisation des pesticides d'ici 2018 doit être impérativement respecté cela repose sur l'amélioration des pratiques agricoles. Et il est impératif d'évaluer à leur juste hauteur les dangers et les risques de ces produits, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Les jardiniers amateurs eux aussi doivent abandonner ces poisons, des jardineries les y incitent en les bannissant de leurs rayons ( ils devraient disparaître aussi de ceux des grandes surfaces…). Ces initiatives sont suivies de plus en plus fréquemment par des municipalités.
Un arrêté du 27 juin 2011 interdit l'utilisation de certains produits phytosanitaires dans les lieux fréquentés par le public –cours de récréation, établissements hospitaliers, parcs et jardins publics- assurez-vous auprès de vos élus – qu'ils connaissent cette réglementation et qu'ils la respectent...
A trouver sur www.legifrance.gouv.fr
arrêté NOR AGRG1119563A
J. Thévenot
* en référence au livre Pesticides- révélations sur un scandale français- de François Veillerette et Fabrice Nicolino chez Fayard-2007
A quand la suppression de cette pratique non contrôlée, qui empoisonne les habitants riverains avec une zone de sécurité ridicule 50 mètres, une notion de grand vent évaluée par celui qui épand.... Qui est en contradiction avec l'objectif de réduction des pesticides
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