Nature et Environnement en Nièvre

Nature et Environnement en Nièvre

Pesticides: les maires persistent et signent

Pesticides : les maires  persistent et signent

 

Rappel : Le 18 mai 2019 Daniel Cueff, maire de Langouët (Ille et Vilaine), 600 habitants ,, prenait un arrêté interdisant les produits phytosanitaires à 150 mètres "de toute parcelle cadastrale comprenant un bâtiment à usage d’habitation ou professionnel".

L’arrêté sera suspendu  pour incompétence le 27 août  par le juge des référés du tribunal administratif de Rennes saisi par la Préfecture*, puis annulé le 25 octobre. Ce jugement sera confirmé par la cour d’Appel

Plus d’une centaine de maires décideront de suivre cet élu écologiste, maires de petites communes ou grandes villes   - Paris, Lille, Nantes, Grenoble et Clermont-Ferrand – Leurs décisions  subiront la plupart du temps  un  sort analogue, à  l'exception de plusieurs communes des Hauts-de-Seine (Sceaux, Gennevilliers, Anthony, Nanterre, Malakoff, Chaville et Bagneux) où le tribunal de Cergy maintiendra leurs arrêtés ( novembre 2019). Jugement qui aura peu de portée car en décembre le gouvernement annoncera la publication d'un décret prévoyant des distances d'épandage minimales de 5 à 10 mètres selon les cultures et les produits utilisés.

 

 

  Le Conseil d’État tranchera définitivement  la question le 31  décembre 2020: un maire n’a pas le pouvoir de prendre des arrêtés interdisant sur sa commune l’usage de pesticides sur leurs communes quand bien même il y aurait une carence avérée de l’Etat à protéger les riverains. Il a précisé : "Si le maire est habilité à prendre, pour la commune, les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, il ne peut légalement user de cette compétence pour édicter une réglementation portant sur les conditions générales d’utilisation des produits phyto-pharmaceutiques qu’il appartient aux seules autorités de l’Etat de prendre". Donc seuls compétents en la matière  le gouvernement et son ministère de l'Agriculture.

 

 Les maires  ne renoncent pas à leur combat

 

Ils ont constitué un collectif sous la présidence du maire de Langouët qui regroupe environ 120 élus à travers la France. www.maireantipesticide.fr

Sous l’impulsion du Collectif une dizaine de maires franciliens anti-pesticides ont pris en commun le 3 mars 2021 un arrêté se fondant  cette fois sur leur compétence en matière de réglementation des déchets. La  ville de Grenoble avait fait de même en reprenant son arrêté anti-pesticide qui risquait l'annulation. En fait c’est une petite commune de Loire Atlantique, La Montagne, près de Nantes  qui avait trouvé ce nouveau raisonnement juridique  en considérant que les résidus  de pesticides font partie des déchets, dont les maires ont la gestion dans leur commune et que  tous les rejets de produits phytosanitaires qui se répandent hors du site auquel ils sont destinés constituent un dépôt de déchets. Le maire avait pris un arrêté en ce sens début janvier en édictant « que tout épandeur sur le territoire communal ne pourrait utiliser des pesticides que s’il est en mesure d’assurer qu’aucun résidu ne se dispersera au-delà de la parcelle traitée. Il devra être en mesure également , au cas où les résidus d’utilisation se disperseraient au-delà de la parcelle traitée, de gérer et d’éliminer le déchet généré » autant dire mission impossible !

       Le préfet de Loire Atlantique s’est empressé de déféré l’arrêté du maire de La Montagne au tribunal administratif  de Nantes en demandant sa suspension. Le juge des référés a rejeté cette demande de la préfecture.

Il sera intéressant de suivre le destin de ces arrêtés nouveaux.

 

Depuis le ler janvier 2020 un arrêté gouvernemental (27 décembre 2019) réglemente l’utilisation des produits phytosanitaires près des habitations :

    20 mètres obligatoires pour les substances les plus dangereuses

    10 mètres pour les cultures hautes (vignes ou arbres fruitiers)

    5 mètres pour les grandes cultures (blé, colza, maïs, etc.)

 

Mais un décret l’accompagnait permettant de réduire  ces distances si des chartes départementales * d’engagement et de mise en œuvre de procédés  réduisant la dérive de produits phytosanitaires étaient mises en place après consultation entre élus riverains et agriculteurs.

Une telle charte dite « de bon voisinage » a été signée dans la Nièvre  (17 décembre 2019):

http://www.nievre.gouv.fr/IMG/pdf/charte_signee.pdf

La participation à la consultation a été dérisoire :

http://www.nievre.gouv.fr/IMG/pdf/syntheses_des_remarques.pdf

 

A la lecture de cette charte on comprend tout de suite que son objectif premier c’est  de permettre aux agriculteurs de réduire les distances de protection à proximité des habitations… et qu’on est loin des préoccupations de santé publique et d’environnement. Quant à l’esprit de dialogue dont parlent les organisations agricoles….

 

La charte prévoit que les distances de sécurité de 10 mètres et 5 mètres peuvent être respectivement abaissées à 5 mètres et 3 mètres lorsque sont mis en œuvre des techniques et moyens permettant de réduire la dérive ou l’exposition à la dérive d’au moins 66% comparativement aux  conditions normales d’application.

En viticulture, la distance de sécurité peut être réduite de 10 mètres à 3 mètres lorsque le taux de réduction atteint 90%..Rien n’est dit sur la façon dont est évaluée cette dérive....

 

Qui a rédigé cette charte ?

 

Vu son contenu les agriculteurs seuls … on ne trouve pas trace sur le site de la préfecture du comité de pilotage. Dans le compte rendu de la consultation on lit : « la  charte  de  bon  voisinage  rédigée  par  les  différents  partenaires:  la  FDSEA,  les  JA,  la  Chambre d’Agriculture,  le  Conseil  Départemental,  la FUVC ( fédération des unions viticoles du centre) et l’Union Amicale des Maires ». où sont les riverains ??? ce sont eux qu’il s’agit de protéger ! Pas trace non plus d’associations environnement….Cette charte relève plus de la mascarade que de la concertation !.

 

Son contenu :

 

Les objectifs : dialogue  « -entre les habitants, dont les agriculteurs,  les collectivités locales, les élus ». Le sujet est perdu de vue  il s’agit normalement de favoriser le dialogue entre les agriculteurs et les riverains ; le mot est absent

 

«  Elle doit répondre aux enjeux de santé publique », il manque l’environnement….

« Elle formalise l’engagement des agriculteurs de la Nièvre à recourir aux bonnes pratiques de protection des cultures et le faire savoir ». La protection des populations a été perdue en route

 

 

Suivent des objectifs hors sujet….sur les citoyens qui ont un rôle à jouer : « reconnaître le rôle des agriculteurs », « contribuer à la conservation de la qualité de la vie » , « à l’insertion des nouveaux arrivants » « La charte est un outil pour encourager les habitants de ces territoires à respecter leur cadre de vie ».Et le plus beau « il est souhaitable que les riverains s’engagent à faire les efforts nécessaires pour se connaître, se respecter, mieux vivre  ensemble notamment en se montrant tolérants vis-à-vis des travaux liés à l’activité agricole »…..

On en déduit que ce sont les citoyens, les habitants, les riverains, on s’y perd  (donc hors agriculteurs !) qui polluent et ne respectent pas leur cadre de vie, bref créent les problèmes.  On est très loin de l’épandage des pesticides !

 

 

Les bonnes pratiques :

 

On lit « respecter la règlementation existante » suit une liste d’opérations. En clair les agriculteurs s’engagent à respecter la loi….réapparaît « l’utilisation d’un matériel en bon état (à renouveler tous les 5 ans) !

Des actions innovantes  sont annoncées (une dizaine), comme « tenir compte du sens du vent lors de l’épandage » !

On trouve des mesures spécifiques vigne  mais  sous forme d’invitation à  l’enherbement, au  travail du sol, installations de haies….

 

 

La charte traite très légèrement  du problème de l’information qui est pourtant capital.  Dans les mesures innovantes…  on lit : « organiser( qui ?) des réunions publiques d’information en mairie avant chaque campagne de traitement afin d’informer les riverains sur les cultures mises en place,  les pratiques de traitement et le calendrier cultural ».

 A l’heure de l’internet et des applications smartphone il est possible de faire plus innovant pour transmettre en temps réel les informations relatives aux épandages et les rendre accessibles à tout intéressé (quand, où,  quelles molécules utilisées)

.

L’information devrait être faite en temps réel et sur le terrain

 

Enfin dans un § « engagement des parties prenantes » figurent le rôle des maires, de la chambre d’agriculture, de la FDSEA, des JA et syndicats viticoles. Ce qui confirme l’absence totale des  riverains et leurs associations. Cette charte contrevient donc au décret  du 27 décembre 2019  en l’absence de concertation des principaux intéressés qui subissent les dérives des produits phytopharmaceutiques.

 

S’agissant des maires ils s’engagent à faire connaître la charte et à faciliter le dialogue.  En cas de difficulté ils doivent contacter la chambre d’agriculture…En cas de conflit  (avec un riverain ou un agriculteur) ce serait donc la chambre d’agriculture, juge et partie  qui serait en charge de le régler et de trouver une médiation ! 

 

Enfin on ne s’étonne pas de ne pas trouver dans cette charte ni mention d’un comité de pilotage et encore moins celle du suivi de la charte. Il n’y a rien à suivre.  Une fois de plus cette charte c’est  du vent, un vent mauvais qui ne risque pas de protéger les nivernais contre les dangers sanitaires des pesticides. On ne voit pas non plus en quoi ce type de charte  pourrait favoriser la cohabitation entre les riverains et les agriculteurs pulvérisateurs  et répondre aux préoccupations des maires « anti-pesticides ». 

Et comment Madame la préfète d’alors (Sylvie Houspic) a-t-elle  pu l’approuver ?

 

 

 

                                                          J. Thevenot

 

 

 

*Le principe de ces chartes de riverains remonte à juillet 2018 et figure dans la nouvelle loi Egalim (agriculture et alimentation). Il procède des « contrats de solutions », démarche lancée par la FNSEA pour produire dans un meilleur respect de l'environnement (cf notre article  dans CNAD « Pesticides: nouvel enfumage de la FNSEA ».

 

* Comme nous le rappelle notre ami Antonio  c'est Michèle Kirry qui a déféré Daniel Cueff au tribunal administratif.  La préfète qui a sévi un temps  dans la Nièvre et s'est couverte de gloire dans le dossier  "Sardy" à votre disposition sur ce site



16/03/2021
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