Glyphosate, le feuilleton qui divise
Glyphosate le feuilleton qui divise …..
On ne présente plus le glyphosate , cet herbicide le plus vendu dans le monde sous le nom commercial de Roundup , molécule inventée en 1974. Le brevet est tombé dans le domaine public en 2000 ; il est commercialisé aujourd’hui par une centaine d’entreprises. De nombreux produits chimiques destinés à l’agriculture, la forêt, les vergers, les jardins ont pour principe actif le glyphosate..…Ce sont 8000 tonnes de ces produits qui sont épandus chaque année en France.
L’Union européenne doit se prononcer sur le renouvellement de son autorisation et commercialisation qui a expiré le 30 juin 2016. Jusqu’à ce jour les 28 Etats membres, faute de majorité qualifiée (soit 65% de la population de l’UE) ne sont pas parvenu à quatre reprises (entre mars et juin 2016) à une décision.
Devant ce blocage la Commission européenne a prolongé l’autorisation de 18 mois jusqu’au 31 décembre 2017, en attendant un nouvel avis scientifique de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) rendu en mars 2017.
En mai 2017 elle a décidé de relancer la procédure visant à autoriser le glyphosate pour 10 années….C’est en octobre que les pays européens vont avoir à voter sur l’interdiction ou le renouvellement.
Nocivité du glyphosate des rapports contradictoires :
- En mars 2015 le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer) placé auprès de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) a publié un rapport établi à partir d’un millier d’études publiées notamment sur des tests de toxicologie sur les rats qui mettaient en évidence des tumeurs génotoxiques, concluant à la classification du glyphosate en cancérogène probable chez l’homme. Ce rapport a déclenché une gigantesque controverse..
- Le 12 novembre 2015 l’EFSA (autorité européenne de Sécurité des Aliments) publie un rapport dans lequel elle estime qu’il est « improbable » que le glyphosate soit cancérogène pour l’homme. En juillet, la Commission s'est dite favorable à ce renouvellement, en s'appuyant en particulier sur ce rapport.
- En mars 2017 selon l’ECHA (Agence européenne des produits chimiques) le glyphosate n’est pas cancérogène « les preuves scientifiques disponibles ne répondent pas aux critères de classement du glyphosate comme cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction ».
Pour compléter la confusion et corser le débat en mai 2016 une étude réalisée par l’OMS et l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture a jugée « peu probable » que le Roundup soit cancérogène « chez les humains qui y seraient exposés par l’alimentation » après avoir dit le contraire quelques mois plus tôt !
Il y a donc controverse d’experts sur la dangerosité du glyphosate et de plus les agences européennes sont accusées de fonder leurs analyses principalement à partir de données directement transmises par les industriels à commencer par Monsanto (alors que le CIRC base son analyse sur des études publiques) et de tenir leurs études secrètes. Il a été révélé que le rapport de l’Agence européenne de sécurité des aliments de 2015 était en partie le copié-collé d’un document fourni par Monsanto en 2012. sont dénoncés également les conflits d’intérêt de nombre d’experts entretenant des liens directs ou indirects avec l’industrie agrochimique.. Sans oublier les méthodes de pression de Monsanto et la fraude scientifique qu’elle finance par le biais d’articles dénonçant la toxicité du glyphosate en grande partie écrits par des employés de la firme, signés par des scientifiques réputés, grassement payés et publiés dans des revues prestigieuses (enquête du monde sur « les Monsanto papers). C’est tout le système d’homologation européen qui soulève une défiance grandissante. Dans ce contexte le parlement européen a convoqué Monsanto pour une audition publique (le 11 octobre) qui a refusé de venir répondre aux questions. Ses représentants n’ont dès lors plus le droit d’entrée dans l’institution pour faire du lobbying.
A noter qu’aux Etats-Unis la controverse sur la nocivité du glyphosate est aussi importante qu’en Europe.
Les atermoiements des gouvernants :
Ce projet de renouvellement pour 10 ans souhaité par la commission européenne qui s’appuie sur les avis de l’EFSA et de l’ECHA pour estimer qu’elle n’a aucun doute sur l’innocuité du glyphosate, a soulevé une forte mobilisation des citoyens européens. Sur l’initiative d’ONG de défense de l’environnement une pétition lancée dans le cadre d’une ICE (initiative citoyenne européenne) a recueilli 1,3 millions de signatures ; elle a été officiellement enregistrée en janvier 2017. Elle demandait l’interdiction des herbicides à base de glyphosate dès lors qu’ils étaient à l’origine de cancers chez l’homme et de dégradations des écosystèmes, la réforme de la procédure d’approbation des pesticides (exclusion de toutes études émanant de l’industrie chimique) et la fixation à l’échelle de l’UE d’objectifs de réduction des pesticides pour parvenir à leur disparition. Les gouvernements sont donc sous pression …
La cacophonie en septembre de notre gouvernement quant à sa position sur le glyphosate a été très remarquée…
- Le ministère de l’agriculture préconise une sortie progressive, à savoir une prolongation de 5 à 7 ans. Rappel des agriculteurs (250) bloquaient les champs Elysées sur appel de la FNSEA
.- Le premier ministre a parlé de la recherche d’une transition raisonnable vers la sortie du glyphosate sans précision de date. Il a demandé au ministre de l’agriculture et de de la transition écologique de lui fournir d’ici la fin de l’année un rapport sur les alternatives possibles au glyphosate… histoire de gagner un peu de temps quant à la prise de décision…
- Le porte parole du gouvernement Christophe Castaner, gouvernement, a indiqué que « l’herbicide serait interdit en France, pour tous usages, d’ici la fin du quinquennat ». soit 2022 pour ensuite opérer un rétropédalage en parlant de «progrès significatifs" pour tous les pesticides d'ici 2022 ».
- Tandis que Nicolas hulot annonçait en août dernier que la France voterait contre la proposition de la commission européenne de renouveler la licence du glyphosate pour 10 ans (qui expire à la fin de l’année) des propos tempérés le 22 septembre devant les agriculteurs présents aux champs Elysées….
La position de la France n’est donc pas claire, suite évidemment à la pression des exploitants agricoles mais également de la Commission.
Le vote sur la prolongation de l’autorisation du glyphosate devait avoir lieu le 5 octobre, il a été une fois de plus repoussé au 23 octobre pour laisser plus de temps aux Etats.
Pour la FNSEA il n’y a aucune preuve d’effets du glyphosate sur la santé ni aucune alternative à ce produit. Et il est hors question que l’Europe autorise et que la France interdise.
Pour la communauté scientifique les glyphosates sont toxiques voire cancérogènes à l’exemple de nombreux pesticides. Les évaluations et données scientifiques portant sur des cas de cancers rapportés chez l’homme et l’absence de toute preuve du contraire doivent conduire considérer le glyphosate comme potentiellement cancérogène.. Mais ses effets dévastateurs ne s’arrêtent pas là : problème de stérilité, malformations congénitales, troubles neurologiques…
Quant à l’absence d’alternative : il faut entendre qu’il n’y a pas actuellement de molécule alternative moins nocive et ayant les mêmes propriétés que le glyphosate qui est un herbicide total qui détruit jusqu’aux racines toutes les herbes qu’on ne veut pas avoir dans la culture et permet un semis juste après son application. De plus c’est un produit peu cher qui fait gagner du temps donc très utilisé en agriculture et ce depuis 1974. La production du glyphosate a été multipliée par plus de 300 entre le milieu des années 70 et aujourd’hui !
Mais il y a bien sûr des alternatives à l’utilisation du glyphosate en agriculture mais ça exige pour s’en passer un nouveau modèle de production chez les deux tiers des agriculteurs pour qui le Roundup symbole de l’agriculture moderne … est irremplaçable puisqu’ils n’envisagent pas par exemple une baisse des rendements, un retour au désherbage mécanique une diversification et rotation des cultures, des couverts végétaux…. Des pratiques dans lesquelles s’engagent certains d’entre eux - réseau des fermes DEPHY- dans le cadre d’une démarche volontaire de diminution des produits phytos www.agriculture.gouv/fermes-dephy . Sans oublier évidemment l’agriculture biologique modèle qui permet de ne plus utiliser du tout du glyphosate.
Le glyphosate est un herbicide efficace mais (donc ?) dangereux et pour la santé et pour l’environnement, c’est le produit chimique le plus fréquemment détecté dans l’environnement www.notre-planete.info/actualites/3764-glyphosate-danger-sante.
Il est omniprésent dans les sols, l’air, les eaux, les plantes, les animaux (nourris au soja OGM arrosé de glyphosate qu’il tolère) et les hommes. www.generations-futures.fr/actualites/glyphosate-residus-aliments-rapport
Il est donc urgent de l’interdire et d’arrêter de jouer indéfiniment les prolongations pendant lesquelles on le sait il ne se passe rien faute de l’imposition de garde de fous draconiens. Soutenir qu’il faudrait trouver des alternatives au glyphosate (sous entendu des produits aussi efficaces mais moins dangereux ce qui demande des années de recherche qui n’ont jamais été menées depuis 1974…) avant de l’interdire alors que se pose un problème de santé publique n’est pas acceptable.
La décision sur la poursuite ou non de l’autorisation du glyphosate est un moment crucial pour l’Europe : si pour une fois elle décidait de protéger sérieusement la santé de ses citoyens contre Monsanto consommateurs comme agriculteurs et donnait un premier signal fort (à compléter par un rééquilibrage des aides PAC…) pour sortir de cette agriculture intensive de plus en plus dépendante des firmes chimiques et qui ne profite à personne Cela impliquerait un choix courageux d’opposition claire ; car l’abstention pratiquée majoritairement jusqu’à ce jour par les Etats lors des votes précédents laissent à la commission la possibilité de renouveler l’homologation.. A ce jour seule la France ( et on l’a vu sous toutes réserves…alors que son vote est capital pour atteindre une majorité qualifiée) l’Autriche et l’Italie ont pris une position contre le glyphosate.
Mais également pour la France, fera t-elle effectivement cavalier seul quelle que soit la décision de Bruxelles ??? ce qui implique qu’elle mette en place un plan d’accompagnement sérieux pour aider les agriculteurs à se passer de cet herbicide.
Les solutions existent mais c’est à tous les niveaux du système de soutien au développement de l’agriculture qu’il faut engager dès maintenant la transition : chambres d’agriculture, coopératives, conseils, industries phytosanitaires, recherche agronomique qui restent encore en majorité impliqués dans le modèle agricole intensif. Et encore faut-il que les pouvoirs publics accompagnent cette mutation ce qui implique une réelle volonté et des moyens financiers nécessaires…à titre d’exemple de cette absence de volonté l’objectif du Grenelle de l’environnement de baisser de moitié la consommation des pesticides en France entre 2008 et 2018. A mi-course elle avait augmenté de 5%, l’objectif a été repoussé à 2025…
La France a déjà pris quelques mesures ( les plus faciles…) qui vont dans le bon sens : l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail a procédé au retrait d’autorisation de 135 produits à base de glyphosate ( il en reste près de 300 dont le Roundup..) puisque la décision d’autoriser le glyphosate se prend au niveau de l’UE mais il revient à chaque Etat membre d’autoriser ou non sur son territoire les pesticides à base de cette substance.
- Son utilisation par les collectivités dans les espaces publics est interdite depuis janvier 2017. Pour les particuliers elle le sera à partir de 2019.
- Il a été mis fin à la vente libre de la substance, qui est présenté dans les jardineries sous clefs dans une vitrine. Botanic a opté pour la suppression de ses rayons des pesticides chimiques et promeut les désherbants naturels.
Reste le secteur agricole et son futur défi : cultiver sans glyphosate…si le gouvernement français applique son interdiction, mais plus globalement sans herbicides. Car le danger de se focaliser sur le seul glyphosate c’est d’aboutir à un usage massif de produits herbicides aussi ou encore plus nocifs. Mais il est vrai le glyphosate apparaît en fait comme le symbole de la lutte contre les pesticides, c’est dire l’importance que prendra la décision de la France …. Qui est rappelons-le en plein déroulement des « Etats généraux de l’alimentation ». Leur objectif est paraît-il de répondre aux attentes des consommateurs tout en permettant aux agriculteurs de vivre dignement de leur travail grâce à des prix justes. Pour l’instant c’est manifestement le volet économique qui domine les débats… et ces Etats généraux n’apparaissent pas à priori comme une opportunité pour avancer vers un nouveau modèle agricole…hors glyphosate et pesticides en tout genre, mais sait-on jamais….
J. Thévenot
Bruno Parmentier : « Demain cultiver sans glyphosate » www.nourrir-manger.fr . ancien directeur de l’Ecole supérieure d’agriculture (ESA) d’Angers, recense les solutions à mobiliser, dans cette perspective..
www.notre-planete.info/actualites/3764-glyphosate-danger-sante
Le Roundup face à ses juges/Marie Monique Robin/éditeur La Découverte
Le Roundup face à ses juges- ARTE mardi 17 octobre 20.50
Dix ans après « Le monde selon Monsanto » Monique Robin est repartie à l’attaque. Depuis, des milliers de publications et témoignages confirment les dégâts occasionnés par le glyphosate. Et les « Monsanto papers » documents internes à la firme déclassifiés par la justice américaine dans le cadre de procès donnent une idée de l’ampleur des manipulations et mensonges de Monsanto.
Corinne Lepage site www.justicepesticides.org une association et un site pour guider les victimes de pesticides dans leurs démarches juridiques
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