Des animaux envahissants
DES ANIMAUX ENVAHISSANTS
Un article précédent traitait des plantes exotiques envahissantes. Il est également sur notre territoire des animaux envahissants qui posent des problèmes pour nos espèces autochtones. Introduites en Europe à des fins commerciales, fourrure (élevage de ragondins), écrevisse américaine,. En tant qu'animal de compagnie (tortue de Floride), suite au délire exotique d'un châtelain (grenouille taureau…) ces espèces se sont retrouvées dans la nature du fait volontaire de l'homme ou parce qu'elles leur a échappé…
Et puis il y a les espèces arrivées chez nous clandestinement tels le doryphore qui a débarqué en 1917 avec les Américains à Bordeaux, le crabe chinois arrivé sur un bateau asiatique dans le Weser (fleuve allemand) et qui de là s'est répandu dans toutes les rivières d'Europe dont il dégrade les berges (il creuse des terriers…) et décime les œufs de saumons, plus récemment le frelon asiatique arrivé dans une poterie chinoise (voir notre article)…En mentionnant au passage les indésirables que sont la perche soleil et le silure, présentation de quelques uns de ces envahisseurs que l'on peut croiser lors de nos promenades ( ici ou ailleurs) au bord de l'eau…
Des mammifères semi- aquatiques envahissants : le ragondin et le rat musqué :
Introduits pour leur fourrure et élevés en captivité, soit ils se sont fait la belle soit les hommes ont ouvert leurs cages…au moment où leurs affaires ont périclité…suite à la crise économique des années 30. Ces rongeurs ont prospéré en l'absence de prédateurs. Ils nous viennent d'Amérique (du sud pour le premier, du Nord pour le second). D'une grande fécondité (jusqu'à 60 petits au cours de leur vie) on a tout intérêt à contrôler ces populations.
Ils aiment les plans d'eau et les cours d'eau lents, ils se nourrissent essentiellement de plantes aquatiques mais ne négligent pas les graminées des berges ni les cultures de céréales à épis…. .Il n'est pas rare de rencontrer lors de promenades en bord de Loire un ragondin (le rat musqué est plus nocturne), soit en train de traverser le fleuve soit en train de folâtrer dans les boires. On peut aussi le découvrir en plein champ en train de paître… Très bons nageurs et plongeurs grâce à leurs pattes arrière palmées et à leur queue à écailles qui leur servent de gouvernail ces espèces ne craignent pas l'eau, leur fourrure est imperméable.
En bord de Loire sur les parties limoneuses des berges on peu observer des indices de présence. La trace de la queue est caractéristique cylindrique pour le ragondin et aplatie pour le rat musqué mais verticalement. A ne pas confondre avec le castor qui lui aussi a une queue aplatie mais à l'horizontale (voir notre article « le castor européen en Nièvre). Il arrive que l'on trouve une mâchoire de ragondin aux belles incisives orange (4) Elles sont comme chez le rat musqué à croissance continue.
La différenciation des empreintes de pattes n'est pas très aisée on se réfèrera à leurs dimensions. Pattes avant du rat musqué 3x3,5 cm, ragondin et castor 4x6cm ; mais les pattes arrière du castor atteignent 17 cm de long sur 10 de large, celles du ragondin 12 et 8cm et le rat musqué 7x5cm de large.
Le ragondin est un gros mammifère de 90 cm de long (queue comprise) entre 6 à 10 kg, le rat musqué de 65 cm environ pèse entre 1 à 2 kg
L'un et l'autre véhicule la leptospirose et l'un et l'autre sont les ennemis des berges et des digues qu'ils fragilisent en y creusant de multiples galeries, les terriers ont plusieurs entrées dont une subaquatique.
Leur prolifération et les dégâts en tout genre qu'ils occasionnent, le problème de santé pour les hommes et les animaux qu'ils posent conduisent nos deux compères à être classés nuisibles par les préfets condition nécessaire pour l'organisation de la lutte contre ces espèces. La lutte chimique est interdite, restent le tir, le piégeage et le déterrage…
La tortue de Floride :
Introduite en Europe dans les années soixante dix, elle a été vendu dans les animaleries au stade bébé comme des tortues naines…. Nombre d'entre elles ont été relâchées dans la nature par des propriétaires encombrés par leur tortue naine qui peut atteindre à l'âge adulte 40 cm et plus de 2 kg. Elle peut vivre jusqu'à trente ans. Un animal de compagnie des plus encombrants donc pas vraiment adapté à la vie en aquarium.
On estime à 500000 le nombre de ces animaux relâchés dans la nature ou directement pour leur confort dans les étangs, les cours d'eau…L'espèce s'est parfaitement acclimatée en France et a proliféré faute de prédateur.
Carnivore elle se nourrit d'insectes, de tétards, d'alevins…. C'est un prédateur de notre petite tortue européenne la cistude, elle s'attaque aux juvéniles. Occupant la même niche écologique que notre cistude celle-ci voit se rétrécir son territoire et disparaître ses garde-manger. Sans compter son infériorité en matière de reproduction ( maturité sexuelle plus tardive, pontes moins importantes..).
Depuis 1990 l'importation en France de la tortue de Floride (T. Scripa elegans- tâches rouges en arrière de l'œil) est interdite. Mais une sous-espèce a pris sa place (Trachemys scripta) très semblable (les tempes sont jaunes) donc la tortue de Floride est toujours commercialisée.
Elle est reconnaissable, sa tête est de couleurs vives (tempes rouges ou jaunes), sa peau est rayée.
Ces tortues ne doivent en aucun cas être remises en liberté ni laissées dans la nature si on en rencontre une- voir avec le service vétérinaire-
Petit rappel en revanche défense de déplacer les espèces sauvages.
La grenouille taureau :
C'est un châtelain de Gironde qui a introduit cet animal (qu'il avait découvert outre atlantique) dans son étang. Depuis les années 1968 l'animal a colonisé tout le Sud Ouest de la France. L'espèce figure dans les cent espèces envahissantes les plus dangereuses. Son importation est interdite depuis 1997.
Adulte elle mesure 50 cm et pèse dans les 500gr, ses tétards font 16 cm…Très prolifique, la femelle pond jusqu'à 25000 œufs dans l'année (2 pontes) contre 200 à 10000 œufs pour nos espèces indigènes !.
Elle vit dans les eaux stagnantes et utilise les cours d'eau pour se rendre sur de nouveaux territoires.
L'espèces est carnassière (voire cannibale lorsque les temps sont difficiles…) et menace l'équilibre écologique de nos milieux naturels aquatiques. Cette « grenouille terminator » comme on la surnomme a quelques prédateurs, canards, brochets,hérons, rats, busards…aucun individu n'a été repéré dans la Nièvre à notre connaissance.
Les écrevisses :
Elles nous viennent une fois encore du nouveau monde, écrevisse américaine, écrevisse de Louisiane, écrevisse de Californie,,. Introduite en Europe en Suède en 1959 puis en Finlande en 1968 pour remplacer l'écrevisse à pied rouges décimée par la peste des écrevisses elle est importée illégalement en Allemagne et en France en 1976 *
.L'écrevisse de Californie appelée aussi écrevisse signal en raison de tâches blanches ou bleutées à la base des grosses pinces) est présente aujourd'hui dans presque tous les départements.
Selon le schéma bien connu ces espèces exotiques envahissantes sont des coriaces, plus grosses que nos espèces européennes ,elles s'adaptent partout ( étang, mare, lacs, rivières), les eaux troubles leur conviennent, elles supportent des milieux pollués, ont une alimentation très variée, végétaux, poissons, œufs, invertébrés…, une grande prolificité 2 pontes par an et jusqu'à 500 œufs par femelle., dont les prédateurs (oiseaux, loutre, vison d'Europe) n'arrivent pas à bout et une grande capacité à coloniser de nouveaux territoires.
Enfin elles sont porteurs sains de l'alphonomycète, un champignon microscopique responsable de la peste des écrevisses.
écrevisse de Californie ou écrevisse Signal
* film documentaire sur le site www.parc-naturel-brenne.fr "la peste rouge"
En Bourgogne :
Depuis plus de vingt ans les écrevisses indigènes sont suivies en Bourgogne en particulier depuis 2000 par le « groupe écrevisse bourguigon(GEB) » créé sous l'impulsion du Parc du Morvan en lien avec plusieurs partenaires dont les fédérations de pêche, l'ONEMA et on dispose de données sur l'espèces « à pattes blanches » objet de toutes les attentions car plus menacée encore que sa cousine à pattes rouges face à la concurrence notamment de l'écrevisse de Californie. Mais cette espèce n'est pas seule responsable de la sévère régression des « pattes blanches », s'ajoutent les pollutions, les pratiques agricoles…et la destruction de ses habitats,( travaux hydrauliques, l drainage des zones humides, exploitation forestière-le débardage, l'enrésinement-, les pollutions, les pratiques agricoles…
L'écrevisse à pattes blanches n'occupe plus que de petits secteurs fragmentés, dans les petits ruisseaux (0,50 à 1mètre de large) proches de prairies et forêts de feuillus et dont les berges sont boisées.
Face aux facultés énumérées plus haut de l'écrevisse de Californie qui est maintenant présente dans pratiquement tous les bassins versants du Morvan la compétition écologique pour la nourriture et les abris avec notre petite à pattes blanches est forcément inégale. Les dernières populations encore présentes sont donc en grand danger.
Les solutions pour limiter efficacement cette espèce invasive reste à trouver. Une tentative par prélèvements a été menée entre 2005 et 2008 sur le bassin du ruisseau du saint marc. Les résultats de cette opération au regard de la mobilisation de moyens importants (300 heures de travail, 75 personnes intervenantes) ont été très décevants (voir étude citée).
En attendant il faut éviter toute dissémination par l'homme. Il est interdit de transporter vivantes ces espèces…. que l'on peut pécher toute l'année.
Le Corbicula asiatique:
C'est un mollusque d'eau douce ressemblant à une petite pallourde de 20 à 35 mm qui depuis 1980 a colonisé les cours d'eau, grands étangs, canaux de notre territoire. L'espèce la plus répandue en France Corbicula Fluminea en France est de couleur brune. L'espèce Corbicula Fluminalis jaune est présente dans le Rhône, le Doubs, la Saône….)
Son aire de répartition naturelle recouvre l'Afrique, l'Asie et l'Australie.
Elle aurait été introduite accidentellement au Canada (en Colombie britannique) en 1924 et de là sur tout le continent américain.
En Europe elle est rencontrée pour la première fois en France en Dordogne en 1980 arrivée vraisemblablement accrochée à des bateaux en provenance d'Asie ou d'Amérique (Les adultes peuvent en effet secréter un byssus leur permettant de se fixer sur la coque des embarcations).
En vingt ans tous nos bassins hydrographiques seront colonisés ( Les canaux de navigation qui les relient joueront un rôle important dans la dispersion de cette espèce). L'estuaire de la Loire sera l'un des axes de pénétration de Corbicula qui se répandra sur tout le bassin dans ses principaux affluents Resteraient épargnés par cette invasion les régions de montagne et les fleuves du sud (côte d'azur et Corse), et de l'ouest (Bretagne. Pas de Calais..). Entre 1980 et 1990 elle infestera L' Allemagne, les Pays Bas, l'Espagne,l la Belgique et l'Angleterre
Les modifications morphologiques subies par nos fleuves (recalibrage, barrages, seuils…) et la dégradation des habitats , des substrats et le ralentissement des écoulements ont favorisé l'installation de ce mollusque.. L'espèce supporte la pollution organique dès lors que la teneur en oxygène reste importante.
Le corbicule se nourrit de planton, bactéries, matières en suspension, il filtre environ 6 litres /jour. On lui doit la meilleure limpidité des eaux de la Loire… (ceux qui ont connu le fleuve royal dans les années 80 constatent le différence). Mais est ce à dire que tout est rose dans le monde du corbicule ?
C'est un envahisseur très prolifique (il est hermaphrodite ce qui facilite les choses…), sa densité au m2 peut atteindre jusqu'à 400 individus (on atteindrait dans certains lacs des Etats-Unis le chiffre de 3000 !). La colonisation se fait au stade juvénile grâce à un pseudo-byssus qui permet la fixation (aux bateaux et poissons) un adulte incube de 30 à 40000 larves au niveau de ses branchies libérées à la taille du quart du millimètre.
Le résultat ce sont des tapis de coquilles sur les fonds des milieux colonisés aux impacts importants sur les caractéristiques physico-chimiques de l'eau et des sédiments préjudiciables aux espèces indigènes ( concurrence au niveau des habitats, ressources), dégradation de la qualité de l'eau ( forte consommation en oxygène, relargage de dioxyde de carbone les excréments sont très chargés en nitrite, azote ammoniacal et phosphore). La présence dans une rivière de fortes colonies entraîne des conséquences sur la production générale primaire du milieu, moins de planton, nourriture des alevins , moins de poissons.
La seule solution pour lutter contre cette espèce invasive passe par la lutte contre la dégradation de nos milieux aquatiques (pollution, réchauffement, morphologie),on peut donc craindre que les corbicula n'aient de beaux jours devant eux pour continuer à prospérer dans nos rivières ….
tapis de corbicula....
J. Thévenot
*Les écrevisses invasives du Morvan cas de Pacifastacus leniusculus Dana, 1852 répartition et tentatives de luttes/ Laurent PARIS, Pierre DURLET & éric PESME
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