DECAVIPEC-LVNAC: barrage: renouvellement de concession
Barrage : renouvellement de concession : EDF dicte sa loi
Les chutes hydroélectriques de Chaumeçon sur le Chalaux (exploitées depuis 1961), Bois de Cure et Malassis sur la Cure (exploitées depuis 1931 et 1932), ont été concédées par un décret du 25 août 1921 à EDF (le but était l’électrification de la voie ferrée du Morvan, les investissements des barrages ont été payés par l’Allemagne pour dommages de guerre) Le titre administratif précité est arrivé à expiration le 31 décembre 2008.
En vue de poursuivre l’exploitation EDF a présenté une demande de concession de forces hydrauliques pour une durée de 40 ans. La concession concerne des ouvrages situés sur 2 départements : l’Yonne et la Nièvre, l’instruction est conduite par Monsieur le Préfet de l’Yonne, en accord avec Monsieur le Préfet de la Nièvre.
Les 4 chutes représentent un ensemble hydroélectrique d’une puissance maximale de 36 MW et un productible de 59 GWh.
L’ensemble fonctionne en éclusées à partir des retenues de Chaumeçon et de Crescent. Le bassin d’accumulation de Bois de Cure permet de turbiner selon les caractéristiques de la conduite forcée et de la centrale de Bois de Cure. La gestion du réservoir de Chaumeçon est principalement dédiée à des usages non énergétiques : lutte contre les crues et soutien d’étiage.
La consultation des conseils municipaux concernés (qui ont émis de nombreuses observations et réserves), des conseils généraux et des services a duré du 12 octobre 2006 au 23 mars2009. Plusieurs d’entre eux, Agence de l’eau Seine-Normandie, Délégation régionale du Conseil Supérieur de la Pêche Franche-Comté/Bourgogne, Direction Régionale de l’Environnement de Bourgogne, Direction Départementale de l’Agriculture et de la Forêt de l’Yonne ont émis un avis défavorable. Les fédérations de la pêche des 2 départements ont travaillé sur ce dossier durant des mois, la dernière réunion avec EDF semblait apporter un avancement concret dans les accords et les mesures compensatoires.
L’enquête publique s’est déroulée du 24 août au 10 octobre 2009. la commission recommandait à EDF de « définir des actions précises et chiffrées destinées à compenser les effets induits par la nouvelle gestion des barrages ». Celles-ci sont indispensables car quelle que soit la réglementation un barrage par définition barre toujours une rivière et transforme ses eaux vives en eaux dormantes avec des conséquences très préjudiciables sur la qualité des eaux, les milieux et les espèces qui les peuplaient.
Par courrier EDF a fait savoir qu’il acceptait ..certaines mesures obligatoires (passe à poisson, augmentation des débits de sortie) mais refusait toutes les mesures compensatoires à la détérioration du milieu aquatique
Analyse de l’impact de la concession
La transformation drastique et durable de milieux aquatiques remarquables ne fait l’objet d’aucune analyse précise en terme d’impact sur la biodiversité, sur la transformation des habitats et des peuplements. Des rivières encaissées du type torrents aux eaux courantes, de qualité rare au niveau européen sont transformées en une succession de lacs de retenue aux eaux dormantes ; il en résulte un impact majeur sur 14 kilomètres de rivières salmonicoles.
Nous pourrons citer notamment l’ensablement du lit mineur de la Cure, l’engravement de la retenue de Malassis, ce lac a perdu en 70 ans plus de 50% sur le volume d’eau initial ; malgré ce constat alarmant aucune mesure concrète n’est prise par EDF. Les lâchers par une vanne de fond conduisent à un colmatage des ruisseaux c'est-à-dire à interdire toute vie normale par asphyxie des milieux aquatiques en aval.
La modification de l’hydrologie est un point crucial dans le constat d’impact :
· Réduction drastique des débits minimaux via les débits réservés.
· Variations journalières avec le mode de production par éclusées.
· Réduction drastique des valeurs de débits maximaux par écrêtement des crues.
· Augmentation artificielle des écoulements naturels en étiage par une politique de soutien estival.
La qualité physico-chimique des eaux est fortement dégradée, les mesures effectuées mettent en évidence une forte désoxygénation des eaux en aval immédiat de Chaumeçon et de Malassis. Les retenues de Chaumeçon et Crescent influent fortement sur le régime thermique de Chalaux et de la Cure, la conséquence est une modification des communautés piscicoles.
Réglementation
Jusqu’à ce jour EDF s’est dispensé de prendre en compte la protection du milieu aquatique.
L’objectif du bon état écologique des eaux pour 2015 de la Directive Cadre Eau (DCE) se traduit notamment par les règles d’exploitation des barrages à travers le règlement d’eau au plus tard en 2014.
La DCE impose 2 critères fondamentaux : la non dégradation de l’existant et l’amélioration à brève échéance.
La nouvelle gestion présentée dans ce dossier non seulement ne remédiera pas à la dégradation chronique des milieux aquatiques concernés mais aura des conséquences aggravantes sur les peuplements.
La position d’EDF est claire : il a rejeté les mesures compensatoires demandées en vue d’une amélioration de l’existant
Les mesures obligatoires (débits réservés et passe à poissons) sont en partie adoptées avec un retard de mise en service scandaleux (2 à 3 ans), les débits réservés proposés par EDF sont insuffisants pour Chaumeçon et Crescent et polluants car la restitution s’effectue à partir des seules eaux de fond.
En résumé, EDF (Etat dans l’Etat qui détient directement ou indirectement 84,6% du capital ) entend dicter sa propre réglementation et se dispenser de compenser par des mesures complémentaires les impacts de la future concession sur le milieu naturel.
Fin de la procédure d’autorisation de la concession
La procédure s’est terminée par la demande d’avis des membres du CODERST* le 22 septembre pour la Nièvre et le 23 pour l’Yonne.
Aucune des réserves et observations des différents services, fédérations, commissions, élus n’a été prise en compte dans le dossier présenté. EDF a imposé le contenu du cahier des charges et celui-ci a été accepté sans possibilité de changer une virgule lors de ce Conseil!
Comment l’Etat a-t-il pu obliger ses services à rédiger un cahier des charges éludant les obligations et compensations de la Directive Cadre Eau ?
Pourquoi aucun des Conseillers Généraux nivernais (le Conseil Général est représenté par 4 membres au CODERST) n’a-t-il eu le courage d’être présent au Conseil pour ce dossier ? Entente entre l’Etat et le Département ? Nous le pensons ; aucune voix des collectivités territoriales pour défendre les « eaux vives nivernaises » ancien logo du département…
L’Etat se faisant complice d’EDF passe outre à ses propres règlementations. L’instruction et les réunions ont été dans ce cas précis une mascarade. On a fait semblant d’écouter les spécialistes et ceux-ci ont travaillé en vain durant des mois, l’Etat avait décidé, dès le début, le renouvellement de la concession, quelles que soient les réserves et les observations.
DECAVIPEC et Loire Vivante sont membres du CODERST* et connaissent parfaitement leurs obligations de réserve. l’Etat ne respectant pas ses propres règles nous avons décidé de faire de même et de relater ces faits avant l’autorisation officielle de cette concession pour, rappelons-le, une durée de 40 ans…., lourde peine pour nos rivières !.
D. Auclin-J. Thévenot
*CODERST : Le Conseil Départemental de l’Environnement et des Risques sanitaires et Technologiques concourt à l’élaboration, à la mise en œuvre et au suivi, dans le département, des politiques publiques dans les domaines de la protection de l’environnement, de la gestion durable des ressources naturelles et de la prévention des risques sanitaires et technologiques. C’est une instance de concertation et de conseil pour la prise de décision du Préfet.
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