L'ELEVAGE INDUSTRIEL FRANcAIS: avenir ou modèle fragile?
L’élevage industriel français : avenir ou modèle fragile?
L’industrie agroalimentaire contrôle entièrement notre alimentation. ; elle devance toutes les autres industries, et tout le monde sans exception consomme ses produits. Des enjeux économiques énormes sont liés à cette industrie qui cherche à grandir encore et encore. Quelques entreprises multinationales (Monsanto, Nestlé, Unilever, Lactalis, Danone, Bongrain, Agrial etc…) contrôlent les trois quarts du marché de la planète. Ce contrôle de l’alimentation tue l’artisanat, emprisonne le producteur et le consommateur.
En 2013 une association des « producteurs de lait indépendants » a réalisé un clip visible sur YouTube : « La vache & le prisonnier ». Ce chant de détresse doit nous interpeller.
Le lait en brique ou en bouteille n’est plus qu’un lait reconstitué à partir de poudres d’éléments du lait : lactose, calcium, matière grasse dosés différemment et additionnés de conservateurs ; le lait qui « tourne » cela n’arrive plus et pourquoi ? Le marché des produits laitiers est entièrement noyauté par l’industrie.
La ferme des mille vaches
A partir de 2009, des producteurs laitiers décident de monter un projet de ferme industrielle de 1000 vaches dans la Somme; parmi ces éleveurs, Michel Ramery, entrepreneur de BTP à la retraite, propriétaire d’une ferme de 200 vaches laitières. Une première demande administrative du projet est déposée en 2011 : 1 000 vaches laitières, 1 750 animaux au total et un méthaniseur de 1,48 MW. L’avis de la commission d’enquête est favorable, mais les éleveurs locaux se mobilisent. En février 2013 les services administratifs autorisent une capacité de 500 vaches. En juin 2014, le Conseil d’Etat rejette les demandes de pourvoi de l’association locale « Nos villages se soucient de leur environnement » ou NOVISSEN, des membres de la Confédération paysanne alliés à NOVISSEN mènent quelques actions qui seront sanctionnées par la justice ; le 13 septembre 2014 une première traite de 150 vaches a lieu.
Cette ferme est le symbole d’un modèle industriel importé des EU, du Canada, d’Amérique du Sud et même de quelques pays européens comme l’Allemagne. Les vaches sont dans un univers fermé (concentrationnaire !), elles ne sortiront jamais et ne verront jamais un brin d’herbe : devant, elles sont face à une machine distributrice d’aliments (lesquels ?) latéralement, il y a la machine à traire et à l’arrière, la machine chargée de récolter les déjections qui sont immédiatement conduites vers le méthaniseur , producteur d’une électricité achetée très chère ; les bénéfices de cette production d’énergie permettent de vendre le lait à perte en ruinant les petits exploitants alentour et aussi plus loin !
Comme les usines à cochons en Bretagne responsables des pollutions visibles des estuaires et invisibles de l’eau, des nappes phréatiques, nous importons ces usines à vaches avec des conséquences à effet domino : retournements des prairies devenues inutiles, productions à grand rendement en rupture complète avec le modèle français d’agriculture familiale.
Cette « concentration » d’animaux entraîne plus de maladies et d’épidémies, de plus leur alimentation est complétée avec des antibiotiques quasiment quotidiennement ; on les retrouve dans le lait et la viande, grand risque occulté pour les humains.
La FNSEA est complice de cet état de faits puisque favorable depuis le début de la PAC à : « ce que les primes soient octroyées proportionnellement au nombre d’hectares possédés. Plus on a d’hectares plus on a d’aides ». L’état d’esprit de ce syndicat majoritaire actuellement n’a pas changé, il refuse d’utiliser un système fiscal qui orienterait l’agriculture vers un modèle moins industriel
Le Ministre de l’Agriculture, également de l’Agroalimentaire (ce qui est un comble ou une explication), Stéphane Le Foll crie haut et fort que les deux agricultures intensive et extensive peuvent cohabiter, la ferme des mille vaches en est l’exemple malheureux ainsi que l’annonce d’un élevage de volailles XXL dans une autre région ; quant à l’eau destinée à l’irrigation du maïs et aux élevages de ce genre, la multiplication des projets de retenues collinaires (Sivens !) serait la solution incontournable pour l’Etat et certains producteurs. Selon Pablo Servigne* : «En 2050 chaque humain disposera en moyenne d’un quart de l’eau potable dont disposait un être humain en 1950 ».
Ce modèle agricole ne supporte pas les coûts qu’il génère, mais demain ? Il est tributaire des hydrocarbures, de la ressource en eau et du prix des transports; en poussant à l’extrême ce mode production, l’agriculture industrielle se fragilise elle-même : en 1940 une calorie d’énergie produisait 2,3 calories de nourriture, en 2014 il faut dépenser plus de 7 calories d’énergie pour en produire une seule de nourriture.
Produire de l’électricité et la revendre très cher (sur le dos des consommateurs qui paient la différence) à partir des déjections serait la solution crient haut et fort l’Etat et certains producteurs aveugles. Les élevages n’auraient-ils plus uniquement comme but de produire de l’énergie avec accessoirement une production de viande et de lait en grande quantité, de très mauvaise qualité bradés à la vente et ruinant toute autre tentative d’élevage traditionnel ? Ne serions-nous pas dans une situation ubuesque?
Avec ce système absurde, ce modèle d’agriculture porte en lui « les gènes de sa destruction »*.
Les terres fertiles de France disparaissent à raison de la surface d’un département tous les 7 ans. Elles sont remplacées par des centres commerciaux et leurs parkings, des lotissements ; pourquoi garder des prairies inutilisées, des zones humides qui ne sont bonnes qu’à être drainées, bétonnées? Les élus et les responsables politiques s’étonnent : ils mettent sur le dos de la fatalité les inondations meurtrières, alors qu’ils sont les seuls responsables de ces catastrophes. Ne restera-t-il en terre agricole que des cultures hors sol, des cultures à grand renfort de chimie ? Nos terres en sont imprégnées, toute vie en est éliminée ; la terre est devenue un support de rendement artificiel et non un support de vie.
Dans la Nièvre, les demandes de retournements de prairies explosent et …sont accordées même en zone NATURA 2000**. La DDT et la Chambre d’Agriculture répondent à mes interrogations que : « aucun projet de grande ampleur n’est prévu dans le département actuellement». Actuellement c’est combien de temps ?
L’industrie n’est rien sans les consommateurs, leur pouvoir peut être puissant : privilégions les circuits courts et vente directe qui se développent dans toutes les régions.
Danièle AUCLIN
*Auteur de : « Nourrir l’Europe en temps de crise. Vers des systèmes alimentaires résilients. »
** Ce sera le sujet d’un autre article
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