Nature et Environnement en Nièvre

Nature et Environnement en Nièvre

Crise de l'élevage, haro sur le loup, une fois de plus

CRISE de L’ELEVAGE, HARO SUR LE LOUP  une fois de plus !

 

 

« Loup, vers une nouvelle éradication ? » était la question que nous posions dans notre article du 3 décembre 2012.  Je vous invite à le relire. Depuis  le gouvernement a fait des progrès. La crise de l’élevage français à laquelle il prétend répondre dans l’urgence lui donne l’occasion d’annoncer clairement  que le loup à ses yeux n’a pas sa place en France –entre les brebis et le loup il faut choisir la brebis- donnant ainsi entière satisfaction aux chasseurs qui entendent s’adonner sans entrave à leur loisir (le tir de loup lors de battues au grand gibier est autorisé) et aux éleveurs qui n’entendent pas évoluer vers des méthodes et pratiques écologiquement responsables, afin de s’adapter aux prédateurs naturels, nécessaires à l’équilibre de leur environnement.

Dépassées les autorisations de tirs de prélèvement (c'est-à-dire indépendamment de toute attaque à différencier des tirs de défense) de plus en plus nombreuses chaque année (36 pour 2014-2015 contre 24 l’année précédente), à n’importe quel moment, sans encadrement, sur  de plus en plus de territoires (20 départements) et y compris  dans le cœur des parcs nationaux. Et le comble 10 «  emplois jeunes » donc payés par l’Etat ont été créés pour aider à tuer les loups !

Le gouvernement vient d’annoncer qu’il engage des démarches de déclassement du loup comme espèces strictement protégée auprès de la convention de Berne et de l’Union européenne.

 

Ségolène royale qui déclarait lors de l’adoption du projet de loi par l’Assemblée nationale portant sur « la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages » qu’avec ce texte il s’agissait de « créer une nouvelle harmonie entre la nature et les humains » est manifestement passée  à autre chose s’agissant du loup… « elle souhaite que les modes de gestion du loup soient adaptés en fonction de l’importance de sa présence sur le terrain comme en Espagne où deux modes de gestion existent dans le cadre d’une coopération avec les collectivités locales volontaires ».

Rappelons d’abord  que l’Espagne compte entre 1700 et 2500 individus, 70% de la population se situe en Castille et Léon (Nord-Ouest)  et quelques dizaines dans le Sud et en Catalogne (   www.medialoup.chasseursdefrance.com )

Que le loup a deux statuts suivant la localisation et les Communautés Autonomes : chassable ou protégé

An nord du fleuve le Duero le loup peut être chassé, le choix est laissé aux communautés autonomes. Cette gestion cynégétique ne peut aller à l’encontre d’une conservation favorable (conformément  à l’annexe V de la directive Habitats –Natura 2000). Au Sud du Duero le loup  fait l’objet d’une protection stricte (annexe IV de la Directive Habitats).

L’Etat espagnol a demandé la modification du statut du loup au Sud du Duero, qui a été refusée par la Commission européenne faute de preuves du bon état de conservation.

La chasse au loup se fait à l’affût et en battue  (au sanglier où les loups peuvent être tirés). Chaque zone a son pourcentage de loup à prélever, le pourcentage moyen  est de 5 à 6%.

En France le prélèvement possible de 36 individus représente déjà plus de 10% de la population de  loups estimée alors qu’elle est censée être protégée !.

Un rapport d’information d’origine sénatoriale « Patrimoine naturel de la Montagne » (n° 384 - 19 février 2014) préconise de réintégrer le loup dans l’annexe III de la Convention de Berne (Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe  conclue en 1979) et d’en faire une espèce protégée simple alors qu’elle est aujourd’hui totalement protégée.

Des pressions pour déclasser le loup  viennent aussi de la confédération paysanne , de la FNSEA, du syndicat des jeunes agriculteurs, de la fédération nationale ovine…Sans oublier les députés qui s’excitent sur des propositions de loi pour que ce soit les préfets qui décident du plafond de destruction autorisé….

En 2012  la   Suisse a également demandé la rétrogradation du loup de l’annexe II à l’annexe III afin de faciliter la gestion de l’espèce les tirs donc….Elle a été déboutée.  Le comité permanent  qui a rappelé que l’ article 9 de la convention de Berne prévoit des dérogations à la protection stricte des espèces de l’annexe II qui permettent de prendre des mesures propres à résoudre des conflits et à prévenir des dommages jugés importants si la population de loups est en bon état. La demande de la France qui utilise largement  cette possibilité avec les tirs de prélèvement, devrait donc recevoir la même réponse.

La protection du loup (inscrite dans l’arrêté ministériel du 22 juillet 1993) est une obligation pour la France qui a ratifié  la convention de Berne en 1990 et qui  doit respecter la directive « Habitats » (Natura 2000) qui classe le loup en  espèce d’intérêt communautaire prioritaire. (articles R411-1à14 du code de l’environnement).  Les Etats doivent veiller à la conservation de l’espèce et de ses habitats naturels. Il n’y a aucune raison de penser que tous les Etats de l’Union européenne seraient prêts à changer cette réglementation parce qu’elle ne conviendrait plus au gouvernement français . La Commission européenne en 2014 a déjà répondu  à la France qu’il était inutile de la modifier la directive Habitats  « permettant  d’assurer la coexistence du loup avec les activités pastorales »

Avec ses 250, 300 loups (chiffre élevé selon notre ministre !)  la France est loin des chiffres de l’Espagne et de l’Italie ses voisines et de ses effectifs d’autrefois.  Le loup en France n’a pas encore reconquis les territoires où il était jadis présent.  Son espèce  est classée «vulnérable » sur la liste rouge de l’UICN.

 

A quoi joue donc la ministre de l’écologie avec des propositions qui encouragent  ceux qui affirment la cohabitation avec le loup  impossible et prônent son éradication ? au lieu de travailler à la mise en œuvre d’une politique  efficace et constructive,  à convaincre les éleveurs de protéger effectivement leurs troupeaux, à rappeler les avantages de la présence du loup , à ne pas surévaluer son impact et à mettre en place une politique d’accompagnement du retour du loup. en créant des conditions optimales à la cohabitation du prédateur  avec les activités pastorales.

Et comment se fait-il que cette ministre qui prône sans cesse la défense de l’intérêt général,  admette que la place du loup en France repose sur les désidérata de lobbys (chasseurs et  éleveurs qui ne défendent que leurs intérêts particuliers) et non sur des travaux de l’écologie scientifique, sur les engagements  de la France au regard de la biodiversité européenne et sur les droits de la nature.

Les tirs de prélèvement seraient inefficaces en cas de non protection des troupeaux voire contreproductifs dès lors qu’ils ne visent qu’à réduire les effectifs. Lorsqu’un loup alpha est tué, la meute est destructurée, les loups se dispersent et les attaques augmentent. En effet le loup vit en meute avec un couple « alpha » dominant (mâle et femelle) seuls loups à pouvoir se reproduire. Les louveteaux ne quittent la meute qu’à partir de l’âge de 2 ans.

 

La déclaration de Madame Royal corroborée par M. Aufoll  est à classer dans la catégorie des gesticulations ministérielles censées pallier l’impuissance du politique à résoudre les problèmes; déclarer le loup chassable (jusqu’à le faire à nouveau disparaître ?), permettrait donc aux éleveurs ovins de sortir  de leurs difficultés…sauf qu’elles ont commencé avant sa réapparition et qu’elles perdureront après sa disparition , il n’est donc qu’un bouc émissaire comme l’ours, le lynx….

 

Lorsque l’état de conservation du loup en France sera pleinement satisfaisant, qu’il aura pu occuper sinon son aire de répartition originelle du moins la plus grande possible il sera temps alors d’envisager  un contrôle de sa population strictement encadré et défini en concertation avec toutes les parties prenantes de ce dossier.  En attendant l’Etat n’a qu’une chose à faire mettre enfin  en place une  véritable politique de protection des troupeaux, contrôler la mise en place des mesures de protection subventionnées, cesser d’indemniser les éleveurs  qui ne protègent pas leur bétail. Il faut créer les conditions pour que le loup se nourrisse de la faune sauvage .En l’absence d’une telle politique l’Etat et  les anti-loup qu’il soutient ne sont pas habilités à affirmer que la cohabitation avec le pastoralisme  n’est pas possible.

Et il lui reste évidemment à respecter les engagements qu’il a signés  (convention de Berne et Directive « Habitats ») et à ne pas faire croire aux éleveurs qu’il va pouvoir s’en dispenser d’un claquement de doigt.

 

 

                                                          J.Thévenot

                                                              loup.jpg

 

 www.ferus.fr

 

www.aspas-nature.org

www.leklanduloup.fr

 

 

 

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27/07/2015
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