Sommet mondial de l'océan
Sommet mondial de l’océan :
Le premier « One Ocean summit » s’est tenu à Brest du 9 au 11 février à l’initiative du président de la République qui s’y était engagé à Marseille lors du Congrès mondial de la Nature. Organisé dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’UE et avec le soutien des Nations Unies il a réuni une vingtaine de chefs d’Etat et de gouvernement (des absents Grande-Bretagne, Chine, Russie Australie…) des acteurs scientifiques, économiques, décideurs publics…. Son but mobiliser la communauté internationale sur l’enjeu urgent de mettre un point d’arrêt à la dégradation de l’océan (pollutions, surpêche, réchauffement climatique, acidification…).
Alors quel bilan ? Des promesses, des engagements sur des points importants et des sujets primordiaux absents en raison des contentieux qu’ils suscitent, ce qui a conduit des ONG telle que Bloom à boycotter ce sommet..
→Protection de la biodiversité et des ressources de nos océans (les aires maritimes protégées-AMP)
Le One Planet Summit de janvier 2021 avait lancé la « Coalition de la Haute Ambition pour la Nature et les Peuples » qui s’était fixé comme objectif de protéger 1/3 des terres et mers d’ici 2030. Aujourd’hui elle compte 84 pays. Cet objectif sera défendu lors de la prochaine COP15 sur la biodiversité qui doit se tenir en Chine à Kunming en Chine, du 25 avril au 8 mai 2022.
Notre président a annoncé que la France avait déjà dépassé ce seuil, avec ces 546 AMP qui couvre 32% de sa zone économique exclusive (les 200miles 370km). Seuil atteint grâce à l’extension de la réserve nationale des Terres australes françaises par un décret publié 11 février 2022.. Elle devient la deuxième plus grande aire marine protégée (AMP) au monde avec 1,5 million de kilomètres carrés.
Cocorico donc les 30% sont atteints. Mais pour quel niveau de protection ?? Seulement 2% de la zone économique exclusive Française est recouverte d’AMP dites « intégralement protégées » (interdiction de toutes les activités qui ont un impact négatif sur biodiversité, pêche, extraction minière) ou « hautement protégées »(autorisation de certains types de pêches,à pied, au harpon, en apnée) On devrait atteindre les 10% en 2030… Actuellement 98% des Aires marines françaises sont donc en protection faible ou minimale des niveaux qui n’apportent aucun bénéfice environnemental !.
→La pollution par les plastiques
Selon un récent rapport de L’OCDE 10 % du plastique produit dans le monde est recyclé ,460 millions de tonnes (Mt) produites en 2019 ont engendré 353Mt de déchets . Chaque année, 10 millions de tonnes de déchets plastiques finissent dans les océans. Environ 80% proviennent de la terre (décharges à ciel ouvert, déchets abandonnés dans la nature, événements climatiques extrêmes..) et 20% proviennent des pêcheurs, marine marchande, bateaux de loisirs. Selon une étude publiée dans la revue Science si on continue selon la même trajectoire ce sont 29 millions de tonnes de déchets plastiques qui asphyxieront l’océan en 2040.
2040 c’est la date qu’a retenue la France pour la fin des emballages plastiques à usage unique (loi AGEC sur l’économie circulaire) avec une étape à l’horizon 2025 (c’est demain…) : réduction de 20% et ceux restants, recyclés à 100% ... Un objectif qui semble irréaliste, la France ne recycle que 22% de ses déchets plastiques ; elle se place au 25ème rang au niveau européen (moyenne européenne 31%). Un tiers va en décharge et 43,5% sont« valorisés » énergétiquement. Ensuite cela suppose d’ arriver à 100 % de collecte, or après 25 années de tri des bouteilles et flacons, on n’en recycle que 57% ). …. La directive SUP («single-use plastics») prévoit de faire passer, en 10 ans, la collecte des bouteilles à 90%.
Les participants du sommet se sont engagés pour accélérer le soutien aux projets favorisant la réduction des pollutions plastiques via le développement de l’économie circulaire. L’enveloppe du « Clean Océans Initiative » a été portée à 4 milliards d’euros d’ici 2025.
Les Etats prennent des mesures mais elles ne sont pas à la hauteur de la pollution mondiale des océans qui ne cesse de s’accélérer.. Un traité international contraignant sur la réduction de cette pollution est indispensable et doit aboutir rapidement. Les pourparlers lancés en 2019 lors de la quatrième Assemblée des Nations Unies pour l’Environnement viennent d’aboutir à l’adoption le 2 mars 2022, à Nairobi par 175 pays d’une résolution ouvrant la voie à un traité mondial de lutte contre la pollution plastique juridiquement contraignant d’ici 2024.
→La lutte contre la pêche illégale
La pêche illégale non déclarée et non réglementée met en péril la durabilité des ressources marines et menace la sécurité alimentaire des populations côtières des pays en voie de développement. Elle s’exerce en haute mer et dans les eaux territoriales et par tout type de navire de pêche. Elle représente plus de 26 millions de tonnes de prise (20 à 30% du secteur) et participe à la surpêche.
E. Macron a appelé l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) à la conclusion d’un accord contre les aides publiques à la pêche illégale mais non à la surpêche. Cette question sera traitée à Lisbonne lors de la conférence sur l’Océan du 27 juin au 2 juillet (mise en œuvre de l’objectif développement durable 14 portant sur les ressources marines)
Plusieurs Etats de l’Union européenne se sont engagés à renforcer la surveillance de la pêche illégale.
L’ Accord du Cap (2012) devrait entrer en vigueur d’ici la fin de l’année grâce à de nouvelles ratifications, Voilà dix ans que ce traité international est débattu dans le cadre des Nations unies.
Il porte sur le contrôle de la sécurité des navires de pêche (longueur égale ou supérieure à 24mètres) par les États du pavillon, les États du port et les États côtiers et doit également contribuer à la lutte contre la pêche illicite.
→Changement climatique et pollution de l’air
22 armateurs européens se sont engagés dans le nouveau label »Green Marine Europe »(émissions de GES, bruits sous-marin, émissions atmosphériques polluantes..). L’ensemble des pays méditerranéens et l’UE vont demander à l’OMI (Organisation maritime internationale) la création d’une zone à faibles émissions de soufre sur toute la Méditerranée au 1er janvier 2025. Et sur les côtes atlantiques une zone maritime particulièrement vulnérable pour protéger les dauphins très présents. La France et la Colombie ont lancé une coalition internationale pour le carbone bleu (principe de la compensation carbone), pour accélérer le financement de la restauration des écosystèmes côtiers.
→Vers une meilleure connaissance des fonds sous-marins
L’UNESCO s’est engagée à ce qu’au moins 80% des fonds marins soient cartographiés d’ici à 2030 ( 20% actuellement).
l'Union européenne a annoncé se doter d'un « jumeau numérique » – un double virtuel nourri par des données et algorithmes de pointe.
→Une coalition pour un traité de la haute mer ambitieux
Lancée à l’initiative de l’Union européenne rejointe par 16 pays pour aboutir dès cette année à un traité international qui règlemente la haute mer. Ce lundi 7 mars s’ouvre à l’ONU un nouveau round de négociations ( entamées il y a 10 ans..) sur ce futur traité dont le texte doit être finalisé en 2022
Les zones de haute mer, zones au-delà des zones économiques exclusives(200miles) représentent 64% de la surface totale de l’océan. La haute mer qui n’appartient à personne appartient à tout le monde…C’est une zone de non droit propice au braconnage d’espèces menacées et à la pêche illégale.
Les sujets absents du sommet
→L’exploitation des fonds marins :
Les fonds marins qui regorgent de trésors, cobalt, manganèse, nickel,, lithium, platine… suscitent de gros appétits chez les Etats et les Cies minières qui y voient comme un nouvel eldorado à exploiter. Un sujet crucial absent du Sommet. Leur exploitation serait un immense désastre environnemental pour ce dernier espace de la planète grouillant de vie dont nous ne connaissons rien, que l’homme n’a pas encore détruit.
Alors va pour l’exploration présentée comme une amélioration des connaissances scientifiques de ces milieux , nécessaire pour évaluer les impacts des actions qui seront menées dans les années à venir….
Emmanuel Macron, a déclaré lors de la présentation du plan « France 2030 » que l’exploration des grands fonds marins faisait partie des priorités de la France qui a inscrit sa volonté d’exploiter ces fonds dans la « la Stratégie nationale d’exploration et d’exploitation des ressources minérales dans les grands fonds marins ».
Pour L’UICN (l’Union internationale pour la conservation de la nature) l’exploration ouvre la voie à l’exploitation. Il a adopté ( 8 septembre 2021) un « moratoire sur l’exploration et l’exploitation de ces grands fonds encore inviolés que la France n’a pas soutenu.
→La pêche industrielle :
Elle se traduit d’abord en chiffres 80% de la pêche mondiale est réalisée par 10% des pêcheurs…et elle a été absente de ce sommet alors qu’elle aurait dû y figurer en premier plan …en tant que véritable fléau pour l'océan et les espèces vivantes. En dehors des premiers 200 milles nautiques ( la ZEE pour les pêcheurs nationaux) la pêche, même massive, n’étant pas réglementée c’est la porte ouverte à toutes les dérives et à la surexploitation des ressources marines par tous moyens, navires -usines, filets dérivants et maillants, pêche électrique, chalutage (interdit en Europe)…..
Ce premier sommet international exclusivement centré sur l’océan n’était qu’une modeste étape pour mobiliser la communauté internationale en faveur de la protection des océans qui sont en grave danger. Il a permis aussi de souligner l’importance de ce problème auprès du grand public.
Ce ne sont évidemment pas les vagues promesses qui y ont été formulées qui vont répondre aux enjeux qui s’annoncent dans les années à venir. Des engagements concrets devront être pris cette année à Lisbonne et à la COP 27 qu’accueillera L’Egypte en 2022 pour poursuivre les négociations mondiales autour du climat.
J.Thévenot
https://www.mer.gouv.fr/le-patrimoine-marin-et-les-aires-marines-protegees-francaises
https://uicn.fr/wp-content/uploads/2022/02/position-uicn-cf-grands-fonds-marins-1.pdf
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