Le blaireau, un mal aimé
LE BLAIREAU un mal aimé,
En France s’entend, car chez la majorité de nos voisins ce mammifère à la vie nocturne et souterraine, de la famille des mustélidés est une espèces protégée, Irlande, Pays-Bas, Royaume-Uni, Belgique, Luxembourg, Hongrie, Portugal, Espagne, Italie, Grèce. Il est inscrit en tant que tel dans la Convention de Berne (annexe III).
Dans notre beau pays civilisé, où nos parlementaires n’ont rien a refusé aux chasseurs (cf notre article « Les chasseurs, premiers protecteurs de la nature ?…. ») parmi les 90 espèces qu’ils peuvent détruire, le blaireau ( MELES meles) bénéficie d’un régime de faveur il est chassé, puisque classé en gibier et quand la période de chasse est terminée il peut encore être piégé par la pratique de la vénerie sous terre (tout comme le renard et le ragondin).
Chaque année le préfet prend un arrêté chasse, en date du 23 mai 2013 s’agissant de la Nièvre pour la campagne 2013-2014 (DDT-2013141-0009).
On y lit que l’ouverture générale de la chasse est fixée du 15 septembre 2013 au 28 février 2014 et que l’exercice de la vénerie du blaireau est autorisé pendant les périodes complémentaires du ler juillet au 14 septembre 2013 et du 15 mai 2014 au 30 juin 2014 , à une période donc où les juvéniles dépendent encore de leur mère puisqu’ils naissent en février mars et sont allaités pendant 3 mois.
En rapprochant toutes ces dates et en constatant que le préfet reconduit chaque année ces mêmes mesures le blaireau va donc pouvoir être tué du 15 mai ( alors que la chasse n’est pas ouverte) au 28 février soit pendant 9 mois et demi de l’année !
Rappelons la barbarie de la pratique de la vénerie sous terre (ou déterrage) qui consiste à acculer l’animal dans son terrier au moyen de chien ; ses aboiements spécifiques quand le blaireau est tenu en respect permettent aux chasseurs de le localiser, ils creusent pour ouvrir la galerie et ensuite extirpent l’animal au moyen d’énormes pinces métalliques et l’achève dans la majorité des cas. A la carabine, à l’arme blanche ou avec une aiguille enfoncée derrière la tête…Il arrive qu’il ne soit pas abattu à la sortie du terrier et donné aux chiens, vivant…Si le blaireau n’est pas tué, cela arrive…) on peut s’interroger sur la survie d’un animal sauvage qui a subi un tel stress !.
Le site de la Fédération départementale des chasseurs de la Nièvre prône le développement dans le département de ce mode de chasse, « hors du commun » qui implique pour que la partie de chasse soit « réussie » : « du courage », ah ! bon ???, « de la patience » et de la « ténacité ». Une liste « non exhaustive » présente 16 équipages en Nièvre( comptez 4 à 6 personnes/équipage). Le ministère de l’écologie en 2006 comptait sur le territoire national 1500 équipages de vénerie sous terre soit 40000 pratiquants et environ 60000 chiens. En 2009 la Fédération nationale des chasseurs lors du Championnat de France du déterrage à Cluny ( qui a vu une manifestation d’opposants dont nous étions…) annonçait plus de 3000 équipages, 80000 pratiquants et 100000 chiens….
Qu’est ce qui justifie, dans la Nièvre, ce « massacre » des blaireaux ?
- leur nombre connaît-elle une progression importante, y a-t-il prolifération ? non. Où sont les inventaires ou études fiables sur les populations nivernaises, dressés par des scientifiques et non par les seuls chasseurs ?
- quels problèmes pose cette espèce dans notre département ? dégâts aux cultures ? non le blaireau au printemps et en hiver se nourrit de vers de terre (100kg/an) en été et en à l’automne il apprécie les végétaux fruits, céréales tubercules, les insectes, les amphibiens et mollusques… à l’occasion lapins et oiseaux blessés ou morts
C’est en cas de disette qu’il va attaquer les épis de maïs ou autre culture (blé, avoine voire la vigne etc…) ces dégâts sont donc très localisés et insignifiants au regard de ceux provoqués par les sangliers….. Des méthodes préventives existent : fil électrique à 15cm du sol ou cordelette enduite de répulsif.
- le blaireau est accusé par le creusement de ses galeries de provoquer des affaissements de terrains dans les champs dangereux pour les engins agricoles… Une plaisanterie, les galeries sont à 3, 4 mètres de profondeur. Le blaireau est un animal très discret. Les terriers ne sont que très rarement situés dans les champs ils sont en lisière de forêt, bosquet, haies naturelles, broussailles. Et placés à flan de coteau, sur des pentes et talus pour faciliter le drainage de l’eau et l’évacuation de la terre lors du creusement. Le seul problème c’est le creusement de terriers au bas des digues ; la solution est de chasser l’occupant par des chiffons imbibés d’un répulsif et de boucher l’entrée.
- enfin le blaireau est accusé de transmettre la tuberculose aux bovins. Combien de cas de tuberculose bovine recensés dans la Nièvre ?. La France est reconnue par l’Europe indemne de cette maladie.
En Côte d’Or où cette maladie a le plus sévi en 2010, L’ONCFS a précisé qu’aucun blaireau infecté n’avait été trouvé hors de la zone d’infection bovine. Cette maladie chez cette espèces est donc corrélée aux foyers bovins et non l’inverse. C’est pourtant en invoquant la nécessité de limiter la propagation de la tuberculose bovine que le préfet de la Cote d’Or a autorisé dans 2 arrêtés qui feront date, un véritable carnage des blaireaux dans 10 cantons de ce département par piégeage, déterrage, tirs (de jour comme de nuit avec éblouissement au phare) du 4 mars à l’ouverture générale de la chasse (septembre). 70 associations ont protesté en juin 2010 contre cette destruction (+ de 2000 animaux déjà tués à cette date) la plus grande entreprise en France.
Actuellement le préfet du Pas de Calais se défoule également et lance après avis favorable évidemment de la CDCFS, une consultation du public, sur la « régulation » du blaireau. Les prélèvements en période de chasse et en période complémentaire sont insuffisants « au vu des dégâts sur les cultures de maïs , des problèmes de sécurité publique engendré par l’effondrement des galeries dans les champs ». Au menu contre ce dangereux petit mammifère des battues administratives de tir de nuit sur 12 cantons du département, à raison de 50 blaireaux par tir de nuit jusqu’au 24 avril 2014, donc pendant la période de reproduction et de mise bas des animaux.
Sur quoi et sur qui … s’appuie le préfet pour prendre son arrêté chasse ?
Avant de prendre son arrêté le préfet doit obligatoirement recueillir l’avis de la CDCFS (commission départementale de la chasse et de la faune sauvage). Comme son titre l’indique cette C° donne au préfet de la Nièvre un avis sur toutes les questions relatives à la « gestion » de la faune sauvage et à la protection.. de ses habitats. Où ça devient intéressant c’est lorsqu’on se penche sur la composition de ce « machin » qui comprend 25 membres ainsi répartis :
3 représentants de l’Etat, 2 représentants des forestiers, 2 des piégeurs + 1 représentant des lieutenants de louveterie, 9 représentants des chasseurs + un de l’ONFS (une partie des revenus de cet organisme repose sur les activités cynégétiques en forêt domaniale), 3 représentants d’agriculteurs ( beaucoup d’agriculteurs sont aussi chasseurs…) 2 représentants d’association de protection de l’environnement, 2 scientifiques. Une majorité des membres de cette Commission sont donc favorables aux chasseurs…. Le préfet est donc très bien conseillé pour reconduire d’année en année sans se poser trop de questions, des autorisations non justifiées, comme celle relative à notre malheureux blaireau ;
voir sur le site de la SOBA une motion pour la suppression de cette CDCFS –http://soba.naturenievre.free.fr
Pour le blaireau c’est donc la totale, chassé, piégé et objet de battues, opérations d’élimination systématique une invite légale aux chasseurs à se défouler et à tuer en masse. Des concours et des championnats sont organisés !
Le blaireau n’est pas une espèce envahissante, sa population ne peut croître naturellement que de 10% en 10 ans. Il est déjà en butte à des difficultés. Ses habitats disponibles s’amenuisent (arrachage des haies, arasement des talus, drainage des prairies humides, enrésinement des fonds de vallées…). Il paie un lourd tribu à la route (expansion des infrastructures, intensification du trafic…2000 tués/an).
Il serait temps que la France mette fin à ce scandale, sacrifier une espèce pour le bon plaisir d’une poignée de concitoyens ( 80 000 sur 60 millions…) qui présentent cette chasse comme « une tradition ancestrale à visées prophylactiques….Le blaireau fait partie intégrante de notre patrimoine naturel, il doit être protégé.
J. Thévenot
Pour aller plus loin : www.meles.fr
http://www.dinosoria.com/blaireau.html
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