Pêche en eau profonde, votée par le Parlement européen
Pêche en eau profonde : le Parlement Européen vote en faveur de cette technique destructrice
Les pêcheurs et en particulier les français et les espagnols vont pouvoir continuer le chalutage en eau profonde dans l’Atlantique Nord malgré la controverse des scientifiques et des associations environnementales. La décision a été adoptée mardi 10 décembre à une courte majorité au Parlement de Strasbourg (342 voix contre l’interdiction et 326 pour, 19 abstentions). Michel Barnier, Commissaire européen au marché Intérieur, a fait pression sur la commission européenne : une dizaine de bateaux et 500 emplois auraient été concernés par l’interdiction. La protection de cette dizaine de navires l’a emporté contre l’intérêt général.
La porte-parole de Bloom, Claire Nouvian, s’inquiète : « Cette décision veut surtout dire que l’on va continuer à détruire des espèces menacées ». Les pêches profondes réalisées à l’aide de chaluts entrant en contact avec le fond sont très consommatrices de gasoil, déficitaires et subventionnées par les contribuables, Claire Nouvian continue : « il s’agit d’une aberration écologique, économique et sociale qui impacte lourdement les écosystèmes marins ainsi que les finances publiques »… « Pour une poignée d’espèces convoitées (sabre noir, grenadier, lingue bleue notamment), des dizaines d’autres sont rejetées à la mer » et le Directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le Développement (IRD), Philippe Cury souligne que : « le taux de rejet d’espèces vulnérables varie de 20% à 80% de la pêche, le chalutage en eaux profonds est une machine à détruire ».
Le Conseil International pour l ‘Exploration de la Mer (Ciem) a donné les conclusions de ses études : en Atlantique Nord, sur 54 stocks (un stock est une espèce dans une zone déterminée), 21 sont d’ores et déjà épuisés, on ne connaît pas la situation pour une trentaine d’autres et 3 seulement sont jugés en bon état.
La France a présenté la sauvegarde d’emplois pour peser sur cette décision, à tort puisque cette pratique ne génère que peu d’emplois en comparaison avec la pêche à la palangre (lignes dérivantes où sont fixés des hameçons), moins destructrice et qui suppose de la main-d’œuvre à bord. Cette pêche résiduelle, qui consiste à tracter un filet gigantesque sur les fonds marins avec plaques d’acier, câbles, a un impact écologique disproportionné par rapport à son importance socio-économique.
Les pétitions des associations de protection environnementale ont touché les consommateurs et par ricochet certains industriels de l’agroalimentaire : Findus a été l’un des premiers à retirer de ses gammes de produits les poissons des grands fonds, c’est maintenant aux groupes Carrefour et Casino d’annoncer qu’ils allaient à leur tour bannir ce type de poissons en 2014.
Mais la majorité des captures profondes françaises est réalisée par la flotte du groupe Intermarché, sa filiale la Scapêche est basée à Lorient, elle contrôle six navires dans cette activité. Montrée du doigt, dénoncée, cette société Intermarché semble craindre un consensus des consommateurs ; jusqu’au vote du Parlement Européen, elle faisait encore la promotion de la pêche en eaux profondes, mais devant le revirement de ses concurrents de l’agroalimentaire, Intermarché changerait son fusil d’épaule, enfin c’est ce qu’elle annonce dans un communiqué du 11 décembre 2013 : « dans l’attente d’avis scientifiques indiscutables et partagés par toutes les parties prenantes, y compris les ONG, nous nous engageons à tout mettre en œuvre pour ne pas cibler systématiquement les espèces de grands fonds. Celles-ci pourront cependant figurer parmi les prises accessoires, mais elles ne seront pas ciblées… » La Scapêche se donne 5 ans pour faire évoluer ses pratiques, c’est long mais c’est un début afin de réorienter cette pratique vers une pêche réellement durable.
Pour quelques tonnes de protéines, on en détruit des milliers, dans peu de temps on aura décimé cette ressource. Les espèces qui vivent à des profondeurs supérieures à 400 mètres sont particulièrement vulnérables, du fait de leur lent développement, de leur maturité tardive (30 ans) et de leur faible indice de fertilité.
Nous consommateurs pouvons influer concrètement en supprimant ces produits* de notre alimentation, le succès de la bande dessinée et pédagogique de Pénélope Bagieu qui a fait le tour du Net, a stimulé visiblement les ardeurs du public.
Danièle AUCLIN
14 décembre, dernière minute, message de Bloom : le vote du 10 décembre a été perdu pour les défenseurs de l’interdiction, mais la liste de vote était confuse car il fallait en réalité d’abord rejeter le premier amendement de façon à pouvoir voter l’interdiction du chalutage profond ; si ce premier amendement était adopté, il faisait tomber les amendements suivants et empêchait même de se prononcer sur l’interdiction. De nombreux députés se sont trompés et ont adopté l’amendement au lieu de le rejeter. Parmi eux figuraient des défenseurs connus de l’interdiction, dès qu’ils se sont rendu compte de leur erreur, ils ont fait rectifier leur vote.
Résultat : l’interdiction a été votée par 343 contre 330. Cette victoire ne sera pas prise en compte légalement mais elle restera dans les archives du Parlement.
La France pourrait et doit réparer les dégâts qu’elle a occasionnés, continuons à partager la pétition de Bloom : http:/www.bloomassociation.org/nous-soutenir/.
* Espèces de poissons, habitant les grands fonds, en danger ou bientôt éteintes : Empereur, Sabre, Grenadier, Brosme, Hoplostète, Lingue bleue, Lingue Franche (julienne), Béryx, Baudroies, Flétan, Dorade Sébaste.
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