Néonicotinoïdes "tueurs" d'abeilles le retour!
Néonicotinoïdes, « tueurs » d’abeilles le retour !
Les virus tiennent décidément le haut de l’affiche… Deux d’entre eux (le Beet Chlorosis Virus et le Beet Mild Yellowing Virus), provoquent chez la betterave sucrière un jaunissement des feuilles. Et ces virus sont transmis par un puceron d’autant plus en forme que les hivers sont doux...ils sont alors nombreux et précoces et arrivent donc avant leurs ravageurs (coccinelles, carabes, syrphes). Ce qui s’est passé en 2020. Selon les betteraviers au nombre de 25000, leur filière (46000 emplois, 440000ha, 21 usines sucrières, ler producteur européen.. 1 milliard -la moitié de la production- à l’export) est en danger de s’effondrer. La planche de salut : obtenir le droit d’utiliser à nouveau les insecticides néonicotinoïdes dans l’enrobage des semences (la pulvérisation reste interdite).
A nouveau car ces produits ultra puissants ont été interdits par la loi biodiversité de 2016 (entrée en application en 2018 ) après le constat de leur responsabilité notamment dans le phénomène de l’effondrement des colonies d’abeilles que ces produits ne tuent pas directement mais qui les désorientent et les rendent incapables de retrouver leurs ruches, mais pas que….
Pour la petite Histoire c’est Barbara Pompili, alors secrétaire d’Etat chargée de la biodiversité qui avait fait voter leur interdiction….voici quels que uns de ses propos tenus devant les députés d’alors:
: « Les études scientifiques s’empilent. Aujourd’hui, (…) on peut raconter ce qu’on veut, les néonicotinoïdes sont extrêmement dangereux, ils sont dangereux pour les abeilles, mais bien au-delà des abeilles, ils sont dangereux pour notre santé, ils sont dangereux pour notre environnement, ils contaminent les cours d’eau, ils contaminent la flore, y compris la flore sauvage. Ils restent dans les sols très longtemps. (…) Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas ».
Ou encore : « les néonicotinoïdes sont des substances trop efficaces et trop persistantes pour que leur usage puisse être contrôlé »….
Aujourd’hui ministre de la transition écologique, elle s’est rangée derrière le ministre de l’agriculture qui a répondu favorablement et avec vélocité au S.O.S des betteraviers réclamant une dérogation à la législation en vigueur. L’assemblée nationale a adopté le 6 octobre le projet de loi permettant la réintroduction temporaire –pour trois années- des néonicotinoïdes pour la culture de la betterave.
En fait la question se pose déjà de savoir si cette dérogation ne bénéficiera bien qu’aux betteraviers, le mot betterave ne figurant pas dans le texte de loi ; argument du gouvernement cela pourrait être interprété comme une rupture d’égalité devant la loi.. Mais rassurons-nous le ministre a affirmé que le mot figurera bien dans les arrêtés de dérogation.
Le vote 313 voix pour, 158 contre, 56 abstentions reflète la contestation qu’a soulevée cette loi, pas seulement chez les écologistes !
Les 2 députés de la Nièvre Patrice Perrot et Perrine Goulet ont voté pour. Demandons- leur de modifier leur position et de voter contre la réautorisation lors du deuxième vote à l’assemblée nationale qui interviendra après le passage devant le Sénat. Site où vous trouverez leurs coordonnées :
https://www.voxpublic.org/spip.php?page=annuaire&cat=deputes
En leur rappelant que ces insecticides sont les plus toxiques utilisés en agriculture, même à dose infime, pour la flore et la faune notamment pour les pollinisateurs.
Cette décision du gouvernement a fait l’objet d’une multitude d’articles sur internet et a trouvé aussi un large écho sur les chaînes TV auxquels nous renvoyons. Voir notamment :
https://wecf-france.org/wp-content/uploads/2020/09/LETTRE-NEONICOTINOIDE-DEPUTES-VF.pdf « 10 raisons de ne pas accorder de dérogation à l'interdiction des néonicotinoïdes » qui dénoncent les contre-vérités du gouvernement pour justifier sa décision empruntées au lobby betteravier qui n’a pas fait dans la dentelle pour dramatiser l’enjeu en prévoyant notamment une baisse de rendements très élevée, jusqu’à 50 % des récoltes…..et en affirmant qu’il n’y a pas de solutions alternatives.
Ce qui est faux. Des alternatives techniques non chimiques existent mais il faudrait évidemment que les agriculteurs changent enfin leurs pratiques agronomiques et rapidement puisque si on se réfère à la loi, la dérogation décidée aujourd’hui ne saurait se prolonger au-delà de 2023. Ce recul du gouvernement ne fait que freiner la recherche sur les variétés résistantes et la mise en œuvre du bio-contrôle. Il satisfait en revanche pleinement les agriculteurs : les néonicotinoïdes sont des produits systémiques, ils assurent une protection totale de la plante, ils agissent à faible dose, ils remplacent plusieurs traitements (devenus inefficaces du fait de la résistance développée par le puceron…) et réduisent le temps de travail.
Mais seuls 20% du produit hautement persistant pénètrent la plante tout le reste va dans le sol et contamine les parcelles à l’entour, et les prochaines cultures, les eaux et de là des plantes à des kilomètres de distance. On trouve des traces de ces produits dans 80% des cultures qui n’ont pas été traitées. On assiste donc à une contamination généralisée qui participe à l’effondrement de la biodiversité en général (des invertébrés aux espèces les plus grosses dont les mammifères….) ce qui pose la question de la pérennité des écosystèmes et de tous les services qu’ils nous rendent.
Cette décision nous renvoie loin du principe de non régression du droit de l’environnement inscrit dans la loi pour la reconquête de la biodiversité ( (n°2016-1087 du 8 août 2016). Ainsi que sur le principe de prévention inscrit dans la Directive européenne (n°128/2009) du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable. Ce qui implique ici de prendre des mesures en amont pour réduire le risque de la prolifération des pucerons, un emploi limité des produits phytosanitaires au strict nécessaire et en dernier recours pour maintenir sa présence en dessous du seuil qui provoque des pertes économiquement non supportables. Ce qui suppose une surveillance, une évaluation du risque chaque année et dans chaque région avant de décider tout traitement..
Or ce que visent les betteraviers c’est l’éradication du puceron en utilisant des insecticides non sélectifs, les plus puissants, qui nuisent aux organismes utiles et de plus de façon préventive, sans même savoir si l’an prochain les betteraves seront attaquées de la même façon par les pucerons puisque tout dépend de la rigueur de l’hiver!. Cet usage préventif non proportionnel à la pression exercée par les pucerons non seulement aura un impact inutile sur l’environnement mais augmentera le risque de créer une résistance des pucerons à ces insecticides
Voilà en outre une loi qui doit s’appliquer en 2021 -22-23 qui est prise pour répondre à une situation de 2020 pour laquelle les dommages ne sont pas encore connus ( Semis au début du printemps, récolte octobre novembre…).
Qui peut croire quand on voit ces plaines betteravières qui s’étendent sur des dizaines d’hectares que la profession est prête à passer à l’agro-écologie solution pourtant dans un premier temps bien plus rapide à mettre en œuvre que le développement de variétés résistantes aux virus. Et qui commence par donner une large place aux milieux favorables aux prédateurs des pucerons, carabes, coccinelles, syrphes telles des bandes enherbées, des haies, des mares, des arbres, des plantes annuelles en bordure de champs. Ensuite déjà diminuer les parcelles car en raison de leur étendue leur centre est inaccessible aux prédateurs des pucerons., et faire voisiner diverses cultures au sein d’un même territoire pour empêcher le développement de ravageurs spécifiques à une plante…...
Cette filière n’a pas avancé, la recherche a été freinée par la solution des néonicotinoïdes immédiatement adoptée par le secteur agricole et l’Etat l’a peu soutenue.
Le gouvernement explique qu’il s’appuie sur le règlement européen sur les phytosanitaires qui prévoit des dérogations mais que la loi ne revient pas sur l’interdiction en vigueur depuis 2018….
Sous prétexte que les champs de betteraves ont été en 2020 (année assez exceptionnelle sur le plan climatique) envahis de pucerons le gouvernement en rouvrant la porte à ces produits place au second plan une problématique autrement plus importante qu’est la qualité de notre environnement, la santé publique et l’état de la biodiversité.
Il met par ailleurs de côté les autres défis auxquels le secteur betteravier doit faire face : comme la suppression des quotas européens, la fin des limites d’exportation hors UE, un marché devenu mondial et une période de surproduction internationale qui a entraîné une forte chute des prix. Si la filière est en danger ce n’est pas seulement à cause du puceron !!….
La filière annonce aujourd’hui un plan de transformation…..Un gouvernement responsable et respectueux de la directive européenne sur le principe de prévention en matière de traitement aux pesticides, aurait choisi de l’aider dans cette voie plutôt qu’autoriser à nouveau des néonicotinoïdes, et pour l’immédiat lui apporter une aide financière pour compenser la pertes économiques liée à la mauvaise récolte 2020.
Je vous renvoie à un article (sur le site de pollinis) très intéressant sur une expérience lancée en Italie par l’agronome Lorenzo Furlan : « l’assurance récolte » qui selon lui serait tout à fait adaptée à la situation des betteraviers français.
J. Thévenot
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