LVNAC - Protection des zones humides
Protection des zones humides : difficile de s'y retrouver …
Dans l'article précédent nous avons rappelé tout l'intérêt des zones humides (eau : fonctionnalité écologique, biodiversité, activités économiques ...). Elles font l'objet d'une réglementation destinée à les préserver mais sa mise en oeuvre sur le terrain n'est pas aisée en raison notamment de sa complexité : elle découle du droit interne (français), du droit communautaire, du droit international (RAMSAR notamment). S'ajoute évidemment le poids de cette protection face à d'importants intérêts économiques (urbanisation,, transports, tourisme, agriculture..).
Dans l'article «victoire de Loire Vivante Estuaire» nous rappelions la lutte de 20 années contre une extension portuaire en pleine zone humide. Autre projet destructeur l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes prévu sur plus de 1.650 ha de terres agricoles et zones humides. Mais au-delà de ces grands projets il y a les destructions courantes de petites zones humides communes, sans protection particulière, tout aussi importantes : actions spontanées (hors toute autorisation) d'agriculteurs : suppression de mares, drainage, ... et le comble, des destructions sur autorisation d'élus et du préfet !.
Les deux recours de Loire Vivante pendants devant le tribunal administratif de Dijon mettent en cause un permis d'aménager sur une zone inondable et une zone humide (*) délivré par le maire de Decize (parking Leclerc) et une autorisation préfectorale de créer un étang entraînant la destruction d'une zone humide.
Le problème de la définition et de la délimitation des zones humides :
Nous avons vu que les zones humides recouvrent des milieux très divers. Pour les identifier il faut les définir (à partir de critères et ensuite autre problème les délimiter. Ces deux données sont indispensables pour l'application de la police de l'eau.
On trouve la première définition dans la Convention de Ramsar de 1971 (signée par la France en 1986 ... cf article précédent) : «étendues de marais, de fagnes, de tourbières ou d'eaux naturelles ou artificielles, permanentes ou temporaires, où l'eau est stagnante ou courante, douce, saumâtre ou salée , y compris des étendues d'eaux marines dont la profondeur n'excède pas 6 mètres».
A l'origine la convention visait la préservation des habitats des oiseaux d'eau, aujourd'hui sa compétence s'étend à la protection de tous les aspects de la biodiversité (espèces rares ou en danger) et prend en compte aussi le rôle des zones humides dans le maintien d'activités économiques durables.
La loi eau du 3 janvier 1992 (codifiée à l'article L.211-1-1 du code environnement) donne la définition suivante : « terrains exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre, de façon permanente ou temporaire; la végétation, quand elle existe y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année». Cette définition imprécise faute de critères a conduit à de nombreux contentieux devant le juge administratif . Ce texte sera complété par la loi eau du 30 décembre 2006.
Suivront la loi relative au développement des territoires ruraux du 23 février 2005 qui précise à nouveau les critères de la définition des zones humides, un arrêté du 30 janvier 2007 du ministre de l'écologie, un arrêté interministériel (écologie et agriculture) du 24 juin 2008 qui sera modifié par un autre arrêté interministériel du 1er octobre 2009 sans parler évidemment des circulaires explicatives qui accompagnent ces textes ....
Cette fastidieuse énumération pour mettre en exergue les difficultés à poser des règles de classement des zones humides qui ne soient pas contester par la profession agricole ... et qui répondent à la nécessité de leur préservation contre des travaux type drainage, assèchement, remblaiement ...
L'arrêté du 24 juin 2008 retient pour la définition des zones humides la morphologie des sols et la présence éventuelle de plantes hygrophiles (figure en annexe la liste des types de sols ainsi que celles des plantes caractéristiques). Ce texte fixe également les règles de délimitation : le périmètre doit être au plus près des espaces répondant à ces critères.
Le critère morphologie des sols retenu est contestés par les agriculteurs qui craignent qu'il entraîne dans certains départements le classement d'une grande partie des surfaces en zones humides. Par ailleurs il nécessite des compétences très pointues. Ils demandent d'autre part qu'une distinction soit faite entre drainage et assèchement. Il va donc être à nouveau revisiter par le groupe de travail «Grenelle» sur les zones humides. A suivre …
Triton
Les moyens de protection des zones humides :
► Droit interne :
Les zones humides sont donc protégées par une réglementation nationale spécifique rappelée au paragraphe précédent qui conduit , au titre de la loi eau à soumettre certaines opérations ouvrages, travaux, activités s'exerçant dans ces zones au régime de déclaration ou autorisation (enquête publique) articles L.214-1 ... R.214-1 .. du code de l'environnement.
Mais les zones humides bénéficient aussi de protection au titre d'autres régimes juridiques que nous allons rapidement passer en revue :
- arrêté de biotope pris par le préfet (après enquête publique) pour protéger telle espèce animale ou végétale dans les mares, marécages, marais peu exploités
- zones humides classées en réserves naturelles (nationales ou régionales)
- zones humides incluses dans des réserves nationales de chasse, forestières, ou à l'intérieur de parcs nationaux ou régionaux
- ZNIEFF de type 1 (surface restreinte d'un intérêt biologiques remarquable) type 2 (grands ensembles naturels d'une grande richesse écologiques) constituent pour partie des zones humides (tourbières du Morvan, étang de Marvy -oiseaux nicheurs ou hivernants-, domaine de la Beue ...).
Rappelons que les ZIEFF sont des inventaires scientifiques qui ne sont pas opposables c'est à dire qu'elles n'ont pas de portée réglementaire directe. Mais les documents d'urbanisme (PLU … ) doivent en tenir compte et évaluer les incidences de leurs projets d'aménagement au regard de leur préservation à défaut ils sont passibles de recours en annulation devant le tribunal administratif.
- Espaces naturels sensibles : les départements ont la possibilité de mettre en oeuvre une politique de protection, de gestion et d'ouverture au public de ces milieux (le Conseil Général oeuvre en ce sens depuis 1991), beaucoup d'entre eux sont des zones humides:domaine des Grands Prés (St Agnan), étang de Baye et Vaux ... (.cf le site www.cg58.fr).
- Un réseau écologique national doit être mis en place la «trame verte-trame bleue» cette dernière étant constituée des cours d'eau et de leurs zones humides. C'est la mesure phare du Grenelle qui vise à enrayer la perte de la biodiversité. Elle devrait être aussi un outil majeur de restauration écologique des milieux aquatiques qui nous est imposée par la directive cadre eau (bon état écologique d'ici 2015 ...).
►Droit communautaire : le programme Natura 2000
Ce programme qui vise à protéger la biodiversité sur le territoire de l'Union Européenne vise explicitement certaines zones humides soit au titre des «habitats» à préserver, soit au titre des «espèces d'intérêt communautaire» remarquables et en danger.
Citons dans notre département, comme habitats les tourbières (Morvan), prairies humides, marécageuses, paratourbeuses (vallée de la Cure), les étangs (du Bazois), Bocages, forêts milieux humides (Amognes bassin de la Machine, vallée de la Loire, val d'Allier bourbonnais ...
Comme espèces : écrevisse (la Cure), sonneur à ventre jaune, chauve-souris (Amognes), un grand nombre d'oiseaux (le site de protection au titre de la directive «oiseaux» recouvre la vallée de Loire entre Mornay/Allier et Neuvy/Loire, vallée de Loire entre Decize et Iguerande): guêpiers, râle des genêts, outarde, vanneau huppé, sterne pierregarin ... Liste complète des habitats et des espèces sur le site www.natura2000.environnement.gouv.fr
Rappelons que les mesures de gestion et conservation d'un site Natura 2000 définies dans le document d'objectifs reposent sur des contrats assortis d'aides financières conclus volontairement par les acteurs du site (agriculteurs, forestiers, chasseurs, pêcheurs, communes ...). Pour les activités soumises à autorisation, le pétitionnaire doit présenté une étude spécifique analysant les incidences du projet sur les habitats naturels et les espèces qui ont conduit au classement du site en Natura.
Quel avenir pour les zones humides ?
En 1995 était mis en place un plan d'action gouvernemental pour la protection des zones humides suivi d'un second en 2000 avec les résultats que l'on connaît.
Un groupe de travail vient d'être créé pour la mise en oeuvre des engagements des lois Grenelle. Il doit faire le bilan du plan de 1995 et proposer une stratégie nationale à 3 ans pour une préservation et une gestion adaptée des zones humides. On a vu que son premier travail sera de modifier les critères des sols hydromorphes de l'arrêté du 24 juin 2008 jugés trop larges par la profession agricole ...
Le prochain plan ne sera pas plus efficace que les précédents s'il n'est pas articulé avec les politiques liées à la qualité de l'eau et à la biodiversité domaines dans lesquelles les zones humides jouent un rôle essentiel. La réussite de ce plan dépendra également des mesures concernant l'agriculture, enjeu majeur pour la sauvegarde de ces zones : actuellement il n'existe pas d'aide dédiée aux zones humides (telle par exemple les aides pour les prairies de montagne) qui permettrait une gestion pérenne de ces zones. A ce jour rien ne permet d'être vraiment optimiste quant à la relance d'une politique publique visant les zones humides véritablement efficace ....
► zone inondable : terme relatif aux risques d'inondation (zone d'expansion des crues). Toutes les zones inondables sont des zones humides, mais toutes les zones humides ne sont pas des zones inondables.
J. Thévenot
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