Nature et Environnement en Nièvre

Nature et Environnement en Nièvre

LVNAC-Les irrigants veulent de l'eau à tout prix

Sécheresse, les irrigants veulent de l'eau à tout prix



L'épisode de sécheresse ( déjà qualifiée d'historique...) qui frappe la France aura donné l'occasion à la FNSEA, (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles) puissant lobby de l'agriculture productiviste, de reprendre son antienne sur les retenues de substitution, visant à stocker l'eau l'hiver pour la retrouver ultérieurement et permettre ainsi aux irrigants d'échapper aux restrictions des arrêtés sécheresse. En clair il s'agit de sécuriser les prélèvements existants et au-delà de développer l'irrigation. La FNSEA a la cote auprès du Président de la République. Après l'avoir rassurée au salon de l'agriculture avec un tonitruant « l'environnement ça commence à bien faire »  à quelques encablures de la loi Grenelle (qui prévoit la diminution de 50% de l'utilisation des pesticides d'ici 2018..) le chef de l'Etat vient de répondre favorablement à sa demande de création massive de ces retenues...avec l'annonce d'un plan à 5 ans, d'une loi qui permettrait aux chambres d'agriculture d'en être les maîtres d'ouvrages et cerise sur le gâteau de l'examen « des conditions juridiques dans lesquelles les retenues mises en service ne pourraient plus faire l'objet de recours ».Il s'agit donc de faciliter la réalisation de ces retenues. Ces ouvrages sont soumis à la procédure loi eau et doivent respecter ses exigences. Si on comprend bien ce qui se profile les chambres d'agriculture pourraient se charger du dossier de demande , étude d'incidence, étude économique, études hydrauliques et topographiques, évaluation des surfaces et volumes mobilisés etc.... en toute impartialité évidemment. .Si on ajoute à cela la bienveillance possible de l'administration instructrice du dossier et celle certaine des préfets...on peut déjà légitimement avoir quelques inquiétudes sur les autorisations futures. J'ajoute que la demande de la FNSEA est bien relayée dans nos départements et a été exprimée , une fois de plus lors du comité sécheresse de la Nièvre du 9 mai en précisant qu'elles (ces retenues) devaient être financées par l' Agence de l'eau, autrement dit par nous tous, sur notre facture d'eau qui supporte déjà dans certaines communes le coût salé des traitements pour cause de pollutions par les pesticides!.

Ces retenues réclamées à cor et à cri par les irrigants font débat:

- Inéquité dans l'accès à l'eau, bien commun de la nation qui est accaparée par quelques agriculteurs.

- Coup faramineux pour la société puisque ces ouvrages bénéficient de financement public, agences de l'eau, région, département, Etat... FNE l'a estimé à 5 euros/m3. La FNSEA ayant évalué la quantité nécessaire de stockage à 400 millions de m3 supplémentaires, cela représenterait une dépense de 2 milliards. Au seul profit d'une minorité d'exploitants, qui reçoivent déjà pour leurs cultures irriguées des subventions supérieures à celles des cultures sèches!.

- Des impacts écologiques évidents: ces retenues ne créent pas de l'eau, elle l'a concentre en un point. Si c'est un cours d'eau qui alimente le réservoir, son débit est diminué en aval de l'ouvrage, de même la capacité de sa nappe phréatique ( d'accompagnement). Sans compter le réchauffement et la forte évaporation de cette retenue d'eau dormante, le développement des algues, et autre forme de pollution (concentration de nitrates, pesticides), les problèmes que posent les vidanges.

Une retenue réalisée « en parallèle » ne posera pas de problème si l'eau stockée provient uniquement de l'eau excédentaire des périodes de fortes eaux et crue mais il en sera tout autrement si le prélèvement est fait pendant les période d'étiage du cours d'eau.

Enfin les retenues en fonds de vallée posent le problème de l'atteinte à des zones humides, riches en biodiversité, zones de reproduction, de refuge pour les espèces et jouant un rôle fondamental dans le cycle de l'eau (cf nos articles précédents).

Ces retenues peuvent être alimentées par un prélèvement dans les eaux souterraines, tout aussi problématique.

- Ces aménagements conduisent en augmentant l'offre à augmenter la demande en eau C'est ce qui s'est vérifié en Adour Garonne, le développement de barrages- réservoirs ( la capacité de stockage a été multiplié par 6 en 25 ans) a conduit au développement des cultures de maïs irrigué.

- Ils pérennisent une agriculture intensive inadaptée à la sécheresse.


On ne dira jamais assez que les sécheresses sont des phénomènes naturels. Les problèmes qu'elles posent dans nos sociétés « modernes » est un révélateur du gaspillage d'eau qui perdure dans tous les secteurs d'activité en général (en dépit des progrès en matière d'économie) et dans le secteur agricole en particulier avec notamment une culture de maïs sans aucun intérêt alimentaire ni nutritionnel, dont l'irrigation a pour seul but d'augmenter les rendements(2000m3/ha-).

Il est donc scandaleux que le gouvernement pour des raisons manifestement électoralistes n'ait comme réponse à la pénurie d'eau due aux effets conjugués de la sécheresse et d'un type d'agriculture inadapté à cet aléa climatique que la solution du stockage de l'eau qui revient à favoriser le développement de l'irrigation dans les zones déjà déficitaires en eau ou vulnérables à la sécheresse!.


C'est évidemment la démarche inverse qui doit être entreprise, aider l'agriculture à s'adapter aux disponibilités en eau et non privilégier les rendements. Ce qui implique de définir une politique d'économie d'eau pour ajuster la demande à l'offre et une gestion écologique des réserves naturelles et dans ce domaine l'agriculture a un rôle important à jouer.

Diminuer les consommation d'eau au moyen de mesures réglementaires et économiques

- Ne pas favoriser l'irrigation, en jouant sur les aides de la PAC;on peut espérer que la PAC 2013 donne plus de place aux considérations environnementales (pilier 2 voir les articles du CNAD) et donc moins aux quantités produites, ce qui pourrait changer la donne pour les subventions des cultures irriguées au bénéfice des modifications de pratiques agricoles vers les économies d'eau, de l'agriculture de montagne et de l'élevage.

- Un second facteur pourrait être l'évolution du prix de l'eau, la tarification pratiquée par les agences de l'eau est jugée insuffisante. Une eau plus chère (en fonction de la rareté de la ressource) pour les agriculteurs les inciteraient à modifier leur modèle de production.

- Enfin les arrêtés préfectoraux dits « arrêtés sécheresse » ne peuvent pas être considérés comme satisfaisants dans le cadre d'une politique d'économie puisqu'ils gèrent des situations de crise, et règle à la petite semaine les conflits d'usage résultant des déséquilibres entre demande et disponibilités du milieu. On n'est pas là dans le cadre d'une recherche de solution durables au problème d'équilibre entre offre et demande


Grâce à d'autres pratiques culturales:

Qui n'a pas été choqué par les rampes d'arrosage ou les canons asperseurs (une giclée équivaut au contenu d'une baignoire) en action en plein soleil alors que les techniques modernes permettent de réaliser une micro-irrigation au goutte à goutte à la racine des plantes, ou par micro-jet.

A ce gaspillage d'eau s'ajoutent des pratiques à l'origine d'importantes pertes d'eau dans les sols agricoles: sols laissés nus après la récolte, remembrement destructeur du bocage, excès d'engrais de synthèse et de biocides avec destruction de la micro-faune, des lombrics, des bactéries donc mauvaise formation d'humus, drainages par tuyaux enterrés qui accélèrent l'évacuation de l'eau, prairies mono-spécifiques, recalibrage des cours d'eau..Le maintien de l'humidité des sols implique des méthodes inverses, protection des cultures par des haies, couverture des sols, drainage par fossés et rigoles, engrais organiques, engrais verts, mulching, entretien des cours d'eau sans creuser leur lit et maintien de la végétation des berges (ripisylve), prairies diversifiées (espèces vivaces, bisanuelles, légumineuses au lieu du seul ray-grass) etc...

Enfin dans l'hypothèse de sécheresse récurrentes, le maïs culture la plus consommatrice d'eau du fait de sa sensibilité au stress hydrique devrait conduire les exploitants à choisir d'autres cultures plus tolérantes à la sécheresse, sorgho, tournesol, ou dont le cycle cultural se déroule en automne et en hiver comme le blé d'hiver, le colza. La luzerne peut -être une alternative au maïs d'ensilage.


La construction de retenues d'eau est une mauvaise réponse à la question plus que jamais d'actualité de la ressource en eau, qu'il s'agisse de sa répartition équitable ou de la préservation de sa qualité.

C'est une mauvaise réponse à la nécessité de préparer l'agriculture à des sécheresses qui avec le changement climatique risquent d'être récurrentes.

Enfin en terme de rentabilité économique, cette orientation est inacceptable, elle ne peut être mise en oeuvre qu'à coup de subventions, la production de maïs étant incapable de rentabiliser de tels investissements. Et rappelons qu'elle ne bénéficierait qu'aux irrigants soit 10% des agriculteurs !

Une fois de plus le gouvernement s'emploie à soutenir une agriculture monoculturale industrielle et intensive qui a déjà largement montré ses limites et qui à terme est condamnée. France Nature Environnement réclame un débat public sur ce plan de stockage d'eau en ce « qu'il engage la politique agricole et environnementale de la France pour les 50 ans à venir » et que les français ont leur mot à dire « c'est leur argent, leur alimentation, leur environnement «  qui sont en cause.


J. Thévenot



Charente, des rivières massacrées.  En 2010, la moitié de la longueur des rivières se sont trouvées asséchées (Source "Lettre eau n° 55/FNE).  Face au lobby des irrigants, l'Etat se révèle incapable de faire respecter la loi eau qui impose d'ajuster les prélèvements à la ressource disponible.







22/06/2011
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