Nature et Environnement en Nièvre

Nature et Environnement en Nièvre

La plantation d'arbres va t-elle sauver le climat?

La plantation d’arbres va-t-elle sauver le climat ?

 

Grâce à la photosynthèse un arbre a la capacité d’absorber le CO2 de l’atmosphère qu’il transforme en oxygène rejeté dans l’atmosphère et en carbone qui sert à créer  la matière organique nécessaire à sa croissance.  De là l’idée qu’il suffirait de truffer la planète de milliards d’arbres, pour réduire la concentration dans l’atmosphère  du CO2 l’un des principaux gaz responsables du réchauffement climatique.  Une solution présentée comme simple, efficace et peu coûteuse voire « la solution » pour sauver le climat.

Une idée qui a fait la une des médias du monde entier après la sortie en 2019 dans la revue SCIENCE  d’une étude émanant  de chercheurs de l’université ETH de Zurich, selon laquelle il y aurait assez d’espace sur terre pour planter 900 millions d‘ha supplémentaires d’arbres.  Cela permettrait d’absorber les 2/3  des 300 gigatonnes de carbone  émis dans l’atmosphère depuis le début de l’ère industrielle.

 

De fait  planter des arbres « pour sauver le climat » est la grande mode du moment.

Les Etats s’engouffrent dans cette voie pour remplacer les forêts qui disparaissent….

L’Europe dans le cadre de son Plan Vert et de sa stratégie pour la biodiversité entend planter 3 milliards d’arbres supplémentaires d’ici 2030. Le but augmenter la superficie des forêts, accroître leur résilience et leur rôle contre la perte de la biodiversité, atténuer le changement climatique et lutter contre les sècheresses.

En 2017 l’Inde annonçait avoir planté 66 millions d’arbres en douze heures battant son record de l’année précédente (action de bénévoles)

Record battu en 2019 par l’Ethiopie avec 350 millions d’arbres en douze heures, le but est d’atteindre 4 milliards.

La Chine mobilise son armée pour planter des millions d’arbres.

En 2020 le Forum économique mondial lançait l’initiative « mille milliards d’arbres » à laquelle D. Trump  dans son discours sur  l’état de l’Union adhérait avec enthousiasme et annonçait la participation des Etats-unis à cette opération.

 

La France a lancé en 2020 un plan de repeuplement des forêts.  Objectif : « adapter les forêts au dérèglement climatique, améliorer leur contribution à l’atténuation du changement climatique et répondre à la demande de la filière bois en plein essor » en plantant en deux ans 50 millions d’arbres financés par le Plan de Relance (150 millions). Un plan présenté par le ministre de l’agriculture du moment comme le plus grand depuis l’après –guerre (cf infra le bilan de cette opération).

Quant à notre président de la République il a annoncé dans le cadre de sa stratégie de lutte contre les feux de forêts, vouloir planter 1 milliard d’arbres  en dix ans pour compenser notamment les 62000 ha détruits cet été.

Les entreprises ne sont pas en reste, financement de projets de reforestation, plantation d’arbres à tour de bras sous couvert de compenser  leurs émissions carbone. En tête les majors du pétrole, ENI ( compagnie pétrolière italienne ENI a annoncé vouloir planter des arbres sur huit millions d’hectares en Afrique) Shell, Total…mais aussi le secteur du transport Air  France, Eurostar, des banques ( qui financent par ailleurs les industries fossiles et les entreprises de déforestation (Indonésie huile de palme…), des assureurs, des opérateurs téléphoniques tel Orange…Il va bientôt être impossible de trouver une entreprise qui n’annonce pas fièrement  un bilan carbone satisfaisant grâce à des programmes de « reforestation » et notamment parmi les acteurs les plus émetteurs!

 

Un véritable marché s’est développé autour des plantations d’arbres. Les plateformes invitant les particuliers  à les financer se multiplient: Ecotree,Ecosia, Refores’Action …

 

Pour  certaines marques la plantation d’arbres est un argument commercial.  Faguo entreprise de prêt à porter plante un arbre pour chaque produit fabriqué…dans le but de « sensibiliser sur le réchauffement climatique sans culpabiliser ses clients »…qui achètent des vêtements et baskets fabriqués en Chine ???

D’autres entreprises plantent un arbre (au moins) à chaque achat

https://fr.thegrillesd.com/articles/news/9-companies-that-plant-a-tree-with-every-purchase.html

 

Si vous voulez partir en avion la conscience tranquille rien de plus simple plantez des arbres en participant au programme Trip and Tree d’Air France…

https://www.atreeforyou.org/fr/nos-plantations-airfrance-trip-and-tree-fr/

 

 

Les dangers de cet engouement généralisé « de planter des arbres » présenté comme solution miracle dans la lutte contre les changements climatiques sont dénoncés par nombre de scientifiques et d’ ONG

-      Cette focalisation sur « la plantation d’arbres » dans un but de compensation carbone, est dangereuse. Elle laisse entendre  d’une part que ce serait un moyen de  permettre aux forêts de regagner le terrain qu’elles ont perdus et d’autre part compte tenu de leur influence sur le climat par le stockage du dioxyde de carbone contenu dans l'atmosphère, que l’on pourrait ainsi se dispenser

- de modifier nos modes de vie qui reposent sur la consommation de combustibles fossiles et de réduire dès aujourd’hui de façon drastique nos émissions de CO2, pour éviter de franchir des seuils d’emballement climatiques irréversibles  

-  d’arrêter une déforestation ( due à 80% aux pratiques agricoles)  qui représente 12% des émissions mondiales des GES. Depuis 1990 420 millions d’ha de forêt ont disparu dans le monde selon l’organisation des Nations Unies.  Entre 2010/2020  environ 4,7 millions d’ha/an soit une fois et demie la surface de la Belgique !  

- et de restaurer les écosystèmes dégradés. Biodiversité et climat sont deux crises indissociables qu’il faut aborder de front : une nature qui se porte bien capture plus de CO2.

 

Planter des arbres à tout va, à grande échelle, n’importe où, n’importe comment avec n’importe quelle espèce  non seulement ne conduit pas à recréer des forêts similaires aux forêts naturelles qui sont des écosystèmes très complexes (biodiversité, échanges multiples de matières, d’énergie entre faune, flore, sol) mais cela  peut  avoir des effets contre-productifs  sur la biodiversité et le climat.,  

-      C’est notamment le cas  de boisement sur des écosystèmes terrestres dépourvus d’arbres depuis des centaines d’années (l’afforestation) ,  alors qu’ils stockent de façon très efficace le carbone dans leurs sols   (zones humides, tourbières, prairies, savanes…).

-      L’augmentation du couvert forestier dans     les régions froides et   tempérées peut conduire à un réchauffement de la terre en raison de la modification de la quantité de lumière solaire et de son rayonnement réfléchi (l’albédo).  Plus un  sol est sombre plus il absorbe les rayons et,emmagasine de la chaleur, perd en humidité (cas des forêts de résineux).

-      Les arbres ne stockent pas de façon permanente le carbone ; lorsque les températures augmentent, ils commencent à rejeter du CO2 sous l’effet du stress hydrique.

-       La course à la « compensation carbone » conduit à planter des espèces à croissance rapide – pins, eucalyptus…qui finissent  par poser des problèmes d’assèchement des sols et de biodiversité.

-      Autre absurdité écologique les plantations monospécifiques   aux conséquences bien connues : sensibilité aux tempêtes,  aux feux, aux maladies, aux insectes ravageurs. : incendies meurtriers au Portugal où l’eucalyptus a remplacé le chêne-liège, dépérissement des épicéas dans les Vosges à cause des scolytes, incendies en forêt des Landes l’été dernier…..

-      Comme l’introduction  d’espèces exotiques au lieu de privilégier les espèces autochtones (  pin Douglas introduit  en 1842 en France originaire d’Amérique du Nord).- 

-    Enfin toute ces multiples initiatives de plantations,  souvent mercantiles, se développent sans aucune garantie de gestion durable dans le temps au niveau de leur entretien .        

 

Il n’est pas sûr que les Etats (course au record de plantation d’arbres…) et les entreprises (course à la compensation carbone et plus soucieuses de leur image « verte » que de leur impact environnemental…)) prennent en compte tous ces facteurs dans leur hyper-activisme de  boisement.

 

Inutile d’aller au bout du monde pour constater les dérives possibles du reboisement. L’association Canopée nous informe dans un rapport de mars 2022 sur « le bilan caché du plan de Relance forestier » les 50 millions d’arbres en deux ans cité plus haut.

https://www.canopee-asso.org/wp-content/uploads/2022/03/Canopee_Bilan-Plan-de-relance.pdf

En résumé : ce rapport dénonce l’illusion du chiffre de 50 millions d’arbres.  87% des projets financés par des fonds publics ont impliqué des coupes rases suivies de plantations essentiellement de monoculture de douglas y compris pour des forêts en bonne santé (à 42%) !.

Ces plantations de douglas conduisent  donc à une industrialisation de la gestion forestière ( avec son corollaire de mécanisation à outrance), aux mains de coopératives forestière dont selon Canopée « la   place devient hégémonique au sein de la filière bois ».  Les forêts traditionnelles avec une grande diversité d’essences, sont peu à peu remplacées par des forêts de production de résineux pauvres en biodiversité,  inadaptées au réchauffement climatique, très vulnérables au feu..

 

La seule plantation massive d’arbres ne nous sauvera pas des changements climatiques. Devant l’urgence de la situation on n’a plus le temps d’attendre qu’ils poussent et arrivent à maturité pour remplir leur fonction  de capture de carbone. C’est la raison pour laquelle la préservation et la restauration des écosystèmes forestiers en place  qui jouent donc déjà leur rôle est si importante.

 Surtout si en outre cela conduit pour satisfaire des besoins économiques, à faire des « forêts » de production monoculturales qu’on va couper dans 30 ans pour replanter derrière des arbres eux aussi destinés à la coupe. On n’est plus sur des écosystèmes forestiers pérennes, on est sur une plantation d’arbres.

Cette vision de voir les  forêts uniquement comme puits de carbone fait perdre de vue leurs rôles en matière de biodiversité, de conservation des sols (qui mettent des centaines d’années à se former), de purification de l’eau, de l’air, de lutte contre l’érosion, de ressources naturelles.

Et enfin planter des arbres n’empêchera pas le réchauffement climatique s’il s’agit de vouloir compenser une production accrue de gaz de serre ou prétendre restaurer des milliards d’ha de forêt alors que chaque année 15 millions disparaissent !

Dans son dernier rapport le GIEC met en garde contre la reforestation à grande échelle qui peut conduire à une compétition pour les terres, affecter la biodiversité et la production de nourriture. S’il  juge que l’élimination du CO2 dans l’atmosphère est inévitable pour contrebalancer les émissions résiduelles difficiles à réduire si l’on veut atteindre des émissions nettes nulles, il énonce d’autres solutions,  préférables : séquestration dans les sols cultivés, les prairies, restauration des tourbières et des littoraux, agroforesterie, amélioration  de la gestion des forêts….

 

 

 

                                                                             J. Thévenot

Des associations sont engagées dans la préservation et la restauration des forêts :htpps://all4trees.org

 

 

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plantation d'arbres

 

 

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forêt de feuillus

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

         

 

 



16/02/2023
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