"influenza" aviaire: nouvel épisode
« influenza » aviaire * : nouvel épisode
C’est la deuxième année consécutive que la France est confrontée à des cas d’influenza aviaire dans les élevages de canards du Sud Ouest destinés à la confection de foie gras.
On pensait en avoir fini avec cette épizootie puisque depuis l’été 2007 aucun cas n’avait été détecté (rappel le premier cas d’influenza aviaire, virus H5N1, était découvert dans l’Ain en février 2006, des dizaines de cas suivront jusqu’en 2007.
Cette souche de virus avait été diagnostiquée pour la première fois en 1997 à Hong-Kong. Elle peut se transmettre à l’homme en cas d’exposition prolongée au contact d’un oiseau infecté,
En novembre 2015, soit huit années après le dernier cas détecté en France, plusieurs cas sont déclarés dans le Sud-ouest confirmant que la souche initiale H5N1 a résisté. En février 2016 le gouvernement mettra en place dans le Sud-ouest « une stratégie d’éradication », nettoyage et désinfection des bâtiments, euthanasie des animaux contaminés ou potentiellement exposés, suspension de la production de palmipèdes domestiques (oies, canards principalement) jusqu’au repeuplement fixé à mai 2016 soit dans les temps pour assurer la production de foie gras et autres pour les fêtes de fin d’année…..
Un an après, décembre 2016 sept foyers du virus sont découverts toujours dans les élevages du Sud Ouest. On en compte à ce jour 158 ; le Gers est le plus touché, suivi par les Landes, le Tarn, le Lot et Garonne, les Htes Pyrénées, l’Aveyron et les Deux Sèvres( élevage de dindons). Mais il s’agit cette fois du virus H5N8, qui serait bien plus meurtrier pour les volatiles que le H5N1. Huit cas ont été détectés dans la faune sauvage, en Haute Savoie, dans le Tarn , l’Ain, la Manche et le Pas de Calais il s’agissait là d’un canard appelant qui sert aux chasseurs de gibier d’eau à attirer les oiseaux migrateurs, Lot et Garonne, Landes.
La totalité du territoire national a été classé en risque élevé et des mesures sensées permettre de prendre de vitesse le virus sont mises en place, elles concernent les basses-cours (donc les particuliers) et les élevages commerciaux. Il s’agit de protéger les élevages d’une contamination par la faune sauvage, confinement, pose de filets.. et d’éviter une fois la contamination avérée qu’elle ne se propage, interdiction de tout rassemblement de volailles vivantes (marchés, foires, expositions…), de transport, et euthanasie de centaines de milliers de canards….
S’agissant de la chasse : le lâcher de gibier à plume est interdit sur tout le territoire national. Mais les lâchers de galliformes (notamment faisans et perdrix) peuvent être autorisés sous certaines conditions, ainsi que l’utilisation d’appelant…On cherche la cohérence des mesures il y a d’un côté ceux qui sont tenus d’ enfermer leurs volailles élevées en plein air et de l’autre ceux qui peuvent en lâcher pour le seul plaisir de pouvoir tirer dessus !
Pour endiguer l’épidémie le ministère de l’agriculture a ordonné l’abattage préventif sur trois semaines (du 5 au 20 janvier) de 1 million de canards sur 230 communes ce qui donne une idée de la concentration de ce type d’élevage ! Abattage qui sera suivi d’une période de vide sanitaire. Et seront abattus non seulement les canards infectés (par piqure) mais aussi les canards non contaminés (90%) qui ont la malchance d’être dans un élevage situé à moins de 3 km d’un élevage infecté (rappelons que les zones de protection et de surveillance sont mises en place dans les périmètres de 3 et 10 km autour des foyers de contamination). Eux passent par l’abattoir (4 ont été réquisitionnés), électrocutés et décapités sur une chaîne..
La situation n’étant toujours pas stabilisée à ce jour le nombre d’animaux abattus pourrait être nettement plus élevé.
Cette solution radicale adoptée par la France serait paraît-il efficace en raison de la concentration des foyers sur une zone qui compte le plus d’animaux élevés en plein air ; en la dépeuplant totalement on créerait un corridor sanitaire. Elle serait justifiée dans le cas de virus très pathogène, qui tue énormément et très vite tel le H5N8. De plus laisser circuler ce type de virus conduirait à augmenter le risque d’avoir une transgression de la barrière des espèces. A ce jour aucune infection humaine par ce virus n'a été signalée (à l’inverse de la souche H5N1 cf les cas en Asie). Ce virus ne touche que les oiseaux (toutes espèces) mais au cours de ses mutations il pourrait infecter d’autres espèces animales ou rencontrer des virus humains.
Que deviennent tous ces cadavres ?: le malheur des uns fait le bonheur des autres ici de l’usine d’équarrissage de Lot et Garonne Atemax où les canards sont broyés, cuits ,pressés et transformés en farine utilisée comme combustible dans les cimenterie et en graisse animale pour des biocarburants !.
Les oiseaux sauvages accusés d’être responsables de ces épidémies.
Il faudrait en finir avec à chaque épidémie cette accusation récurrente selon laquelle les oiseaux sauvages seraient les vecteurs principaux de la propagation de l’influenza aviaire.
La première observation est que si les oiseaux sauvages sont les hôtes naturels des virus grippaux ils sont très sensibles à leur caractère pathogène et meurent rapidement ; donc en général ils ne sont plus capables de mener une réelle migration sur de longues distances.
Par ailleurs les souches de grippe aviaire rencontrées chez les oiseaux sauvages sont le plus souvent bénignes à l’inverse de celles décelées dans les élevages domestiques en batterie qui acquièrent un caractère hautement pathogène.
Le virus H5N8 détecté en 2008 et en 2014 aux Etats-Unis sous sa forme peu contagieuse, est apparu la même année sous sa forme hautement contagieuse en Asie, République de Corée, Japon et Chine
L’hypothèse d’une contamination par les oiseaux sauvages ne peut être évidemment écartée puisque de nombreuses espèces en particulier les oiseaux aquatiques peuvent être porteurs de virus. Un contact étroit entre oiseaux sauvages et volailles domestiques peut entraîner une infection croisée, des volailles aux oiseaux sauvages et de ces derniers aux volailles.
Mais leur rôle dans la propagation des virus est mineur car le nombre total des oiseaux sauvages infectés reste jusqu’à ce jour faible au regard du milliard d’animaux qui traverse nos continents. Dans une étude de 2005 qui a porté sur l’examen de plus de 13000 oiseaux sauvages dans les marais à l’intérieur de provinces chinoises infestées par la grippe aviaire, seulement six oiseaux se sont révélés contaminés par des virus hautement pathogènes. La conclusion était que le maintien du virus H5N1 à l’état endémique dans la région est dû à la transmission par la volaille
L’arrivée du virus en Afrique loin de toute zone humide visitée par des migrateurs confirme que le commerce, l’importation et le manque de contrôle sont à l’origine de l’extension mondiale de l’épizootie. Le Nigeria pays le plus touché est le deuxième pays exportateur de la Chine
Enfin la contamination des oiseaux migrateurs avant la migration est liée aux élevages. Dans l’Est et en Asie il est courant de répandre les fientes en tant que fertilisants voire d’en nourrir les poissons dans les bassins d’élevage auxquels ont accès des oiseaux aquatiques sauvages. Autres sources de contamination, le nourrissage des canards dans les rizières, les excréments infectés atterrissant dans les zones humides via les inondations et l’irrigation, le rejet en milieu naturel des
eaux d’élevage….
La destruction généralisée sur la planète des milieux naturels sauvages et notamment des zones humides conduisent de plus en plus les oiseaux sauvages pour se nourrir à se déplacer vers les zones occupées par des volailles et des humains ; autant de conditions plus favorables pour la diffusion des virus.
Il est donc plus facile d’accuser les oiseaux migrateurs d’être un facteur de propagation des virus de grippe aviaire que d’éclairer le public sur la pagaille mondiale généralisée des échanges commerciaux dans le domaine des volailles hors tout contrôle sanitaire véritables causes de l’extension des épizooties dans le monde. Sans oublier le trafic illégal des oiseaux de collection….
Voire de l’éclairer sur la vie de nos canetons français trimballés d’un site à l’autre sur des centaines de kilomètres, conditions idéales pour la propagation du virus de l’influenza s’il est présent sur l’un d’entre eux et non détecté par des contrôles systématiques des animaux, sans oublier les risques liés au transport proprement dit matériel non désinfecté, déjections semées sur les routes... De l’accouvoir où il naît, le caneton atterrit dans un élevage de « prégavage » pour treize semaines et finit dans un atelier d’engraissement où entassé dans des cages de batterie si petites
qu’ils ne peuvent même pas se retourner , et encore moins étendre leurs ailes.
il sera sur nourri 5 à 6 fois par jour. 1 million d’oiseaux meurent en gavage chaque année (Statistiques de mortalité en gavage publiées par le CIFOG jusqu’en 2003 dans son rapport économique) ; Avant son dernier voyage vers l’abattoir.
Ces élevages domestiques intensifs où la promiscuité, la densité et le confinement des populations atteignent des sommets, sont les conditions idéales d’une extension rapide du virus et de sa mutation vers des formes hautement pathogènes.
Sans oublier que plus l’élevage est important plus il y a d’oiseaux sensibles au virus. Les espèces d’élevage actuelles sélectionnées pour produire toujours plus et toujours plus vite sont de moins en moins résistantes aux maladies et le manque de diversité génétique de ces animaux favorisent l’apparition et le développement de microbes pathogènes.
A supposer que les oiseaux sauvages aient été le vecteur d’introduction du virus H5N8 sur le territoire européen (13 pays sont touchés, mais la France est en tête) ils ne sont évidemment en aucun cas responsables de tous les cas actuels de contamination dans le Sud Ouest et ailleurs ! Le Gers, département le plus touché ne se situe pas dans un couloir de migration d’oiseaux sauvages suspectés de transporter l’épizootie, l’origine du virus se situe donc ailleurs.
A priori, sauf preuve contraire, pas dans les petits élevages fermiers traditionnels indépendants où les animaux restent du premier jour d’élevage jusqu’aux produits finis.
Reste les élevages intensifs aux mains de grands groupes coopératifs et industriels exportateurs, dont les techniques d’élevage on l’a vu sont hautement propices à la propagation de l’influenza aviaire auxquels s’ajoutent les transports incessants d’animaux vivants d’un élevage à l’autre.
On attendrait évidemment qu’un état un état des lieux des étendues des contaminations soit réalisé ce qui permettrait de disposer de données précises sur les responsabilités des élevages fermiers et industriels dans la transmission du virus.
Mais le lobby agro-industriel veille. C’est lui qui obtient du gouvernement français cette destruction globale indifférenciée de tous ces canards, cas unique en Europe dans le but d’assainir au plus vite la situation pour être en mesure de reprendre leurs exportations ainsi que des mesures de biosécurité de plus en plus drastiques.
Les petits élevages fermiers qui sont de moins en moins nombreux risquent de disparaître avec ces épisodes d’influenza aviaire s’ils sont contraints d’ arrêter leur production pendant des mois et soumis aux mêmes normes sanitaires que les élevages industriels qui eux peuvent faire face à cette situation en raison de leur trésorerie et de leurs stocks..
C’est l’industrialisation de la filière « foie gras » et ses pratiques qui jouent un rôle central dans les crises sanitaires répétitives que connaît le Sud-ouest. Elle est aux mains de grands groupes industriels (Vivadour, Labeyrie, Delpeyrat…) qui recherchent sans fin une baisse des coûts pour des profits maximum. Au moyen d’une hyper-segmentation des tâches,( chaque étape de la vie du canard se déroule sur des sites différents), de structures de plus en plus colossales, qui entraînent des transports sur des centaines de km et des intervenants de plus en plus nombreux. Et chaque maillon professionnel de cette chaîne, sélectionneurs, accouveurs, fournisseurs d’aliments, éleveurs, abattoirs, transformateurs…est prisonnier d’une course aux rendements…Ce qui fait dire au président du Cifog (Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras) qu’il n’y a pas à chercher des responsables de la crise « on est tous victimes ».
M. Le Foll entend mener une guerre sans merci contre les virus à coup de massacre de millions d’animaux, d’une désinfection « totale » des élevages qu’il met tous dans le même panier. A long terme c’est une guerre perdue d’avance face aux logiques industrielles qui engendrent en permanence les risques et favorisent les épizooties (dans le monde entier) ce que le ministre se garde bien de dénoncer. Ce faisant une fois de plus nos décideurs (européens et nationaux), à la botte de l’agro-industrie ne s’attaquent pas au vrai problème ( les grippes aviaires ont donc de beaux jours devant elles…) et imposent des mesures qui conduisent à la disparition des élevages fermiers. Ce sont eux qui paient les méfaits de l’élevage industriel.
* on entend fréquemment parler par simplification de « grippe » aviaire. La grippe est une infection virale qui se transmet uniquement par voie respiratoire. Chez les oiseaux la transmission de la maladie se fait par la voie respiratoires et par la voie fécale et tous les organes sont infectés. Il ne s’agit donc pas d’une grippe à proprement parler mais d’une « peste », terme qu’on évite d’employer… pour la remplacer par influenza aviaire.
J. Thevenot
La France est le premier producteur de foie gras dans le monde (80%-20000tonnes/an), le premier exportateur au monde, le premier consommateur au monde
A quel prix?????
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