Histoire actuelle de Prémery
Histoire actuelle de Prémery
Quelques années ont passé depuis mon dernier article d'avril 2009 concernant le site industriel de Prémery; l'association DECAVIPEC, vigilante, accompagne les activités de deux entreprises : SOBRAL et TEN, elle participe au suivi des grands travaux entrepris sur les espaces libres et pollués de la friche industrielle Lambiotte.
Reprise de SNR par SOBRAL
Les débuts sont difficiles pour l'entreprise SOBRAL : Après s'être montré laxiste envers SNR, l'Etat a exigé l'évacuation par SOBRAL des 12 000 tonnes de déchets dangereux industriels (scories et autres stockés par SNR illégalement) par arrêté préfectoral avant le 31 mars 2009 (pour mémoire l'arrêté d'autorisation de SNR permettait un stockage de 300 tonnes maxi, la DREAL avait constaté ces stockages illégaux, mais le préfet n'a jamais signé d'arrêté de mise en demeure ordonnant leur évacuation) ; ces exigences, non prévus à la reprise, ont mis en danger la survie de cette société. Elle a été placée en redressement judiciaire très rapidement, durant plus d'une année.
L'activité s'est stabilisée, les travaux de nettoyage ont été terminés dans les temps, toutes les aspirations ont été installées et sont satisfaisantes. Les scories sont stockées dans des bacs et transportées vers un local/cendrier aspiré lui aussi ; les fumées diffuses constatées sont produites durant ce transport fours/local de refroidissement avec un passage à l'air libre.
Les analyses des fumées captées sont effectuées une fois par an seulement, leur prix ne serait pas compatible avec les recettes de l'entreprise ; l'association au vu des résultats améliorés et de la volonté de transparence et de dialogue des dirigeants, se montre tolérante, mais exigera dans l'avenir soit une modification raisonnable de l'arrêté d'autorisation soit des analyses plus fréquentes.
Collectoil/TEN
Collectoil a repris l'entreprise ECOPREM en septembre 2006 ; l'histoire de ce site se renouvelle sans que l'Etat en tire de leçon : ECOPREM devait gérer et évacuer les polluants stockés par Lambiotte et Cie, Collectoil devait se débarrasser des stocks illégaux d'ECOPREM, comme le dénonçait DECAVIPEC : nous avions à faire à des canards boiteux ne possédant ni capacités techniques ni financières pour gérer une Installation Classée Pour la Protection de l'Environnement (ICPE), les installations dangereuses et polluantes se succédaient…ECOPREM a même eu des stockages tellement importants qu'il aurait dû être soumis à la règlementation SEVESO, l'Etat n'a jamais réagi dans ce sens. C'est poussé par les actions de l'association et retranché dans ses erreurs que le préfet a enfin agi.
En octobre 2008, le site n'est toujours pas en conformité, le dossier de demande d'autorisation est déclaré irrecevable, la DREAL (DRIRE à l'époque) demande une suspension de l'activité diester, le préfet a suivi l'avis de ses services et au printemps 2009, signe un arrêté de suspension si la mise en conformité n'est pas respectée, Collectoil après un arrêt de quelques mois reprend ses activités et empuantit à nouveau la commune.
Malgré tout, des travaux sont effectués, la cuve de méthanol est enterrée, des aspirations d'effluents sont placées sur les colonnes à distiller…l'échéancier des actions à mener demandé par les autorités débute mais ne sera jamais terminé.
Malgré une autorisation accordée le 6 juillet 2010, la société arrête ses activités ; en janvier 2011, elle est mise en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire en mai 2011, elle cherche un repreneur, ce sera TEN « Technologie Environnement Nièvre », une nouvelle entreprise créée par Mr Willi Sonderegger autrichien principal actionnaire de la société WSRD. Ce dernier a décidé d'investir dans un projet moderne, innovant « avec une démarche de durabilité ». Le site de Prémery, avec le matériel et l'investissement de Collectoil, correspondait à ce projet.
Les sociétés TEN pour l'activité biodiesel et la société TENI pour financer la reconstruction du site sont nées.
Ont commencé des travaux colossaux : réfection du laboratoire et des locaux administratifs, aménagement des cuves de rétention, installation de systèmes de filtrage pour les odeurs au poste de déchargement des graisses, évacuation des boues de curage de la station d'épuration, démolition de l'ancienne tour d'atomisation Lambiotte, démantèlement du fondoir Collectoil… et bien sûr l'évacuation de tous les produits chimiques accumulées par ECOPREM et Collectoil, démolition d'anciens bâtiments (contenant de l'amiante)et des cuves en bois (formol, jus pyroligneux) Lambiotte, ainsi que la vidange des cuves VF mises en sécurité.
Pour avoir une idée des coûts de cette réhabilitation nous pouvons citer : évacuation des déchets divers (dont 98% de déchets industriels spéciaux) 2541 tonnes soit 750 000 €.
Monsieur Sonderegger a souhaité dès le début associer DECAVIPEC à cette phase de travaux puis de démarrage de l'activité, les membres de l'association sont invités régulièrement afin d'effectuer des visites complètes du site.
La société TEN est spécialisée dans la régénération des huiles (végétales) et graisses (animales) usagées, elle a pour ambition de traiter des déchets non valorisés pour le moment et d'élaborer un produit qui s'inscrit dans le système de durabilité. Le biodiesel de TEN est ainsi un produit ne provenant pas de cultures alimentaires directes, mais utilisant uniquement des acides gras issus de la trituration du colza ou des graisses animales issues des abattoirs, mais traitées hors du site, le produit reçu étant prêt à l'emploi.
Les membres de l'association ont ainsi pu suivre dès le départ les travaux, le démarrage de la production du produit fini, les améliorations de ce produit au fur et à mesure de traitements innovants, d'estérifications en distillations. Nous ne détaillerons pas les différentes étapes du traitement, nous sommes soumis à un devoir de réserve qui assure la confidentialité et les secrets de la transformation des produits, conduisant à un carburant générant zéro polluant durant la combustion.
En février 2013 la phase de redémarrage est arrivée à son terme, au second semestre l'équipe nous a présenté le carburant dernier né en laboratoire incolore et inodore ; produit issu de gisements d'approvisionnement disponibles en France et en Europe, tout en privilégiant des approvisionnements locaux si possible.
Les ventes du produit sont du ressort de la société WS RECYCLING, TEN prépare une demande d'autorisation d'augmentation de la production qui passerait à 50 000 tonnes/an ; les eaux de process sont actuellement entièrement évacuées dans des filières appropriées, TEN étudie avec VEOLIA la mise en place d'une unité de traitement.
Actuellement le site emploie 17 personnes d'une moyenne d'âge de 38 ans, le personnel de production a des connaissances ou des expériences en industrie chimique.
Nous continuons à accompagner cette jeune entreprise, installation qui démontre que la chimie industrielle et l'emploi sont compatibles avec le respect de l'environnement ; le succès de la journée porte ouverte du 1er mai dernier a été le reflet de la satisfaction des habitants de Prémery ; le refrain usé du maire de Prémery : « si vous voulez des emplois vous devez subir des pollutions » s'est tari n'ayant plus de source.
La friche Lambiotte
Amiante, hydrocarbures, arsenic, nickel, plomb, benzène, phénol… le site Lambiotte créé en 1886 et liquidé en 2002 fait partie des sites industriels orphelins les plus pollués de France.
Une commission locale d'information (CLI) a été créée en mai 2010 présidée par le sous-préfet de Cosne. Les associations Loire Vivante et DECAVIPEC y sont représentées.
Aucun bâtiment ne sera conservé après l'évacuation des déchets polluants, seules 2 petites tours en pierre, les premiers fours de la combustion du bois, resteront les témoins de ce site, connu comme l'un des principaux sites européens pour la carbonisation puis la chimie du bois. Prémery était alors la capitale de la chimie du bois.
De 2003 à 2006, 1,2 millions € ont été consacrés à l'évacuation de produits inflammables et autres déchets, la mise en sécurité du site et le traitement et la surveillance des eaux, celles-ci s'écoulant sous la rue Lambiotte, puis dans une lagune avant rejet dans la rivière Nièvre.
Puis 2,1millions € seront accordés pour une étude de caractérisation et l'évacuation d'autres déchets en 2007.
L'évacuation de la totalité des déchets sera effectuée en 2011/2012 (40% par la voie ferrée). La déconstruction des bâtiments devrait débuter fin 2013/début 2014 ; ces derniers sont dans un état de dégradation importante, un diagnostic approfondi du site est prévu en 2014 suivi d'une étude hydrogéologique de tout le secteur, afin de déterminer s'il y a une connexion entre la nappe d'accompagnement de la rivière Nièvre et la nappe karstique où est réalisé un captage AEP.
Le diagnostic approfondi permettra de définir les sources de pollutions et de connaître l'impact du site sur son environnement. Quant à la réhabilitation du site, elle dépendra de la réduction ou non de la pollution ancrée dans le sol pour, certainement encore, des décennies. 4 piézomètres sur les 11 installés présentent une contamination constante par les phénols, les hydrocarbures, le benzène, le nickel, le cuivre, le plomb. Il y a une présence de pyrène en amont.
Depuis 2003 ce sont 12 millions d'euros qui ont été ou seront engagés par l'Etat pour ce site orphelin.
Les entreprises successives ECOPREM, Collectoil, TEN ont eu en charge la responsabilité et le traitement des eaux de ruissellement du site Lambiotte ; l'évacuation des déchets et de leurs contenants dégradés a permis une amélioration de la qualité de ces eaux : lors de notre visite mensuelle de la station d'épuration, sur invitation de TEN, nous avons constaté la présence de canards voguant sur la lagune Lambiotte et de grenouilles dans toutes les lagunes…quelques iris ont pris racine.
Un regret : la non prise en compte dans ces travaux même futurs, de la disparition du crassier présent à l'extrémité du site, monticule formé de terres déversées afin de cacher, au dire des anciens lambiottins, du matériel, des fûts pleins etc. les eaux ruisselant de ce terril de 150 000 m3 s'écoulent le long de la rue Lambiotte mais peuvent la traverser et aller rejoindre la rivière Nièvre.
Toutes les commune situées le long de la Nièvre, en aval de Prémery jusqu'à la Loire, sont concernées par la qualité des eaux de la rivière ; la dépollution du site orphelin est lente et coûteuse, la réhabilitation n'est pas en vue, les sols resteront pollués, la vigilance sur la suite de la vie du site ne baissera pas de la part de DECAVIPEC.
Danièle Auclin
DECAVIPEC
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