Des plantes exotiques envahissantes
Des plantes exotiques envahissantes
La nature s'éveille, nous allons au cours de nos promenades notamment en bord de Loire les rencontrer ces plantes exotiques souvent belles mais pour le moins envahissantes. D'où le qualificatif de plantes invasives réservé donc à ces plantes venues d'ailleurs introduites dans nos pays intentionnellement ou accidentellement et qui non seulement se maintiennent mais prolifèrent au point de perturber gravement le fonctionnement des milieux naturels qu'elles colonisent, notamment des milieux aquatiques et des zones humides ( les plus touchés par ces invasions) et qui mettent en péril la biodiversité autochtone.
La prolifération des ces espèces est liée à deux facteurs, des caractères biologiques spécifiques et des conditions environnementales propices .
- Ce sont des espèces à croissance rapide, peu exigeantes quant aux milieux, qui s'adaptent à leurs modifications. Elles sont résistantes tant à la sécheresse, qu'au froid ou aux pollutions. Ce sont des espèces qui n'ont pas d'ennemis naturels et ne sont pas sujettes aux maladies.
Elles bénéficient d'un système de reproduction très performant par graines et par bouturage qui permet une forte propagation grâce au vent, à l'eau, aux animaux et à l'homme…
- Il est à l'origine de l'introduction de ces espèces, un phénomène qui n'est pas récent mais qui s'est accentué depuis quelques décennies avec les échanges commerciaux au niveau mondial, le tourisme, la vente en jardinerie de nombreuses plantes exotiques d'Amérique, d'Asie, d'Afrique. Et ensuite de leur propagation dans les milieux naturels en raison notamment de la dégradation des milieux naturels , le développement des milieux artificialisés, les grands travaux d'aménagement du territoire. Les invasives prospèrent sur ces milieux perturbés, privés de leur couvert végétal donc facilement colonisables ( bords des routes, voies ferrées, canaux, friches industrielles, berges dévégétalisées, décharges,…).
Les plantes aquatiques peuvent « bénéficier » du réchauffement de l'eau, de l'apport de nutriments (nitrates agricoles, phosphore des eaux usées.. ).
Les problèmes que posent les invasives
Sur le plan écologique : ces envahisseurs entrent en concurrence avec les espèces indigènes, leur forte densité rend souvent impossible le développement des variétés locales. Avec des conséquences sur la faune locale à qui elles servent d'habitat et de nourriture.
Rappelons que les invasions biologiques (plantes, animaux, champignons) sont la deuxième cause de la diminution de la biodiversité générale à l'échelle mondiale, extinction des espèces, transformation des écosystèmes voire des paysages (terrestres et fonds marins…).
Pour mémoire la « Caulerpe » l'algue tueuse de méditerranée met en danger une vingtaine de communautés végétales dont les herbiers de Posidonies.
Sur le plan sanitaire et social : certaines produisent des allergènes et des toxines. Parmi les plus connues en France l'Ambroisie, la Berce du Caucase.
Cette prolifération est à l'origine de diverses perturbations dans de nombreux usages notamment en milieux aquatiques, navigation, pêche, baignade, colmatage des fonds marins, encombrement d'ouvrages hydrauliques, des ports….Dans tous ces domaines la Caulerpe précitée qui occupe plusieurs dizaine de millions de m2 est une catastrophe non seulement écologique mais également économique.
Quelles solutions ?
Lutter contre ces espèces est extrêmement difficile dès lors qu'elles sont bien implantées. Il n'y a pas une recette miracle applicable à toutes les situations Sans parler du coût que cela représente car l'éradication implique souvent des actions répétitives sur le long terme, consistant en opérations méticuleuses pour éviter tout risque de propagation d'arrachage manuel, de fauchages répétés pour affaiblir la plante (cas de la renouéee du Japon) La lutte pour l'éradication sera donc réfléchie et réservée aux sites à fort enjeux et dans la mesure du possible dès l'apparition d'un foyer d'invasion ce qui suppose une surveillance.
Hors ces cas la meilleure solution reste la non intervention.
Reste donc la prévention pour protéger les secteurs non encore atteints
-La réglementation. L'article L411-3 du code de l'environnement) interdit l'introduction dans le milieu naturel volontaire par négligence ou imprudence de tout spécimen d'une espèce végétale à la fois non indigène au territoire d'introduction et non cultivée. Actuellement les seules plantes visées par cet article sont 2 espèces de jussie (grandiflora et ludwigia péploides) !
-la limitation des perturbations physiques des milieux naturels
-l'information et la sensibilisation sur la propagation de ces espèces auprès des maires. Trop de communes ne prennent toujours pas la mesure de cette problématique des exotiques envahissantes (notamment de la renouée du Japon qui se reproduit par bouturage et contribuent à leur dispersion par des interventions inappropriées, broyage, coupes laissées sur place en zone inondable…
des propriétaires d'étangs (risques lors des vidanges et des curages)
des particuliers (ne pas acheter des exotiques pour son jardin, ne pas les cueillir, les transplanter, les semer), de même pour les aquariums….
Quelques invasives
La Renouée du Japon:
Au nombre de 3 renouée Sakhadine, renouée hybride et renouée du Japon c'est cette dernière qui est la plus répandue. Ses lieux de prédilection sont les bords des cours d'eau dégradés (coupes des ripisylves, rectifications, recalibrages, aménagements intensifs du lit et des berges, plantations intensives de peupliers…), dépôts de gravats, talus de routes voies ferrées, friches industrielles…. Introduite en Europe au début du 19ème siècle comme plante fourragère et ornementale, vers 1940 en France, cette plante peut atteindre 3 mètres de hauteur –à raison de 5cm/jour- se bouture facilement à partir d'un simple morceau de tige , les crues assurent sa dispersion.
Elle est sur la liste des 100 exotiques invasives les plus nuisibles établie par l'Union Internationale de Conservation de la Nature. En population dense cette plante étouffe tout autre végétal ( manque de lumière sous son feuillage, émission de substances toxiques…), favorise l'érosion des berges car les tiges meurent en hiver et laissent les sols à nu. Elle uniformise les paysages, empêche l'accès aux rives (obstacles à la baignade, pêche, promenade).
Cette plante est bien présente en Nièvre , le long des rivières (notamment la Loire), des canaux (canal de dérivation de la Nièvre…), en lisière des bois etc… et dans les jardins des particuliers puisque introduite en tant que plante ornementale vendue dans les jardineries…..
Avec ses énormes rhizomes donc le moindre éclat donne naissance à une nouvelle plante, sa faculté de bouturage la Renouée est une plante redoutable.
Le conseil général procède à des expériences de destruction de la renouée du Japon sur la commune de la Celle-sur-Loire (lieu dit « les Brocs) par fauchages répétés et revégétalisation et à une information auprès des maires nivernais. La pâture peut être une solution (bovins, caprins sur les jeunes pousses).
Si vous avez de la renouée dans votre jardin ( elle tient souvent lieu de haie) la lutte pour l'éradiquer sera longue et doit être très précautionneuse. N'essayez pas d'atteindre les rhizomes en raison de leur profondeur d'implantation, du risque de dissémination par éclats et de leur longueur. Il faut procéder à la coupe des parties aériennes dès leur apparition donc plusieurs fois dans l'année de manière à suffisamment affaiblir la plante ( pendant 3 ans au moins) pour pouvoir ensuite planter des végétaux qui vont la concurrencer (planter serré et sur feutre géotextile.. ).
Inutile de rappeler que les herbicides sont à exclure, inefficaces face à la vigueur de cette plante ils produisent l'effet inverse en faisant disparaître les espèces indigènes.
La Jussie :
Elle est aisément reconnaissable par ses belles fleurs jaune vif (notre jussie locale des marais a des fleurs verdâtres insignifiantes). La belle étrangère a été importée d'Amérique du Sud pour décorer aquariums et bassins. Elle prolifère en formant des herbiers extrêmement denses, dans les eaux calmes et stagnantes et plus chaudes, marais, étangs, parties lentes des cours d'eau, bras , canaux. On la trouve aussi en milieux terrestres, zones riveraines, prairies inondables, lits majeurs des cours d'eau. Elle a besoin de beaucoup de lumière.
La plante est d'abord immergée ( à 1 mètre de profondeur), un rhizome a plusieurs tiges porteuses de racines adventives qui peuvent atteindre jusqu'à 6 mètres de longueur. Elles apparaissent à la fin du printemps, les fleurs en juillet. Les fruits se forment sous les pétales et donnent jusqu'à 10000 graines par m2…Son système de reproduction est hyper performant car il se fait aussi par simple bouturage du moindre fragments de tiges.
Elle asphyxie donc très rapidement, plan d'eau, petite rivière, frayères, canal…Sa masse végétale aérienne (qui peut doubler en 15 jours par hautes températures…) meurt en hiver et sa décomposition entraîne une forte diminution du taux de dioxygène dissous dans l'eau préjudiciable pour la faune et la flore aquatique (iris, nénuphars…).
La jussie est une véritable plaie pour les milieux aquatiques. Des opérations d'arrachage manuel sont programmées pour des sites à fort enjeux (frayères..) elles restent exceptionnelles au regard des moyens importants et onéreux qu'elles nécessitent.
St Léger des vignes
La châtaigne d'eau (trapa natans- la mâcre nageante):
C'est le bulbe d'une plante aquatique asiatique qui pousse dans des conditions proches des rizières (eau stagnante de faible profondeur). Il a l'aspect d'une châtaigne, il est comestible (cru ou cuit…de nombreuses recettes sur internet…).
Introduites à des fins ornementales pour les jardins d'eau, étangs à la fin du 19ème siècle elle se retrouve dans les milieux naturels qu'elle perturbe et elle rend impraticables les activités récréatives , navigation, pêche…
Sa croissance est exponentielle, un plan de châtaigne produit une quinzaine de rosettes et chaque rosette une quinzaine de noix. Ses feuilles en forme de losange forme un épais tapis flottant.
A ne pas transplanter dans nos jardins d'eau et la supprimer si elle est présente. Ne jamais la rejeter dans la nature.
La châtaigne d'eau est présente au port de la jonction à Decize. Seule solution écologique, le faucardage répétitif, avant la floraison, jusqu'à l'éradication ce qui peut demander quelques années…
Le Lagarosiphon major :
Originaire d'Afrique du Sud elle a été introduite vers 1930 comme plante d'aquarium. Totalement immergée elle se développe à partir d'un rhizome vivace, porteur de tiges très ramifiées (jusqu'à 5 mètres de long) chargées de feuilles (2cm environ) recourbées vers l'arrière, disposées en spirales. Le lagarosiphon se reproduit par bouturage de fragments Il se plaît dans les eaux calmes et stagnantes (mares, canal, bras morts etc…). Les tiges meurent en hiver, provoquant une accumulation de matière organique qui accélère l'envasement des plans d'eau. Les herbiers sont préjudiciables aux espèces indigènes et aux activités de loisirs.
En France elle est principalement présente dans le Grand Ouest mais elle a envahi l'an dernier dans notre département l'étang communal de Onlay suite vraisemblablement à un geste irresponsable et/ou du à l'ignorance, de vidange d'un aquarium puisque des poissons de couleur ont été repérés dans l'étang….La solution du ramassage manuel a été retenue.
Dans les cas sévères on pratique l'assèchement de l'étang pendant plusieurs mois pour venir à bout de cette plante strictement aquatique.
Parmi les autres plantes appartenant à la même famille des hydrochandacées proches morphologiquement qui peuvent donc être source de confusion , citons l'élodée du Canada, l'égéria…
La prévention contre le risque que présente ces plantes devrait passer par l'information et la sensibilisation d'un public ciblé, jardinerie, animalerie, aquariophile, gestionnaires de milieux aquatiques (privés et collectivités) publics)…
L'ambroisie à feuille d'armoise:
Originaire d'Amérique du Nord l'ambroisie aurait été introduite en Allemagne et en France ( 1863) dans un lot de semences fourragères. Elle a été disséminée par le transport de terre infestée (grands travaux dans les années 50) et le changement des pratiques culturales. Elle s'installe sur les terrains nus ou remaniés, chantiers, friches, bord des routes, décharges…Peut atteindre un mètre de haut.
L'ambroisie pose un problème de santé publique, 6à12% de la population est allergique à son pollen,mi août-mi septembre (rhinite, conjonctivite, trachéite, asthme, atteintes cutannées…).
Et des problèmes agronomiques sur les cultures de tournesol, pois, soja, légumières… L'ambroisie est très présente sur le bassin Loire –Bretagne (Loire moyenne et Loire amont).. elle peut apparaître dans nos jardins via les graines de tournesol pour oiseaux qui peuvent contenir des graines d'Ambroisie- arracher avant la floraison-
La balsamine de l'Himalaya :
Elle affectionne les lieux humides, fossés, berges de cours d'eau. Grande plante de 1 à 2 mètres de haut avec de belles fleurs roses, pourpres ou blanches de juillet à octobre. Ses graines très nombreuses sont catapultées à plusieurs mètres au moindre contact des fruits. Cultivées dans les jardins botaniques elles s'est disséminée par le biais des alluvions de rivières. Elle présente la même gêne que la renouée mais s'arrache plus aisément ses racines étant peu profondes.
Il existe des balsamines à petites fleurs qui posent moins de problèmes....
La berce du Caucase
Encore une belle plante avec ses ombelles blanches, jusqu'à 50cm de diamètre et 2 à 3 mètres de haut… introduites dans les jardins botaniques européenne à la fin du 19ème siècle. Elle prolifère grâce à son grand nombre de graines dispersées par le vent et surtout l'eau, elle est très présente en bord de rivières mais également sur les friches et talus. A ma connaissance elle ne pose pas encore de problèmes dans notre département mais c'est une plante à surveiller. D'autant qu'elle provoque des dermatoses qui peuvent être graves lorsqu'un contact est suivi d'une exposition au soleil.
Attention ses tiges creuses peuvent inciter les enfants (voire des adultes…) à s'en servir comme sarbacane… à éviter
Mais aussi des arbres et arbustes envahisseurs :
Le Robinier ou faux acacia : il nous vient des Etats-Unis (17ème siècle). Il a été planté partout,comme arbres d'alignement et dans les parcs et jardins. De là il a colonisé les milieux naturels. Il est très présents en bord des cours d'eau et dans les espaces modifiés et dégagés, bords des voies, routières, SNCF, friches, talus, mais aussi dans les champs.
Il a des qualités, mélifères, ornementales, fourragères, fournit un bois de qualité, dur, résistant aux attaques biologiques (pas besoin de traitement) utilisé pour l'habitat, meubles de jardins, clôture, tuteurs…..
Mais il est agressif, pousse extrêmement rapide, dispersion par les graines et le drageonnage. Il dégrade donc rapidement le milieu qu'il envahit en empêchant la pousse des plantes et arbres locaux. Il est très présent en bords de Loire et pose des problèmes au regard de ses sites classés en NATURA 2000 où l'objectif est le maintien de la biodiversité.
L'arbre à papillons (buddleia) qui nous vient de Chine. Il occupe les rives des rivières empêche la pousse des aulnes et jeunes saules nourriture du castor. En raison de sa fragilité il est facilement emporté par les crues ce qui entraîne une érosion des berges. Dans nos jardins si on veut le conserver couper les grappes de fleurs fanées pour éviter la venue en graines.
L'érable negundo américain colonise les forêts alluviales et concurrence le saule blanc. Sa présence remonte à plus de 300 ans (dans le Sud pour l'ornementation) ce qui conduit certains à ne pas le considérer comme réellement envahissant.
La mondialisation est aussi végétale… Ces plantes venues d'ailleurs posent des problèmes (une centaine en France), banalisation des milieux, menace sur la biodiversité, le fonctionnement des écosystèmes. Leur éradication quand elles sont bien installées n'est pas possible, l'action la plus durable consiste à ne pas favoriser leur dissémination.
En France seule la jussie (à grandes et petites fleurs) est interdite à la commercialisation. Le lobby du commerce des plantes restera puissant tant qu'on manquera d'études chiffrées sur les dégâts provoqués par ces plantes, indispensables pour argumenter sur la nécessité de leur interdiction….
J. Thévenot
http://www.futura-sciences.com/fr/doc/t/botanique/d/especes-invasives_1014/c3/221/p1/ un site parmi beaucoup d'autres….
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