DECAVIPEC - Algues tueuses en Bretagne
Une invasion verte
les algues tueuses de Bretagne
Un nouveau plan (le cinquième) de lutte contre ces algues vertes a été présenté conjointement par le Ministre de l'Agriculture, Bruno Le Maire et la secrétaire d'Etat à l'Ecologie, Chantal Jouanno.
- Décès d'un joggeur il y a 20 ans
- Coma d'un cantonnier ramasseur d'algues il y a 10 ans
- Mort brutale de 2 gros chiens en 2008
Ces accidents restaient inexpliqués, les élus locaux se plaignaient uniquement du coût du ramassage de ces déchets organiques. Les associations de défense de l'environnement étaient bien les seules à poser les questions qui dérangent en mettant en cause la responsabilité des agriculteurs et de l'Etat devant les tribunaux. Mais leur combat portait surtout sur la qualité de l'eau, particulièrement polluée par la quantité de nitrates d'origine agricole.
Et il y a eu «Sir Glitter», un superbe pur sang foudroyé le 28 juillet 2008, son propriétaire, vétérinaire de profession, a lui-même été victime d'un malaise et a exigé une autopsie. Les vapeurs d'hydrogène sulfuré ont tué ce cheval.
«Sans cette révélation, l'invasion des algues vertes n'aurait jamais quitté la rubrique environnement pour devenir un problème de santé publique… et l'Etat aurait continué à nier sa gravité». «Nous lui devons beaucoup», c'est ce que souligne Jean-François Piquot, porte-parole de l'association Eaux & Rivières de Bretagne.
Les huit principales baies de Bretagne ont un taux de nitrates qui dépasse les 50 milligrammes/ litre d'eau. La France a été condamnée à 3 reprises par la Cour Européenne de justice pour non respect de la directive signée en 1975.
L'Etat français a dépensé depuis 1996 plus de 700 millions d'euros, mais uniquement pour financer le ramassage, effectuer une surveillance et lancer des recherches sur la façon dont on pourrait éventuellement les utiliser au mieux. Rien sur la cause connue : la multiplication des autorisations d'élevages porcins a amplifié d'autant la production de lisier que l'on épand sur les terres agricoles pour s'en «débarrasser» à coût réduit et facilement. Les eaux de ruissellement entraînent les nitrates des lisiers et des engrais vers le littoral provoquant une pollution reconnue enfin comme toxique.
Le décès de Sir Glitter a dévoilé le côté toxique et une étude scientifique a été diligentée. Les résultats ont été rendus publics il y a quelques jours. Les amas de «laitues de mer» se décomposent rapidement à l'air libre pour dégager de nombreux gaz tous toxiques pour l'homme et les animaux et, suivant la concentration, même mortels, la liste est longue : sulfure d'hydrogène, ammoniac, méthylmercaptan, diméthylsulfure, diméthylsulfoxyde, toluène, chlorobenzène, éthyl-2 hexanol, acide propionique.
Ainsi la lutte contre les algues vertes ne concerne plus seulement la protection de l'environnement mais elle devient une priorité pour la santé publique.
Plan de lutte contre les algues vertes
Ce Plan a été construit dans des délais très courts, il a comme objectif la réduction de 30 à 40% des flux de nitrates sur les huit baies touchées par l'invasion, d'ici 2015.
Le Plan sera-t-il efficace ? La réponse est non puisque le gouvernement ne veut pas «stigmatiser les agriculteurs mais les accompagner» dans l'évolution de leurs pratiques ! Les collectivités territoriales et les associations agricoles sont simplement incitées à développer des projets dont l'objectif est d'abaisser le taux de nitrates.
On s'attaque aux conséquences mais pas suffisamment aux causes : un important volet du Plan est consacré au ramassage et au traitement des algues vertes, qui s'échouent depuis une trentaine d'années sur le littoral breton et maintenant vendéen (2 plages de Noirmoutier disparaissant sous les amas pourrissants ont été interdites l'été dernier), par la mise en place de plates-formes de compostage.
Depuis 4 ans 134 millions d'euros ont été dépensés sans aucune contrainte règlementaire imposée aux agriculteurs. Dans ce dernier Plan on peut enfin constater une mesure contraignante : les exploitants agricoles auront l'obligation de déclarer leur flux d'azote tous les ans, on ne peut que s'étonner que cette obligation ait autant de retard par rapport à nos voisins européens, mais comme le déclarent les associations «on ne résoudra rien tant que la FNSEA continuera à cogérer le ministère de l'Agriculture». Certains pays européens ont une densité porcine bien plus élevée que celle de Bretagne, sans les problèmes de pollution que nous connaissons !
Certains agriculteurs (mais encore trop rares) sont volontaires pour participer à des expérimentations prévues par le Plan : construire des cuves étanches pour méthaniser le lisier et ne plus l'épandre dans les champs environnants. Mais les progrès seront lents à être visibles, depuis 10 ans on est passé pour un nombre restreint de bassins versants, de 50 mg de nitrates par litre à 35, les recommandations européennes et d'IFREMER* fixent le taux à 10 mg …
L'objectif qu'il n'y ait «plus d'algues vertes» et plus de risques pour les promeneurs et les riverains promis pour 2010 par Chantal Jouanno ne sera réalisable que par des contraintes accompagnées financièrement et règlementairement, l'époque des simples propositions basées sur le volontariat est révolue.
Danièle Auclin
* Institut Français pour la Recherche et l'Exploitation de la Mer.
- Lire également sur le site l'article de J. Thévenot (LVNAC) à propos des algues vertes
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