LVNAC-le gaspillage alimentaire, un scandale
Le gaspillage alimentaire, un scandale
Le gaspillage alimentaire consiste à jeter ou supprimer des denrées encore comestibles.
Selon la FAO les coûts économiques, sociaux et environnementaux du gaspillage alimentaire atteindraient dans les 2600 milliards de dollars par an, il représente à l’échelle mondiale 1,3 milliard de tonnes de denrées alimentaires perdus soit un tiers des aliments produits.
Selon une étude de l’ADEME de 2009 les Français( ruraux ou citadins), jettent en moyenne chaque année 20 kg de nourriture dont 7kg d’aliments encore emballés, auxquels il faut ajouter, 13 kg de fruits et légumes, de restes cuisinés (faits à la maison ou achetés) et de produits non consommés…
Pour la production agricole mondiale on arrive au chiffre faramineux de 55% de pertes qui recouvrent le gaspillage tout au long de la chaîne alimentaire, la production, pertes liées au transport, à la transformation, à la distribution et à la consommation (ménages et restauration).. En clair plus de la moitié des terres agricoles sont exploitées inutilement pour produire des denrées qui ne seront pas consommées et qui auront utilisé des terres, de l’énergie, de l’eau, des engrais et émis des gaz à effet de serre.
Ce gaspillage alimentaire est présent à chaque étape de la chaîne alimentaire (de la fourche à la fourchette).
Les pertes se répartiraient ainsi, les transports 26kg/H/an, la transformation 35 kg/H/an et la distribution 17Kg/H/an, la production et la consommation 93kg/habitant par an. Mais quand on parle de gaspillage alimentaire on parle avant tout de celui des citoyens, le mieux connu… les autres chiffres restent encore confidentiels.
Des milliers de tonnes de fruits et légumes restent dans les champs pour cause de surproduction. A cause de filières standardisées sont écartés des circuits de vente par les grandes surfaces des produits « non-conformes » aux attentes supposées des consommateurs : standards esthétiques ou de calibrage qui frappent du délit de sale gueule les produits trop petits, biscornus qui n’ont pas la bonne couleur…
L’Union européenne a été accusée d’imposer des standards sur le calibrage des fruits et légumes. Depuis 2010 consciente du gâchis généré elle a considérablement assoupli ces règles. En réalité ce sont les supermarchés qui adoptent des règles strictes pour soi-disant répondre à la demande du consommateur qui veut des produits « parfaits », une demande qu’ils encouragent fortement par un marketing incessant super efficace !…
On voit de temps à autre des super marchés faire de la com sur l’apparition dans leurs étals de quelques fruits et légumes « moches » vendus moins cher. Depuis 2013, la journée mondiale pour l’alimentation est devenue en France la journée nationale anti-gaspillage alimentaire, des prix sont décernés par le ministre de l’agriculture pour encourager des initiatives…. voir le site www.alimentation.gouv.fr/gaspillage-alimentaire
Un collectif de producteurs français « les gueules cassées » applique ce concept de réhabilitation de produits bons mais non parfaits à d’autres aliments, fromages, boulangerie, charcuterie, boucherie, produits transformés www.lesgueulescassées.org
Les causes de ce gaspillage
On peut invoquer au niveau de la consommation des causes sociologiques-une société qui a changé au niveau des structures familiales, du rythme de vie, de la façon de nous nourrir ( du vite fait et des plats tout préparés), de faire ses courses à l’heure où nous baignons dans l’opulence alimentaire. Les commerces alimentaires regorgent de 180% de la quantité de nourriture dont nous avons besoin d’où leurs campagnes promotionnelles incessantes qui poussent les consommateurs à des achats intempestifs au-delà de leur besoins.
Mais on l’a vu, le gaspillage alimentaire implique tous les acteurs de la chaîne alimentaire du champ à l’assiette Il n’est pas lié proprement dit à un comportement irresponsable de tel ou tel acteur mais à un changement profond de notre système de production et de transformation alimentaire (industrialisation), de distribution (les supermarchés), de nos comportements alimentaires ( disparition du repas traditionnel, repas pris à l’extérieur, grignotage, baisse de la part du budget consacrée à l’alimentation, …) Le niveau de gâchis alimentaire que nous connaissons aujourd’hui est le résultat de quarante années de productivisme et de consumérisme.
Ce gaspillage constitue un problème aux dimensions éthiques, économiques et écologiques :
- un problème éthique à l’heure où un milliard d’êtres humains souffre de malnutrition où dans un pays comme la France 8 millions de personnes vivent au dessous du seuil de pauvreté (79 millions dans l’Union européenne) et 3,6 millions d’entre elles dépendent pour se nourrir de l’aide alimentaire (16 millions au niveau de l’UE)
- un problème économique, le coût de ce gaspillage alimentaire pour un ménage français se situe entre 400 et 500 euros/an alors que pouvoir d’achat est une préoccupation majeure
Le gaspillage des pays riches a un effet direct dans les pays pauvres. Les tonnes de pains qui finissent dans nos poubelles liées aux surplus, ont un impact sur les cours mondiaux du blé qui pénalisent les consommateurs des pays pauvres. La barquette de viande qui passe dans le vide ordure ou les poubelles des grandes surfaces a un lien direct avec les plantations de soja en Amérique latine qui nourrissent notre bétail.
- un problème écologique, il ya un lien direct entre la surproduction source de gaspillage alimentaire et l’épuisement de nos ressources naturelles.
Au premier rang des ressources gaspillées quand on jette de la nourriture, l’eau, tant les quantités nécessaires pour la production et la transformation des aliments sont considérables : 1000 litres pour un kg de farine ( une baignoire pour une baguette de pain), 16000 litres pour un kg de viande rouge (70 baignoires…consommation des animaux et des cultures pour les nourrir).
La production, la transformation, le conditionnement, le transport des aliments sont sources d’émissions de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique. Le secteur agro-alimentaire est responsable d’un tiers des émissions de GES. Les rayons des supermarchés débordent de fruits et légumes qui viennent directement du bout du monde et de produits dont les composants ont pu parcourir des milliers de km, cas du yaourt avec ses « fruits » et son conditionnement en pot de plastique ou de carton… . Et même si le lait reste le produit qui parcourt le moins de km il a été donné par des vaches nourries par un produit cultivé à l’autre bout de la planète de façon intensive qui conduit à la déforestation de l’Amazonie. Un dixième de la superficie du Brésil a été défrichée pour cette culture.
Enfin ce gaspillage est source de déchets supplémentaires qui sont majoritairement incinérés ou enfouis dans des décharges. Les déchets alimentaires en France pèsent lourd sur le climat ; ils sont responsables de 19% des gaz à effet de serre en raison des émissions du méthane qui est 23 fois plus puissant que le CO2 en potentiel de réchauffement global. Un problème qui pourrait trouver sa solution dans la collecte sélective des bio-déchets alimentaires qui permet déjà une prise de conscience de ce qu’on jette et leur gestion par compostage ou méthanisation.
Comment combattre le gaspillage alimentaire :
La prise de conscience de ce gâchis est réelle. Partout fleurissent des initiatives (collectivités territoriales, entreprises, associations d’éducation alimentaire..) des colloques sont organisés, des guides sur les bonnes pratiques édités notamment par les Agences de santé (ARS) les DRAAF (Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt), les sites à côté de ceux de l’Etat traitant du sujet sont innombrables. Le gaspillage alimentaire constitue un scandale et un fléau qui implique des mesures concrètes et efficaces à tous les échelons de la chaîne alimentaire avec au niveau des consommateurs une priorité concernant les enfants. Jusqu’à ce jour ni les plans nationaux ni les plans européens n’ont été à la hauteur de l’enjeu. Une étude publiée par la Commission européenne indique que si rien n’est fait le gaspillage alimentaire augmentera de 40% d’ici 2020 soit 126 millions de tonnes/an. En 2012 le Parlement européen a adopté une résolution demandant des mesures urgentes pour réduire de moitié le gaspillage alimentaire d’ici à 2025. Cet objectif est inscrit dans notre pacte national anti-gaspillage alimentaire de 2013 :
http://alimentation.gouv.fr/pacte-national-lutte-antigaspillage.
L’éducation alimentaire de la jeunesse est l’un des axes prioritaires de la politique publique de l’alimentation inscrit dans la loi « d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt » (13 octobre 2014). La lutte contre le gaspillage alimentaire est aussi un objectif prioritaire de S.Royale inscrit dans le projet de loi de transition énergétique pour la croissance verte et décliné dans le programme national de prévention des déchets. Reste à voir ce qu’il va sortir de tout cela et si nos deux ministres déploieront un volontarisme suffisant pour triompher des forces économiques qui voudraient freiner l’avancée de ce vaste chantier qui doit s’attaquer aux causes de ce gaspillage pour atteindre deux objectifs , en priorité le réduire et ensuite valoriser les invendus qui sont aujourd’hui jetés. Ils doivent évidemment d’abord nourrir les humains ce qui pose le problème d’une meilleure redistribution, ensuite des animaux et pour finir terminer en compostage ou méthanisation.
Il faut s’interroger sur cette surproduction au regard de nos besoins et ces tonnes de denrées qui restent dans les champs ou débordent des rayons des supermarchés qui ne cessent de s’allonger et de présenter des produits nouveaux. La faible valeur des produits agricoles (entretenue pas les subventions de la PAC ?) conduit chez les consommateurs au gaspillage et chez les agriculteurs à leur non récolte car la main d’œuvre est plus chère que le produit lui-même. Le scandale étant que ce sont les hyper marchés qui déterminent le prix de leur production, au plus bas évidemment sous couvert de défendre le consommateur. Des surplus sont aussi liés à la météo cas cette année des pommes de terres des milliers de tonnes vont être détruites et des pommes ( récolte abondante en Europe et embargo russe) mais qui iront on l’espère à la fabrication de compote et de fructose. D’où l’importance de développer le domaine de la transformation des surplus ou les bio-déchets.
Il faut ensuite résoudre ce paradoxe entre gaspillage alimentaire d’une part et accessibilité aux produits des personnes dans le besoin d’autre part. Le don de produits alimentaires à des fins de solidarité sociale devrait devenir l’objectif premier avant la destruction. Au niveau de l’UE seulement 8% des fruits et légumes retirés des marchés (pour maintenir les prix) sont distribués à des associations caritatives. Il faut envisager le développement des dons des filières agricoles car aujourd’hui tous ne donnent pas droit à des réductions fiscales. Il faudrait étendre à tous les produits agricoles le système appliqué aux producteurs laitiers qui peuvent donner leur lait à l'association de leur choix par l'intermédiaire de leur laiterie, avec une déduction fiscale à hauteur de 60% de leur don. Le glanage mériterait aussi d’être organisé, il faut aujourd’hui l’autorisation du propriétaire.
Certains députés français défendent l’idée d’obliger les supermarchés à céder leurs invendus (grâce à une fiscalité plus attractive).
Ils dénoncent aussi un vide juridique sur le don alimentaire, qui conduit des magasins à détruire leurs produits invoquant leur responsabilité en cas de pépin lié à la consommation de leurs dons. A quand en France une loi pour régler ce problème ?. Depuis 1996 les Etats-Unis applique au don alimentaire la loi « du bon samaritain » qui assouplit les risques pénaux et civils d’une personne portant assistance à des personnes en danger.
C’est ainsi que des personnes en France qui font les poubelles des super-marchés à la recherche de nourriture encore comestible jetée se retrouvent devant les tribunaux pour vol. Les commerçants invoquant la crainte d’être poursuivis pour mise en danger de la vie d’autrui suite à la consommation de denrées « périmées.
Et enfin la mesure peut-être la plus efficace pour lutter contre le gaspillage alimentaire serait de se pencher sur les règles concernant la date limite de consommation (DLC) des produits, laissée à l’appréciation des fabricants ( sauf pour quelques produits où s'applique la règlementation sanitaire) et parfois exagérément trop courtes.
Autre problème la date limite d’utilisation optimale (DLUO) imposée par l’Europe source de confusion pour le consommateur avec la précédente et qui conduit à jeter des produits encore consommables.
Il reste à attendre les propositions du député Guillaume Garot qui s’est vu confier un rapport sur la réduction du gaspillage alimentaire. Elles devront être à la hauteur pour atteindre l’objectif de réduire de 50% notre gaspillage alimentaire, ce qui implique déjà que soient connus les chiffres du gaspillage des acteurs situés en amont du consommateur, producteurs agricoles, industriels de l’agro-alimentaire et distributeurs !
dossier à suivre donc….
J. Thévenot
-La date limite de consommation (DCL) porte sur la sécurité alimentaire des produits périssables et emballés "à consommer jusqu'au..." le produit doit être retiré le lendemain de la DCL
-La date limite d'utilisation optimale (CLUO) porte sur la qualité des produits (gustative, nutritionnelle); le produit ne comporte aucun danger pour la santé à être consommé après cette date "à consommer de préférence avant...."cas des conserves, produits congelés, déshydratés....
sa suppression est prévue dans le projet de loi sur la transition énergétique en discussion au Parlement
www.alimentation.gouv.fr/initiatives-antigaspi
www.observatoirecuisinespopulaires.fr/gaspillage-alimentaire
www.ademe.fr-eco-citoyens
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