Nature et Environnement en Nièvre

Nature et Environnement en Nièvre

néonicotinoïdes: surtout ne pas baisser la garde

 

Néonicotinoïdes : surtout  ne pas baisser la garde !

 

 

La polémique qu’ a créée le Ministre de l’agriculture à peine entré en fonction  (il s’agissait de revenir sur l’interdiction des néonicotinoïdes…) nous a  opportunément  rappelé  qu’en matière de pesticides, la torpeur n’était jamais de mise… Soit le ministre ne connaissait pas le dossier soit  il aura été  très sensible aux arguments des lobbys industriels qui en permanence tentent de freiner l’instauration de règlementations restrictives à l’utilisation de ces produits ou de revenir en arrière lorsque loi a  (miraculeusement…) réussi à passer.

 

Les intérêts financiers des industriels liés aux néonicotinoïdes sont faramineux, ils  représentent un tiers   du marché mondial des insecticides agricoles ! Leur usage a augmenté de 4% entre 2013 et 2015 !

 

Apparus en Europe dans les années 1990  ces insecticides sont utilisés sur les cultures arboricoles et céréalières (blé, colza, maïs). Par pulvérisation mais surtout avec la technique des semences enrobées .  C’est donc la graine qui est traitée et le produit  est véhiculé  via la sève dans toute la plante et pendant toute sa durée de vie, au stade du semis, de la floraison (dans le nectar et le pollen) et de la transpiration des plantes qui alimente en eau les butineurs.  Avec ce système,  sans que l’on sache si c’est nécessaire,  des champs entiers sont traités systématiquement préventivement.  Ces produits se retrouvent évidemment aussi dans les rivières, les nappes phréatiques et le sol. Ils sont nocifs pour toutes les espèces qui vivent dans les champs, vers de terre, insectes, mulots, oiseaux insectivores et particulièrement pour les butineurs au premier rang desquels les bourdons et abeilles domestiques et sauvages. Et on attend les conclusions (fin 2017) de l’Agence de sécurité sanitaire (Anses) quant aux effets potentiels sur  la santé humaine, alors que plusieurs études scientifiques ont déjà  établi les impacts de certains de ces produits, sur le développement du système nerveux et l’apparition de cancers.

 

Les néonicotinoïdes  sont des neurotoxiques, ils altèrent le système nerveux des insectes, de tous les insectes indistinctement  à commencer par les pollinisateurs  garant de la sécurité alimentaire. Mortels à hautes doses ils sont aussi nocifs à faible dose  puisqu’ils altèrent leur capacité de reproduction (diminution de la fécondité) et leur sens  de l’orientation, les abeilles ne retrouvent pas leur ruche. De plus le néonicotinoïdes agissent comme une drogue, abeilles et bourdons  y sont accros et retournent sur les fleurs traitées.

 

Les apiculteurs  alertent  sans fin sur le danger de ces produits hautement toxiques pour les abeilles. En France la production de miel a été divisée par trois en 20 ans - 32 000 tonnes en 1995, 20 000 en 2011, 10 000 en 2014 -.  Le taux de mortalité des abeilles est de 30% en moyenne (50 à 80 % dans certains secteurs) contre un taux normal de 10,5%.  La surmortalité est attribuée en partie aux parasites – varroa, frelon asiatique) et aux insecticides en particulier  de la classe des néonicotinoïdes    ( une centaine de produits phytosanitaires en contiennent), le taux de mortalité des abeilles ayant grimpé à partir de leur introduction massive  dans les années 90.

 

Tous les pays européens sont concernés par ce problème.  A partir de 2013 la commission  mettait en place un moratoire partiel  sur l’usage de  trois  molécules néonicotinoïdes utilisés dans des insecticides – le thiaméthoxame, l’imidaclopride et la clothianidine  (il y en a cinq d’autorisées)– Et pour certains usages –semences de céréales d’été ( donc pas celles d’hiver) et cultures à fleurs.

 

La France  elle,  est allée plus loin au terme d’une lutte entre  scientifiques et  défenseurs de l’environnement d’un côté et les firmes industrielles de l’autre (Bayer, Sagynta, BASF…) En 2016 contre le gouvernement et le Sénatla loi « biodiversité » a interdit totalement  les néonicotinoïdes pour le ler janvier 2018  mais avec possibilité de dérogation  au cas par cas quand il n’y a pas d’alternative à court terme jusqu’au 1er juillet 2020. Ces dérogations  pourrons être délivrées sur la base d’un bilan établi par l’Anses ( en comparant les  bénéfices et les risques de l’usage de ces produits avec ceux des produits de substitution ou des méthodes alternatives) portant sur les impacts sur l’environnement en particulier les pollinisateurs, la santé publique et l’activité agricole.

 

Le moratoire européen doit être revu dans les semaines qui viennent.  On attend de la France non seulement  qu’elle soutienne à fond le projet de la Commission qui vise à une interdiction élargie des trois pesticides déjà réglementés  à tous les usages en plein champs mais qu’elle la pousse à s’aligner sur sa position de l’interdiction totale…. puisque l’EFSA (autorité européenne de sécurité des aliments) dans un rapport de 2016  sur les effets de ces molécules a identifié un « risque élevé pour les abeilles » lors des traitements sur les céréales d’hiver pour deux d’entre elles.

 

C’est dire si la sortie de notre ministre de l’agriculture était à côté de la plaque … mais faut-il s’étonner de le voir mettre ses pas dans ceux de ses prédécesseurs … face aux puissants  lobbys agro-industriels qui ne manquent pas de relais au sein de ce ministère : la nouvelle présidente de la FNSEA, Christiane Lambert avait déjà annoncé que son syndicat comptait sur le nouveau gouvernement  pour revenir en 2018 sur l’interdiction des néonicotinïdes….Il faut dire que tous les espoirs lui étaient permis : le premier ministre, ancien député avait voté contre la loi biodiversité posant l’interdiction des néonicotinoïdes, idem pour le ministre de l’agriculture du premier gouvernement Jacques Mezard  en tant que sénateur, quant à Stéphane Travert il avait tenté de la repousser…

 

 

L’argument principal  qu’il a déployé pour revenir  sur l’interdiction des néonicotinoïdes est la non-conformité de la législation française au droit européen beaucoup moins contraignant.  Il n’est nullement interdit d’aller au-delà de la norme européenne qui est à considérer comme un minimum ; le règlement européen sur les pesticides (2009) autorise les Etats à prendre des mesures de précaution. Elles s’imposent pour des produits qui impactent   l’environnement et la santé. La France a  ainsi interdit le Gaucho sur maïs et tournesol et le Cruiser sur le colza. L’Italie et l’Allemagne ont aussi interdit certains néonicotinoïdes au-delà de la règle européenne.

Par ailleurs juridiquement   l’Union européenne a compétence pour autoriser ou non les substances actives mais elle laisse aux pays la décision  d’autoriser ou pas les produits qui en contiennent. L’article 125 de la loi « biodiversité » est bien libellé dans ce sens : «  l’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes et de semences traitées avec ces produits est interdite à compter du 1er septembre 2018 ».

 

On a eu droit à un autre argument  bien connu chez les lobbys repris par le ministre : pas de rendement sans pesticides…une stupidité.  Comment  à terme les rendements des cultures qui dépendent de la pollinisation, pourraient augmenter si on  les inonde de produits qui tuent les pollinisateurs !

 

Le premier ministre a rondement tranché le désaccord entre le ministre de l’agriculture et le ministre de la transition écologique et solidaire en affirmant que le gouvernement ne reviendrait pas sur la loi biodiversité. Tout en glissant dans son communiqué un propos ambigu : « la commission  ayant émis certaines observations sur la réglementation française afin de s’assurer de la conformité du droit français, un travail est en cours avec les autorités européennes » .Comme si la porte aux néonicotinïdes n’était pas définitivement fermée….

 

Pour être totalement rassuré on attend donc qu’il   conclut rapidement « ce travail  en cours»  et confirme à la Commission européenne que la France interdit les néonicotinoïdes !

 

 

                                                                  J. Thévenot

 

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www.pollinis.org

www.unaf-apiculture.info

 

 

 

 

 



11/07/2017
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