Nature et Environnement en Nièvre

Nature et Environnement en Nièvre

LVNAC - DES ZOOS ...

Du zoo au parc zoologique,

pour sauver les espèces ???

 

 

Les médias ont fait un large écho à la réouverture du zoo de Vincennes transformé en parc zoologique. Plus de cages mais des enclos où les animaux peuvent se déplacer, se cacher un peu du public et des loges où ils peuvent s’abriter. Le tout sur 12 ha «paysagés». Les visiteurs traversent des «biozones» évoquant les grands espaces dont sont originaires les pensionnaires enfermés dans ce zoo rénové : la Patagonie, le Sahel-Soudan, l’Europe du Nord, l’Amazonie - Guyane et Madagascar avec pour ces deux «biozones» une serre chaude truffée de plantes tropicales, oiseaux éclatants, lémuriens (derrière des grillages) et même un laventin de 500 kg dans sa mangrove venu du zoo d’Arnhem qui a paraît-il gagné au change question espace. En bref, la cage s’est transformée en milieux naturels «reconstitués» où les animaux sont priés de se sentir chez eux et à qui on rend visite. Ils sont nourris, logés, hors de tout danger en attendant de retrouver les grands espaces … Car tel est le discours aujourd’hui qui justifie les parcs zoologiques : leur vocation serait la réintroduction dans leurs biotopes des espèces menacées … A vérifier bien sûr.

 

La mise en captivité d’animaux sauvages est une longue histoire  qui nous renseigne sur nos sociétés

 

Elle commence dès l’antiquité. La capture et la collection de bêtes exotiques sauvages était un élément de puissance pour ceux qui les possédaient (Egypte, Chine, Asie, Rome …). Les animaux pouvaient être entretenus pour servir dans des combats d’animaux (entre animaux sauvages ou contre des animaux domestiques, pour mesurer leur force respective) qui dureront jusqu’au 18ème siècle et aussi combats entre hommes et bêtes (spectacle des jeux de cirque) où il s’agit de tester la domination de l’homme sur la nature.

Au Moyen âge, les grandes cours d’Europe continuent les collections de bêtes sauvages. Compte tenu de leur prix exorbitant, ces animaux sauvages constituent des présents extraordinaires. Pour un animal arrivant en Europe, il en meurt trente à quarante soit par la capture soit par le voyage.

Au 16ème siècle, grâce aux grandes découvertes le nombre d’animaux augmente tandis que leur prix baisse. Le mot exotique apparaît. Il traduit la curiosité et la fascination pour des animaux et des plantes extraordinaires inconnues.

Au siècle suivant, apparaissent les ménageries avec la reprise de la manière italienne de mise en théâtre des animaux qui sont vus comme des beautés de la nature et des curiosités. Ils sont enfermés au service d’un pouvoir soucieux de se montrer et à sa disposition. La ménagerie reste le symbole de la puissance et derrière la soumission de la nature il y a la soumission des sujets … Louis XIV fera construire, pour sa ménagerie, un petit château dans le parc de Versailles, où, notons-le, on ne soumet pas que les animaux sauvages mais également l’eau et la végétation …

A la fin du 18ème siècle, à  la fascination pour des animaux exotiques et féroces s’’ajoute la volonté de les dompter pour les rendre familiers. Des forains parcourent les villes avec des animaux dressés (ours, singes, phoques …). Par ailleurs, l’intérêt scientifique grandit avec le souhait  d’observer et d’étudier ces animaux, ce que ne permettaient pas les ménageries de cour qui leur interdisaient un comportement normal.

Des ménageries, en grande partie collections privées, on passera aux zoos ouverts au public. La Révolution jouera un rôle décisif dans ce tournant. La ménagerie de Versailles, vue comme le symbole du despotisme, sera confisquée, les animaux transférés dans celle du Jardin des Plantes, annexe du musée national d’histoire naturelle. Cette mesure s’inscrivait dans un but  d’éducation populaire et d’accès au plus grand nombre de ce qui était réservé  jusque là aux princes. A cela s’ajoute une approche pacifique des zoos, on privilégie aux animaux féroces symboles de la cruauté aristocratique des animaux paisibles symboles du Tiers Etat.

Avec la colonisation, les parcs zoologiques se multiplieront. Ils seront la vitrine de la puissance des nations impérialistes. Les zoos se spécialisent en fonction des terres possédées, les animaux sont considérés comme des ambassadeurs … Ils sont importés par milliers, dressés à jouer le rôle de fauves vaincus, de bétail domestiqué voire de compagnons devant un public de plus en plus nombreux. «Les jardins zoologiques de la fin du 19ème siècle, début du 20ème, reflètent la détermination des nations impérialistes de classer et de dominer» (Eric Baratay et Elizabeth Hardouin-Fugier / Histoire des jardins zoologiques en Occident/).

 

On offrira même à ce public  des zoos humains et des spectacles «ethnographiques» où on exhibe des hommes comme des curiosités. Ils apparaissent dans plusieurs villes européennes (France, Berlin, Francfort,  Amsterdam, Rotterdam …), au cours des années 1870 inspirés par l’américain P.T. Barnum et ses «ethnics et freaks Shows». Ils se multiplieront jusqu’à la seconde guerre mondiale et s’inscrivent dans le colonialisme et la prétention de domination de certaines civilisations sur d’autres prétendument inférieures

Des spectacles mettent en scène des «indigènes» avec le plus souvent des animaux exotiques. C’est par dizaines de millions que les européens et les américains iront voir dans des zoos, des foires, des expositions, sur des scènes de musical les exhibitions de ces «sauvages» ou «primitifs» (Lapons, Pygmées, Bantous, …). A Paris, une quarantaine d’exhibitions seront mises en place par le gouvernement ou par des privés en collaboration avec les municipalités.

Le clou sera l’exposition coloniale à Paris (1931 au Jardin d’acclimatation - 8 millions de visiteurs) avec le plus grand zoo humain jamais créé, histoire de justifier la colonisation sous couvert de mission civilisatrice envers les «barbares». Qu’on a fait venir pour peupler les villages indigènes reconstitués dans les différents espaces dédiés à la découverte des territoires colonisés.

 

La transformation des zoos interviendra après la  seconde guerre mondiale.

 

Beaucoup devront être reconstruits. Des scientifiques, qui vont sur place étudier les animaux, soulignent leur sociabilité (travail de Diane Fossey sur les gorilles, qui lui vaudra d’être assassinée). Les zoos devront peu à peu suivre et montrer les animaux en famille dans un environnement semblable à ce qu’ils ont vécu chez eux. Des éthologues comme Lorenz (années 50) étudient les animaux en captivité et vont aménager leurs enclos de manière à éviter au maximum les troubles (psychologiques, comportementaux) mais aussi  nouvel objectif à permettre la reproduction. De nouveaux aménagements apparaissent tels les «parcs safaris» des années 60. La réserve africaine de Thoiry date de 1968.

Le public ne voit plus les animaux de la même façon, les scientifiques expliquent qu’ils sont nos cousins plus ou moins éloignés …, qu’ils ont une sensibilité, dès lors leur enfermement pose un problème moral. Des comités anti-zoo demandent la tête des directeurs taxés d’esclavagistes de la nature. L’animal ne peut plus être considéré comme «une chose» à la disposition des hommes ; on doit le respecter.

 

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                 OKAPI  à Bioparc

 

Des mesures internationales de protection.

 

Depuis l’entre deux guerres, les scientifiques tiraient la sonnette d’alarme sur la diminution de certaines espèces auxquelles participaient les zoos en raison du pourcentage de pertes (capture, transport, non adaptation à la vie en captivité) de 30 à 80% (pour les gibbons du Laos par exemple).

Des mesures sont prises au niveau international pour la préservation de la faune et de la flore. Création, en 1948, de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN). En 1973, la convention de Washington impose des réglementations strictes en fonction de la vulnérabilité des espèces. Les zoos ne peuvent plus faire leur marché dans la nature, ils doivent donc compter sur leurs propres ressources pour peupler leur espace ce qui implique que les animaux se reproduisent, et, également, que l’on améliore les conditions de captivité. Des programmes d’élevages sont lancés avec le développement d’une coopération mondiale entre zoos pour le prêt d’animaux reproducteurs afin d’enrichir le patrimoine génétique des espèces captives. 300 zoos et aquariums de cinquante pays sont aujourd’hui affiliés.

On se rappellera l’arrivée en fanfare, en février 2012, en Boing 777 spécialement affrété, de Rondouillard et Joyeux, deux pandas prêtés par la Chine à la France pour une dizaine d’années (ils sont au Par Zoologique de Beauval (Loir et Cher).

Enfin dernière étape, à la conférence de Rio de 1992 les directeurs de zoos ont réussi à faire reconnaître leur rôle dans la sauvegarde de la biodiversité : puisque, disent-ils, ils font prospérer en captivité des espèces en voie de disparition pour les relâcher ensuite dans leurs milieux et assurent un travail  de sensibilisation auprès du public. De pilleurs ils seraient devenus un maillon crucial de la protection de la nature et de plus reconnu par les Nations Unis …

 

La réalité est moins réjouissante.

 

Il y a quelques réussites de reproduction et de réintroduction, tels l’Oryx d’Arabie, le bison d’Europe, le putois à pieds noirs, le cheval de Przewalski.  Mais il y a 2323 espèces animales en situation critique inscrite sur la liste rouge de l’UICN, une très faible proportion est hébergée dans les zoos. Les réintroductions réussies se comptent sur les doigts d’une main, une goutte d’eau dans l’océan de la biodiversité qui reste pour une large part inconnue (on ne connaît que 10% de la biodiversité terrestre). Elles ont été un cuisant échec dans certains cas comme celui des lions habitués à être nourris aux poulets … incapables de chasser, faute d’apprentissage, qui, affamés, se sont rapprochés des villages.

Autre problème, la dérive génétique malgré les échanges en réseau. C’est le cas du cheval de Przewalski qui souffre de graves malformations faute de brassage génétique suffisant. C’est ce problème qui a conduit à l’euthanasie de Marius, un girafon du zoo de Copenhague, en février dernier et provoqué la colère de la blogosphère …

 

Ce n’est donc pas l’élevage des zoos qui va sauver la biodiversité et la majorité de leurs pensionnaires sont voués à la captivité. Les zoos ne préservent pas les espèces, ils les conservent.

Le zoo moderne se présente comme «une arche de Noé». C’est une arche de Noé carcérale plus ou moins confortable du petit zoo urbain au parc zoologique comme celui qui vient de réouvrir à Vincennes.

La préservation des espèces passe nécessairement par la préservation de leurs espaces naturels et la prise en compte de toute la chaîne de la biodiversité (animaux, insectes, végétation). Des zoos y travaillent, soit par une contribution financière à des associations locales, soit plus directement. Bioparc (zoo privé de Doué la Fontaine), par exemple, est impliqué dans la conservation d’une forêt primaire à Madagascar; accueille d’okapis en soutien à un projet de conservation de la république Démocratique du Congo (www.bioparc-zoo.fr).

 

Et comme le dit si bien l’historienne Elisabeth Hardoin-Fugier «plutôt que de renflouer une arche de Noé aussi coûteuse et exiguë qu’un astronef, il fallait tenter d’endiguer le déluge» …

 

 

 J. Thévenot



24/04/2014
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