Nature et Environnement en Nièvre

Nature et Environnement en Nièvre

LVNAC-Biodiversité: prendre la mesure de l'urgence (2)

 

BIODIVERSITE: prendre la mesure de l'urgence(2)


Le niveau alarmant de l'érosion de la biodiversité ces dernières décennies est lié à l'activité humaine. Les dirigeants mondiaux n'ont pas réussi à tenir les engagements pris en 2002 à la Conférence de Johannesbourg par la convention sur la diversité biologique (CDB) à savoir enrayer d'ici 2010 la perte de la biodiversité objectif auquel la France a souscrit puisqu'elle l'a repris dans sa stratégie nationale sur la biodiversité.

La perte de la biodiversité spectaculaire chez les vertébrés, plus de 260 extinctions au cours du XXème siècle ne doit pas cependant faire oublier que les actions de l'homme n'affectent pas de la même manière toutes les espèces. Il semble que les microorganismes par exemple profitent de ses activités. Par ailleurs, nous sommes loin d'avoir fait l'inventaire de la biodiversité, l'érosion réelle pour certains groupes, reste à démontrer pour de nombreux autres, virus, bactéries (qui ont un rôle très important dans la biosphère), invertébrés. Enfin faut-il rappeler qu'en Europe par exemples les espaces naturels ne sont bien souvent qu'un lointain souvenir et que l'homme a façonné des territoires aux prix de la biodiveristé qui préexistait mais en créant de nouveaux écosystèmes qui sont aujourd'hui ancrés dans notre patrimoine, dans notre représentation du passé, dans notre culture et pour lesquels on se bat comme par exemple les zones de bocage.


Les pressions exercées par l'homme sur la biodiversité sont multiples


La surexploitation des espèces et des ressources naturelles a des effets directs sur la biodiversité: exploitation du bois (en rappelant que dans certains pays il est le seul combustible disponible pour les usages domestiques d'où des prélèvements très importants), chasses commerciales (baleines, phoques,éléphants, buffles, singes, tigres..) le piégeage qui chez nous a manqué faire disparaître la loutre, le castor, le trafic illégal de plantes et d'animaux sauvages; il occupe le troisième rang derrière celui de la drogue et des armes. La mode des nouveaux animaux de compagnie tels que les lézards, caméléons et autres geckos est une catastrophe pour ces espèces. En France le commerce illégal des reptiles protégés a augmenté de 250% de 2004 à 2009 (chiffres de la Cites). La pêche industrielle entraîne l'extinction commerciale voire la disparition totale de certaines espèces (thons, requin, espadons, poissons scies...). Dans l'Atlantique Nord les populations de grands poissons ont diminué des deux tiers au cours des cinquante dernières années. La pêche intensive entraîne la destruction d'espèces non ciblées estimées à 27 millions de tonnes soit le quart des prises totales. Ces prises sont le plus souvent rejetées (mortes) parce que trop petites, de moindre qualité marchande, ne faisant pas partie des quotas. Les gigantesques filets dérivants attrapent aussi bien des tortues, des dauphins que des oiseaux.


La destruction et la fragmentation des habitats sont les facteurs principaux d'appauvrissement de la biodiversité. En France depuis 20 ans ce sont environ 60000 hectares de milieux naturels qui disparaissement chaque année du fait des infrastructures routières, des retournements de prairies pour mise en culture, de l'étalement urbain. Les événements dramatiques provoqués récemment par Xinthia illustrent la consommation disproportionnée du littoral. La moitié de notre territoire ne possède plus de surfaces naturelles continues de plus de 50 km2. Entre 1960 et1990 la moitié de nos zones humides, vitales pour la ressource en eau , ont disparu sous la pression des aménagements, de l'agriculture intensive (irrigation, drainage, pollutions, remblaiements...) des travaux sur cours d'eau (barrages, recalibrages, digues..). Les barrages sur la Cure et l'Yonne dans le Morvan ont noyé des centaines de kilomètres de rivières vivantes autrefois peuplées de moules perlières.


Enfin les pollutions du sol, de l'air ,de l'eau sont à l'origine de perturbations dans les écosystèmes et constituent une menace pour 89% des espèces d'oiseaux,83% pour celles des mammifères et 91% pour celles des plantes. L'agriculture productiviste est l'un des facteurs majeurs des dégâts que subit la biosphère, érosion des sols, destructions d'habitats d'espèces, monocultures, OGM, pollutions des eaux, traitements chimiques affectant les pollinisateurs, les micro-organismes régénérateurs des sols...


Les introductions d'espèces: volontaires ou fortuites peuvent bouleverser l'équilibre des milieux, entrer en compétition avec les espèces indigènes, les dominer et les faire disparaître. Elles ont de tout temps accompagné les migrations humaines (introduction en Australie des chats, chiens, rats, lapins qui ont eu un impact majeur sur la faune et la flore locales). Ces transferts d'espèces entre continents et pays sont évidemment favorisés aujourd'hui par l'intensification des échanges mondiaux, transports, commerce, tourisme.

Concernant notre pays citons parmi les espèces introduites et devenues envahissantes: les ragondins (Amérique du Sud) l'écrevisse américaine qui supplante l'écrevisse à pattes blanches de nos cours d'eau, la grenouille taureau, la tortue de Floride importée dans les années 70 comme animal de compagnie et abandonnée dans la nature parce que trop encombrante (on la trouve dans les gravières des bords de Loire..), la Caulerpa Taxifolia, algue exotique introduite ne Méditerranée, probablement échappée de l'aquarium de Monaco qui détruit les herbiers de posidonies. L'introduction du rat musqué qui s'est répandu dans tous nos cours d'eau a été fatale aux moules d'eau douce.

En Loire-Allier la jussie (Amérique du Sud) avec ses belles fleurs jaunes est la plante la plus préjudiciable pour les écosystèmes aquatiques; par son développement extrêmement rapide elle asphyxie la faune et la flore locale. Elle est encore commercialisée pour l'ornementation des bassins..La renouée du Japon. Qui envahit les berges (le plus souvent sur d'anciennes décharges), 3 mètres de haut, 5 centimètres de pousse par jour émet des toxines par ses rhizomes et élimine ainsi tout autre végétal (jeunes saules,alnes, frênes). Elle empêche l'accès au fleuve et les sols nus qu'elle laissent en hiver favorisent l'érosion des berges. Le robinier faux accacia, introduit au début du 17 ème siècle depuis les Etats-Unis est un arbre agressif qui drageonne abondamment et dégrade les milieux qu'il envahit. C'est une espèce sous surveillance dans les sites NATURA 2000 des vallées Loire Allier.

Rappelons quand même au passage que certaines introductions ont été des réussites... et appartiennent aujourd'hui à notre patrimoine tels la carpe et le mimosa..


Enfin il faut maintenant prendre en compte les effets des changements climatiques qui peuvent modifier l'abondance et la répartition des espèces avec des conséquences graves pour les société humaines, notamment les plus pauvres. A titre d'exemple les migrations de poissons vers des eaux plus froides, la disparition d'espèces et d'écosystèmes entiers tels les récifs coralliens avec pour conséquence possible le déclin de populations de poissons et des menaces pour la sécurité alimentaire de nombreux pays.


Ce rapide aperçu des causes factuelles de l'érosion de la biodiversité montre que celle-ci est victime du développement non durable où l'homme a considéré la diversité du vivant comme une ressource à consommer sans limites donc au-delà des capacités de régénération de la planète.

La biodiversité est notre assurance vie en raison de son potentiel d'évolution dont dépend notre capacité à nous adapter aux mutations de l'environnement notamment celle du climat. C'est dire le danger que représente pour la sécurité alimentaire, l'uniformisation des productions agricoles et la disparition de cette biodiversité domestique, créée durant 10000 ans par des milliers de générations de fermiers.

La sauvegarde des grands écosystèmes de la planète (eaux douces, forêts, sols, zones côtières, récifs coralliens..) base et support de notre développement et de notre survie est un impératif car au-delà de certains seuils de dégradation ils ne sont plus en mesure de fonctionner et les services qu'ils rendaient sont perdus. Il y a urgence car 60% des services vitaux qu'ils fournissent à l'homme sont déjà compromis. Nous sommes vraisemblablement la dernière génération à pouvoir inverser cette tendance et maintenir encore la majeure partie de la biodiveristé biologique constitutive de notre passé, de notre culture, héritage de nos ancêtres que nous devons transmettre aux générations futures.

Il s'agit aujourd'hui de tirer les enseignements de l'échec de 2010 et si l'action à mettre en place doit se faire localement au plus près du terrain, la question de la biodiversité, comme toute autre question concernant la planète ne peut se contenter de décisions étatiques, elle implique des stratégies au plan européen et international.

                                                                      J. Thévenot 

Destruction de la forêt amazonienne, conservatoire de la biodiversité



20/06/2010
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