Nature et Environnement en Nièvre

Nature et Environnement en Nièvre

CNAD-Vers un détricotage du Grenelle de l'environnement?

 

Agriculture: vers un détricotage du Grenelle de l'environnement?

 

« je voudrais dire quelques mots à propos de l'environnement parce que là aussi ça commence à bien faire ». Ces propos du chef de l'Etat , prononcés à l'issue du salon de l'agriculture, annoncent de l'avis général, une suspension des mesures du Grenelle de l'environnement concernant l'agriculture, au premier rang desquelles la diminution de l'usage des pesticides, mais également la mesure phare que devait être la taxe carbone qui devrait attendre pour sa mise en application en France que toute l'Europe s'y mette alors qu'elle était prévue pour le premier janvier 2010.....

 

Ces propos sous tendent que la grave crise que traverse l'agriculture française serait liée aux problèmes d'écologie. En clair ce seraient les mesures environnementales imposées par la France qui handicaperaient notre agriculture face à la concurrence des pays européens, ce qui n'est pas recevable.

D'abord cette distorsion entre les pays européens est une affirmation qui ne repose sur aucun outil statistique et qui laisse de plus entendre que la France serait le seul pays européen à appliquer de façon stricte les règles agro-environnementales européennes...et à multiplier les contraintes environnementales franco-françaises! Rappelons que c'est le Danemark qui en Europe a la réglementation environnementale la plus sévère.

 

Ensuite prenons la production laitière la plus en difficulté aujourd'hui. Les causes de la crise du lait ne sont pas les questions environnementales mais la chute des prix liée notamment à un recul de la demande en raison du ralentissement économique mondial. Et cette crise a été aggravée par les politiques de dérégulation suivies par l'Union européenne et la France qui privent les producteurs de lait de de toute protection face aux lois du marché (loi de la jungle dans la fixation des prix!) et de revenus décents.

C'est sous la présidence française qu'a été décidée la suppression des quotas laitiers en 2015! (instaurés pour permettre une stabilité des prix).

C'est une loi bien française, dite « de modernisation de l'économie «  (LME) relative aux négociations commerciales, véritable catastrophe pour les agriculteurs qui permet à la grande distribution de demander à leurs fournisseurs de rénégocier les tarifs, à la baisse chaque fois que leurs intérêt le commandent. Le but de cette loi pour le gouvernement était de faire baisser les prix, dans un contexte de pouvoir d'achat en berne!

C'est au nom de la libre concurrence que le gouvernement a mis fin au prix interprofessionnel qui permettait d'éviter une surenchère à la baisse entre grandes surfaces, coopératives et producteurs.

 

La profession agricole sait tout cela. Elle sait aussi que la PAC (Politique Agricole Commune) aujourd'hui est très décriée. Dérégulation des marchés européens, 40% de son budget va à l'agriculture, soutien à l'agriculture industrielle 80%, des aides bénéficient à 20% des producteurs (pas les plus vertueux en matière d'environnement), concurrence déloyale avec les pays du sud ( L'Union européenne inonde de ses excédents à bas prix puisque subventionnés, les pays en voie de développement), dépendance des importations pour la nourriture animale ( alimentant ainsi la concurrence des sols dans les pays fournisseurs).

 

La PAC doit être redéfinie pour après 2013 sa survie dépend d'un changement profond de paradigme. Le modèle d'une agriculture européenne productiviste et qui aurait vocation à nourrir la planète... est dépassé. Les priorités aujourd'hui sont la sécurité alimentaire de l'Europe et dans les pays du Sud (maîtrise de la production pour stabiliser les prix et les revenus, arrêt des subventions à l'exportation...) la protection des ressources naturelles, le changement climatique , le maintien d'agricultures diversifiées, le soutien à une agriculture créatrice d'emplois et à l'installation de nouveaux agriculteurs, la valorisation de la diversité et de la richesse des territoires.

La profession agricole sait aussi que la PAC n'est plus la seule affaire des Etats et des gouvernements. Elle touche la société tout entière en ce que les agriculteurs sont les utilisateurs des ressources de la nature et de l'environnement, les producteurs de notre alimentation mais aussi d'autres services liés aux territoires qu'ils entretiennent.

Le défi pour demain c'est concilier performance économique et performance environnementale. Le Grenelle de l'environnement a permis de faire se rencontrer les agriculteurs avec les environnementalistes et les consommateurs. Ensemble ils ont dégagé des lignes pour un futur pour aller dans ce sens, qui ont été traduites dans une loi ( Grenelle 1 qui doit être suivie de Grenelle 2), qu'il faudra appliquer.

 

Les propos du chef de l'Etat ne font  que troubler le message au regard des uns et des autres. Ce n'est pas en désignant l'environnement comme bouc émissaire qu'on sauvera l'agriculture française et qu'on permettra à nos agriculteurs de vivre dignement de leur travail!

Qu'ils soient désorientés aujourd'hui on le comprend, face à un manque total de visibilité quant à l'avenir proche. Que dans ce contexte les contraintes agro-environnementale soient mal supportées on le comprend aussi. Mais au-delà de la polémique, des mesures passagères qui ne s'attaquent pas aux véritables causes des difficultés de l'agriculture en France, c'est un véritable changement de cap qu'il faut dès maintenant préparer, avec de nouvelles pratiques qui permettent d'assurer les revenus et une haute protection environnementale avec des produits de qualité que demandent les consommateurs européens.

 

On annonce l'examen devant le parlement français à partir du 15 mai de la « loi de modernisation agricole » adoptée en janvier par le gouvernement. Une loi de plus qui manifestement n'apportera aucune réponse à la crise structurelle qui frappe l'agriculture, qui confortera une vision passéiste (vision exportatrice d'une agriculture compétitive sur les marchés internationaux...) au lieu de tracer les grandes lignes de l'agriculture de demain à proposer à l'Europe pour l'après 2013.

 

 

                                                                J. Thévenot

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



23/03/2010
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