Nature et Environnement en Nièvre

Nature et Environnement en Nièvre

CNAD-Quel avenir de la PAC-, pour quelles agricultures européennes?(2)

Quel avenir de la PAC, pour quelle agricultures européenne? (2)

 

A quoi ressemblera la PAC de demain, c'est tout le débat d'aujourd'hui à la veille d'une énième réforme ( voir notre article précédent) pour la période 2014-2020 et d'une redéfinition de son budget. Certains États membres demandent que celui-ci (soit actuellement 40% du budget de l'Union) aille au moins en partie à d'autres politiques, recherche, climat, énergie...

La PAC qui a réussi à donner à l'Europe l'autosuffisance alimentaire connaît une grave crise de légitimité car elle soutient un modèle agricole industriel à bout de souffle:

- qui s'est traduit par un agrandissement et une spécialisation des exploitations (voir la disparition des petites et moyennes fermes laitières, le développement des élevages industriels), par une chute du nombre des agriculteurs, par la mise à mal de leurs revenus ( qui reposent aujourd'hui pour une large part sur des subventions et non sur les prix de leurs produits), par la désertification de territoires, par des atteintes majeurs aux ressources naturelles et à la santé ( dernier scandale en date en janvier , l'Allemagne suspendait les livraisons de viande et d'oeufs en provenance de milliers d'élevages après la découverte d'une contamination à la dioxine).

- dont les aides sont distribuées de façon inéquitable au niveau des agriculteurs et des pays

- qui engendre un productivisme au détriment des pays du Sud

- enfin le divorce entre le monde agricole et la société ne cesse de se creuser. Après avoir été les sauveurs de la nation, nos agriculteurs sont aujourd'hui mis en accusation (ils coûtent cher, polluent la nature, nous empoisonnent avec des produits industriels) par la population qui il est vrai ne s'encombre pas forcément de nuances ...faute d'une bonne information sur la grande diversité de notre agriculture qui doit conduire à différencier les paysans et les « entrepreneurs » agricoles...

 

 

Avons-nous besoin d'une PAC?

 

La PAC est nécessaire pour assurer à l'Union européenne la sécurité alimentaire , en qualité et en quantité. La fonction première de l'agriculture est de nourrir les hommes, les récentes émeutes de la faim nous ont rappelé ce rôle primordial. L'agriculture n'est donc pas un secteur comme les autres. Ce qu'il produit ne peut pas être considéré comme des matières premières ordinaires exposées aux spéculations des marchés, il réclame une régulation pour produire de manière suffisante, continue, à des prix accessibles.

L'agriculture gère la moitié du territoire européen. Elle a un impact direct sur le maintien du tissu rural, l'identité de nos territoires , la préservation des ressources naturelles (eau, sols, biodiversité). Tous ces biens publics sociaux et environnementaux ne peuvent être garantis dans le temps que par une politique publique européenne qui assure au sein de notre marché unique des conditions de concurrence équitable entre les Etats-membres et sauvegarde nos spécificités ( diversité des systèmes de production, des terroirs, des produits) par rapport aux autres modèles mondiaux pour des raisons économiques évidentes et parce que protéger l'agriculture européenne c'est aussi protéger le patrimoine culturel de l'Europe.

Enfin rappelons qu'aujourd'hui sans la PAC nombre d'agriculteurs ne disposeraient pas d'un revenu décent , faute d'être rémunérés sur la base de leurs produits et à leur juste prix..

Tous les partenaires européens ne sont pas pour le maintien de la PAC. Le Royaume -Uni soutenu par les pays du Nord de l'Europe et les pays baltes, s'appuyant sur le contexte actuel d'une demande forte de produits agricoles considèrent qu'il faut libéraliser ce secteur ultra-réglementé et subventionné. En clair ces pays considèrent l'agriculture comme un secteur en déclin , ce qui rend la PAC obsolète et coûteuse.

D'autres pays y voient une activité essentielle et estiment nécessaire une politique commune forte. C'est le cas du couple franco-allemand (1/3 de la production européenne et les deux premiers bénéficiaires de la PAC, 17 milliards dont 10 pour la France, soit 20% du budget de la PAC). Quant aux nouveaux Etats membres ils veulent davantage de fonds pour l'agriculture et de développement rural dans leur pays pour rattraper le reste de l'UE....

La Commission européenne annonce des priorités pour la PAC de demain en faveur du climat, de la gestion des ressources naturelles et du territoire. Le Parlement , qui aura à se prononcer a fait état des différents défis que doit relever la future PAC ( questions environnementales et sanitaires...). L'avenir se dessine donc avec le maintien d'une PAC, mais pour quelle agriculture européenne?

 

Quelle agriculture voulons-nous pour demain ?

 

L'objectif assigné à la PAC de 1962 était simple : produire . Le modèle agricole des années d'après guerre, fondé sur la recherche de forts rendements donc très consommateur d'intrants a été performant. L'Europe, pour une bonne partie de ses besoins alimentaires n'est plus dépendante de l'extérieur, à l'exception cependant des matières fourragères, (soja brésilien), qui nourrissent nos vaches ( avec pour premières conséquences de mettre en cause l'agriculture vivrière de ce pays et de détruire sa forêt primaire...).

La PAC a permis à l'agriculture européenne de se maintenir, mais avec la perte d'un grand nombre d'exploitants agricoles (– 1 millions en France en 40 ans). Aujourd'hui, ce modèle est en crise et n'est plus accepté par un nombre croissant de citoyens européens qui pensent qu'une autre agriculture est possible. A condition que la PAC future prenne en compte globalement les multiples enjeux de l'agriculture de demain: politique alimentaire ( qualité des produits, accès à tous via la restauration collective, circuits courts), développement rural (mesures contre la déprise des terres agricoles dans les régions à handicap naturel, aides à l'installation, soutien aux petits agriculteurs...), prix rémunérateurs pour les agriculteurs, échanges équitables et enfin sujet que nous développerons la réponse aux défis environnementaux auxquels est confrontée l'UE.

 

 

On nous annonce donc un verdissement de la PAC ...la France n'apparaît pas vraiment dans cette ligne...On se souviendra des propos du chef de l'Etat au salon de l'agriculture « sur toutes ces questions environnementales, parce que là aussi ça commence à bien faire ». De ceux de Bruno Lemaire, suite à la campagne d'affichage de FNE, volant au secours de l'agriculture intensive qui s'en est pris aux écologistes plutôt qu'aux ravages qu'elle entraîne. Ou encore quand il déclare que la condition de l'acceptabilité du verdissement de la PAC est , « qu'il soit intelligent « (hebdomadaire la France agricole du 21 janvier 2011) en clair qu'on simplifie les règles et qu'on n'accumule pas les contraintes pour les agriculteurs! C'est bien dans ce sens que vont plusieurs décisions prises dernièrement notamment en matière d'irrigation ( report de dispositions de la loi eau en matière de gestion collective et de réduction du volume prélevable dans les zones à fort stress hydrique), de concentration des élevages possible sans étude d'impact ni enquête publique, de dérogations abusives autorisant l'utilisation de pesticides interdits...On peut donc craindre de la France, acteur clef dans la négociation en cours, un soutien minimum à une nouvelle PAC qui serait réellement en mesure de réconcilier, agriculture, environnement, santé et emploi, de redonner confiance aux consommateurs et de remotiver les agriculteurs eux-mêmes en les sortant de cet assistanat via les subventions.

 

La PAC doit orienter de façon claire la politique en matière d'environnement:

 

Nous avons vu (cf notre article précédent) que les réformes successives avaient modifié la PAC dans le but d'y inclure plus d'aspects environnementaux. Ainsi les mesures agro-environnementales ( MAE) visent à encourager les agriculteurs à protéger et à valoriser l'environnement par des techniques agricoles respectueuses de l'environnement allant au-delà des obligations légales. Ils perçoivent une aide financière pour compenser les coûts supplémentaires et les pertes de revenus résultant de l'adoption de ces pratiques. De plus les MAE sont facultatives, leur pérennité n'est pas assurée, elles reposent sur des contrats de 5 ans. Enfin les paiements agro-environnementaux ne représentent que 5% des dépenses de la PAC (chiffre 2009), c'est dire l'impact limité de ces mesures.

 

Par ailleurs, la conditionnalité introduite en 2003 pour les paiements directs, implique que les agriculteurs se conforment pour la gestion des terres notamment à un certain nombre de règles , bandes enherbées en bordure des cours d'eau, maintien d'une surface de pâturages permanents...Mais on voit bien que dans ce système, il s'agit en fait seulement de limiter les conséquences négatives d'un mode de production façonnée pas des décennies de spécialisation et d'intensification, en aucun cas de le remettre en cause. De plus la conditionnalité pour être efficace suppose des contrôles et des sanctions..plutôt rares

Le bilan environnemental de la PAC est négatif. Ce sont les exploitants qui impactent le plus l'environnement qui touchent l'essentiel des primes (20% des agricultures touchent 80% des aides directes) sans réelle contrepartie sociale, sanitaire, environnementale.

 

La PAC de demain doit inverser ce schéma et orienter les aides en fonction des pratiques agricoles et par rapport à des objectifs environnementaux forts:

Soutenir par des incitations fortes, les modes de production qui répondent aux défis environnementaux et assurent l'avenir de l'agriculture en préservant les ressources naturelles dont elle dépend, sols, biodiversité, eau... et le bon fonctionnement des écosystèmes dont la conservation a un rôle central à jouer dans l'adaptation nécessaire de l'agriculture face au changement climatique: telle l'agriculture biologique, l'agriculture à bas niveau d'intrants d'origine fossile, la protection biologique intégrée, les systèmes extensifs... Rappelons aussi que l'objet de ces agricultures est également social en tant que créatrices d'emplois, puisqu'elles ont besoin de bras en lieu et place de machines et d'intrants..

Rémunérer les services et biens publics environnementaux que ces agricultures fournissent à la collectivité qui ne sont pas pris en compte par le marché et qui sont fortement menacés par l'abandon de l'agriculture : entretien des paysages, sauvegarde de la biodiversité, stockage carbone dans les sols et la biomasse, réduction des gaz à effet de serre, prévention contre les inondations et la sécheresse par le maintien d' infrastructures agroécologiques , zones humides,haies, bosquets, talus...

La rémunération de ces services environnementaux devrait être un principe clé de la PAC au lieu qu'elle encourage à travers les paiements actuels les effets négatifs de la production agricole. Elle permettrait que se noue un nouveau contrat entre les agriculteurs et la société. Les aides seraient alors un levier efficace pour une véritable transformation des systèmes de production pour une agriculture durable et l'abandon de cette pétro- agronomie qui utilise dix calories fossiles pour produire une calorie alimentaire et accumule les désastres, écologique, alimentaire, humain et économique!

Devant la dégradation croissante des sols la PAC doit aider et promouvoir l'agroécologie véritable savoir paysan ( que beaucoup d'agriculteurs doivent réapprendre...) dans l'utilisation des ressources et des processus gratuits de la nature qui protègent et enrichissent le sol, engrais verts, compostage, cultures associées en rotation qui permettent une rupture des cycles parasitaires, association élevage/agriculture, traitements phytosanitaires naturels....

La PAC doit encourager et soutenir la production de protéines végétales ( luzerne, trèfles, prairies extensives....) pour mettre fin à la dépendance européenne en matière d'alimentation animale et aux impacts sociaux et environnementaux qu'entraînent nos importations notamment en Amérique du Sud (pression sur les petits paysans, déforestation, utilisation accrue de pesticides, OGM des cultures de soja...). De plus le développement des légumineuses qui fixent l'azote de l'air limiterait l'utilisation d'engrais azotés de synthèse, émetteurs de gaz à effet de serre, hautement polluants et coûteux en énergie fossile. Elles sont par ailleurs bénéfiques pour les pollinisateurs .

 

 

La nouvelle réforme de la PAC sera t-elle suffisamment ambitieuse pour permettre la mise en place d'un nouveau modèle productif qui implique un véritable changement de mentalité qui ne pourra donc être qu'un long processus... face aux organisations agricoles qui ne voient pas une nécessité impérieuse pour réformer davantage la PAC et entendent rester dans le schéma de la poursuite de la production maximale avec diminution de ses coûts pour accroître la productivité et leur place sur les marchés mondiaux. Face aux Etats membres qui veulent une baisse de l'aide aux agriculteurs pour engager des politiques industrielles et aux prises de l'OMC, qui prône la libéralisation des échanges agricoles....

Le pire pour l'avenir de l'agriculture européenne serait de faire perdurer le modèle actuel  en l'accompagnant de quelques techniques légèrement moins polluantes en réponse à la pression environnementale sans modifier les orientations passées.

Il semble risqué de s'en remettre au seuls gouvernements à commencer par le nôtre...pour mettre en oeuvre un nouveau type d'agriculture pour sortir de la crise, répondre à l'évolution de la demande, restaurer une certaine confiance et remotiver les agriculteurs... Mieux vaut comprendre qu'il s'agit là d'un véritable combat politique où doivent se rejoindre agriculteurs, citoyens, consommateurs et associations.... (dossier à suivre donc!).

 

 

 

 

 

 

 

 

J. Thévenot

 

 

 

 

 

           

L'agriculture du 21ème siècle , des produits de qualité payés à leur juste prix

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



18/04/2011
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